Réfugiés maliens de M’bera : entre la misère et la dawa, la guitare touarègue

« Échoués dans le désert » : c’est le titre de l’alarmant rapport de MSF sorti le 12 avril, au sujet des 75 850 réfugiés maliens du camp de M’bera en Mauritanie. Une population en majeure partie touarègue, livrée à elle-même.

Une vue du camp de réfugiés de M’bera, près de la frontière malienne, en Mauritanie. © Abdelhak Senna / AFP

Une vue du camp de réfugiés de M’bera, près de la frontière malienne, en Mauritanie. © Abdelhak Senna / AFP

Publié le 23 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Le 21 avril, les partisans du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) organisaient une marche de soutien à leur mouvement dans le camp de réfugiés maliens de M’bera, en Mauritanie, à la frontière avec le Mali. Poussés par les conditions difficiles dans lesquelles ils se trouvent, les réfugiés y ont participé par milliers. Car ici, on manque de tout ou presque. « Pour les 75 850 réfugiés de M’bera, le centre de santé principal ne compte que quatre infirmiers et un médecin, alors que centre secondaire n’a que trois infirmiers », dit Lahssane Ould Youba, pharmacien du camp. « Nous n’avons pas de médicament contre la tension, ni contre l’asthme… Or ce sont des maladies fréquentes chez les réfugiés », poursuit-il.20px;" />

Assise devant la tente qui sert de lieu de consultation à Médecin sans frontière (MSF), Aicha Minte Loubate dépose à même-le-sol son enfant malade qu’elle ventile. Il n’est que 9 heures du matin, mais la température avoisine déjà les 40°C. « Mon fils est malade depuis une semaine. Son état empire, alors je viens pour avoir des médicaments. Mais depuis une heure personne ne s’est occupé de moi, et il y a encore beaucoup du monde », dit-elle.

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"Invitation" salafiste

Le 12 avril, MSF a publié un rapport alarmant sur la situation des réfugiés, intitulé « Échoués dans le désert ». Selon lui, « l’aide humanitaire déployée est insuffisante ». Et c’est dans ce climat de relative indifférence que des prêcheurs de la dawa (« invitation » en arabe, une méthode de prosélytisme par la prédication), aux messages souvent salafistes, s’activent entre les tentes des réfugiés. « Nous sommes venus vous rappeler le vrai chemin, celui de Dieu et de son prophète Mohamed. Nous vous invitons à venir à la mosquée au crépuscule pour une prière collective et une discussion », dit l’un d’entre eux à un groupe de jeunes refugiés qui venaient d’installer leur tente. Certains de ces prédicateurs sont des réfugiés, eux aussi, « mais ils trouvent chaque semaine un renfort supplémentaire d’environ cinq personnes qui viennent de l’Ouest, probablement de Nouakchott », explique Nafissatou Minte Oumar, dont la tente voisine celle d’un prêcheur.

Les concerts sont les seuls lieux de retrouvailles entre garçons et filles, dans la plus pure tradition touarègue.

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© Baba Ahmed/J.A.

Concurrence musicale

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Les islamistes ne sont pas les bienvenus partout. La majorité des refugiés sont soufis et non salafistes. Certains, même, n’hésitent pas à faire le rapprochement entre les prédicateurs et les jihadistes qui ont occupé le nord-Mali en 2012. « On nous dit qu’ils sont différents des autres islamistes armés, mais une chose est sûre : les leaders islamistes qui ont occupé nos villes étaient tous d’anciens prédicateurs de la dawa. On voit ce courant comme une porte d’entrée chez les islamistes armés, alors on se méfie d’eux », dit Mohamed Ibrahim, un refugié originaire de Diré.

Dans le camp, les musiciens donnent parfois un concert chaque soir de la semaine.

© Baba Ahmed/J.A.

Les prédicateurs se heurtent aussi à une concurrence de taille : la musique touarègue. Presque chaque nuit, un concert en plein air est animé par Mohamed Issa, un guitariste qui réunit beaucoup plus de monde que les mosquées salafistes. C’est le seul lieu de retrouvailles entre garçons et filles après une dure et chaude journée où le manque d’eau s’est cruellement fait sentir. « Il m’arrive souvent de donner des concerts toutes les nuits de la semaine. C’est pour les gens qui ont trop de problèmes dans la tête, qu’on peut leur faire oublier de temps en temps avec la musique », explique Mohamed Mossa. Le concert qui commence en général au crépuscule se termine vers 22 heures. L’heure du couvre-feu qu’on préfère respecter pour ne pas provoquer davantage les salafistes.

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Par Baba Ahmed, à M’bera

Pour en savoir plus : lire le rapport de MSF téléchargeable ici
 

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