Prisons en RDC : des conditions de détention jugées « catastrophiques » par le CICR

En visite en RDC, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Peter Maurer, a mis en cause les « dysfonctionnements du système juridique » qui maintient les personnes en détention « trop longtemps » sans être jugées. Une des causes majeures des « conditions extrêmement précaires » dans les prisons congolaises, relevées un mois plutôt dans un rapport de l’ONU.

Une déléguée parle avec le responsable du cachot de la base des FARDC, 2010. © CICR/Pedram Yazdi

Une déléguée parle avec le responsable du cachot de la base des FARDC, 2010. © CICR/Pedram Yazdi

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Publié le 25 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

 Une « surpopulation carcérale » qui varie « entre 200 et 725 % », des « milliers de prisonniers qui souffrent de malnutrition », un accès aux soins « problématique », des « conditions d’hygiène désastreuses »… Le CICR (Comité international de la Croix-Rouge) se sent contraint de mettre entre parenthèses son devoir de confidentialité pour « parler publiquement » de la situation dans les prisons congolaises, tant celle-ci lui paraît critique.

« Il y a urgence », souligne Annick Bouvier. « En RDC aujourd’hui, quatre prisons ont atteint un taux de surpopulation de 650 %. Dans certaines maisons d’arrêt, des dispensaires ne sont pas alimentés en médicaments, des détenus n’ont pas de sanitaires, la malnutrition est devenue un problème chronique », détaille la responsable de la communication du CICR sur place. Bref, « la situation est catastrophique », dans certains lieux de détention, lâche-t-elle.

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Prisons à risque

En visite dans le pays, Peter Maurer, le numero un de l’organisation internationale humanitaire basée à Genève, s’est dit également « préoccupé » par l’état des prisons en RDC, après un bref passage au Centre pénitencier de rééducation de Kinshasa (CPRK), communément appelé la « prison centrale de Makala ». Il s’est retrouvé face à « de vieilles infrastructures qui représentent un risque pour les détenus ». Et de constater que les services médicaux étaient défaillants et que la nourriture servie aux prisonniers n’était pas « adéquate ».

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Des employés du CICR suivent la préparation de la nourriture au camp de détention d’Osio (Province orientale), le 13 août 2012.

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© CICR/Doudou Mulamba

Depuis le début de l’année, pour tenter d’améliorer le « traitement humain » des prisonniers, le CICR a pu effectuer « 60 visites à près de 4 800 détenus dans plus d’une trentaine de lieux de détention ». Dix-sept prisons ont ainsi bénéficié d’une réhabilitation de leurs latrines et cuisines mais aussi de leur approvisionement en eau. « Aujourd’hui, le CIRC nourrit 2 800 prisonniers congolais au quotidien », commente Annick Bouvier. Des efforts qui restent cependant loin de résoudre le « problème » qui est beaucoup « plus large », aux yeux de Peter Maurer.

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Pour lui, il faudrait aussi que le gouvernement congolais s’attaque aux causes profondes de cette situation alarmante : « les dysfonctionnements du système juridique ». Il y a « trop de gens en prison qui attendent, trop longtemps, un jugement », explique-t-il. Un phénomène généralisé dans l’ensemble du pays, aggravant davantage des « conditions d’incarcération [déjà] extrêmement précaires ». Résultat des courses : une multiplication des cas de décès en prison.

Dans un rapport publié mi-mars, le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme a recensé 211 personnes mortes en détention entre janvier 2010 et décembre 2012, dont 54 en 2010, 56 en 2011 et 101 en 2012. Abstraction faite des « décès en détention qui ont pu être confirmés comme résultant de violations des droits de l’homme ».

« Il ne devrait jamais être permis qu’une personne privée de liberté meure de faim ou de mauvais traitements », avait alors rappelé Navi Pillay, la Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, faisant allusion aux actes de torture qui persistent dans les prisons congolaises. Le document onusien mentionne notamment le cas d’un « homme arrêté pour trafic de drogue et détenu au cachot de la police nationale congolaise à Tshela, province du Bas-Congo (…), décédé [début juin 2012] suite à des sévices subis en détention ». Il en est de même d’un « mineur rwandais soupçonné d’appartenir au Mouvement du 23-Mars (M23) décédé en août 2012 suite à des actes de torture alors qu’il était détenu par des militaires des FARDC à Goma ».

Corruption

Que fait l’État congolais, premier responsable de la protection de l’intégrité physique des personnes détenues ? Une réforme du système judiciaire, initiée en 2006, n’a pas encore abouti. Le nouveau gouvernement, lui, a adopté un « programme d’action 2012-2016», destiné à « humaniser les conditions carcérales et à moderniser le système pénitentiaire ». Mais, jusqu’ici, « seules les 11 prisons centrales et trois camps de détention bénéficient d’un budget régulier », souligne le rapport du Bureau conjoint de l’ONU, le pays comptant 222 établissements pénitentiaires, selon les chiffres officiels.

Pis, « de nombreuses prisons ne reçoivent pas les budgets qui leur ont été, en théorie, alloués, ou les reçoivent avec un retard considérable allant parfois jusqu’à six mois », note le même rapport, ajoutant que « les prisons plus modestes sont également affectées en raison de la corruption des administrateurs ».

Sollicitée, la ministre congolaise de la Justice, Wiwine Mapita, n’a pas encore répondu aux questions de Jeune Afrique. Il faudra donc patienter pour savoir comment Kinshasa compte améliorer la situation précaire des détenus en RDC.

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Par Trésor Kibangula

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