Côte d’Ivoire : ces expatriés qui reviennent s’installer au pays

À chaque déplacement à l’étranger, le président Alassane Ouattara appelle les expatriés ivoiriens à revenir travailler en Côte d’Ivoire. De fait, ils sont de plus en plus nombreux à franchir le pas et à trouver un emploi dans leur pays d’origine, essentiellement dans les secteurs de l’informatique, de la banque, la télécommunication et de l’ingénierie. Enquête.

Cinq parcours qui illustrent la diversité des profils d’expatriés ivoiriens. © Aurélie Fontaine/DR/J.A.

Cinq parcours qui illustrent la diversité des profils d’expatriés ivoiriens. © Aurélie Fontaine/DR/J.A.

Publié le 16 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

Du haut de son bureau au 17e étage dans le quartier d’affaires d’Abidjan, Ranie Ba a une vue imprenable sur la ville. Conseiller technique du ministre du commerce et enseignante-chercheur à l’université de Bouaké, cette doctorante en économie de 32 ans a quitté Paris en avril 2011. Sans regrets.

« Je me suis demandée si, en postulant dans une fac en France pour être maître de conférence, j’aurais le sentiment d’être réellement utile ». Sa réponse, confortée par l’envie de fuir le « métro-boulot-dodo », est clairement « non ».

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« Côté professionnel, je voulais avoir le sentiment d’apporter quelque chose. Et puis, aurais-je eu autant d’opportunités en France que j’en ai depuis que je suis rentrée ? »

Ranie Ba, économiste, 32 ans, anciennement à Paris.

© Aurélie Fontaine

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Comme elle, de plus en plus d’expatriés ivoiriens considèrent comme possible et avantageux un retour en Côte d’Ivoire. Près de deux ans après la fin de la violente crise postélectorale qui a opposé les partisans de Laurent Gbagbo à ceux d’Alassane Ouattara, le climat politique et économique apparaît favorable aux expatriés.

C’est le cas notamment de Jocelyne Daly, responsable commerciale de 27 ans, partie en 2009 à Dakar pour y terminer ses études. À cette époque, difficile de suivre correctement les cours à Abidjan. Revenue en juillet dernier, la jeune femme a mis deux semaines pour trouver un travail. « Je suis rentrée au bon moment. Je me suis beaucoup fiée aux avis de mes amis qui vivent le quotidien ivoirien et qui savent de quoi ils parlent ».

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« Je me suis beaucoup fiée aux avis de mes amis qui sont en Côte d’Ivoire. Eux vivent le quotidien, donc ils savent si le pays va mieux ou pas. »

Jocelyne Daly, représentante commerciale, 27 ans, anciennement à Dakar.

© Aurélie Fontaine

Dispositifs d’insertion

Autre génération, même ambition. En attendant de trouver un nouveau local pour son salon de coiffure, Francisca Ahidomehou, 42 ans, coiffe chez elle. Après plus de vingt ans passés en France, cette mère de famille a décidé de sauter le pas. « Je ne me sentais plus à ma place dans la société française et avec un salaire de coiffeuse ce n’est pas facile de joindre les deux bouts ». Ici, elle vit heureuse et confortablement, même si tout recommencer n’a pas été simple. « La famille ne comprends pas que tu veuilles rentrer, alors que tu peux rester travailler en France ».

« Beaucoup ne reviennent pas à cause des parents. J’étais la seule de ma famille qui incarnait une porte ouverte vers la France. »

Francisca Ahidomehou, coiffeuse, 42 ans, anciennement à Nice.

© Aurélie Fontaine

Preuve que le retour au pays n’est pas une simple vue de l’esprit, les organes officiels se penchent activement sur le sujet. Entrepreneurs en Afrique, une agence de Campus France, se rend au mois d’avril à Abidjan pour commencer à monter un dispositif d’insertion professionnelle, comme il en existe déjà à Dakar.

« Il y a tout simplement cette envie de rentrer chez soi mais aussi de se rendre plus utile, de contribuer au développement socio-économique de son pays », explique Moussa Sidibé, d’Entrepreneurs en Afrique. Le gouvernement est quant à lui en train de mettre en place une Direction générale des Ivoiriens de l’extérieur, dont l’objectif sera « d’assister et soutenir la diaspora dans ses projets de retour ». Et de manière plus informelle, les autorités contactent aussi directement certains cadres expatriés « à haut potentiel », souhaitant les intégrer à la fonction publique.

« Revenir, c’est dans un coin de ma tête. C’est à nous, les Ivoiriens expatriés, de donner un signal fort aux gens qui nous entourent. »

Stéphane Attieban, chef de projet dans la communication, 33 ans, anciennement à Dakar, maintenant en Tunisie.  Songe à rentrer depuis deux ans.

© Flo Laval

Passerelle privée

À Paris, l’association Binkélén sert de passerelle privée entre les cadres expatriés (essentiellement dans l’informatique, la banque et l’assurance) et les acteurs économiques basés en Côte d’Ivoire. « Ce phénomène de retour au pays, et en Afrique en général, prend de l’ampleur. Si la stabilité politique perdure, de plus en plus vont vouloir rentrer », souligne Patrice N’Goran, le président de Binkélén, un réseau qui compte quelque 750 expatriés.

Les exemples ne manquent pas pour illustrer cette envie de retour. Après quatre années passées au Sénégal (entre études supérieures et boulot), Stéphane Attiéban est parti s’installer en Tunisie, où il vit depuis bientôt trois ans en tant que consultant indépendant dans la communication. Mais depuis deux ans déjà, dans un coin de sa tête, il songe à rejoindre la Côte d’Ivoire. « Je veux apporter à la nation ce que j’ai appris ailleurs. Il faut que nous, les jeunes, arrêtions d’attendre que les choses se fassent toutes seules ou que d’autres les fassent pour nous ». 

« Dans cinq ans maximum je serai rentré. J’appréhende encore un peu, niveau politique, j’attends de voir ce que la présidentielle de 2015 va donner. »

Valère Behira, cadre dans une banque d’investissement, 28 ans, à Paris. Songe à rentrer d’ici deux à cinq ans.

© DR

Valère Behira, cadre dans une banque d’investissement à Paris, réfléchit aussi à rentrer. Il se donne maximum cinq ans supplémentaires en France, car quelques aspects freinent encore son arrivée. « L’accès aux offres d’emplois n’est pas structuré, l’administration assez critiquable et le système de santé n’est pas fiable », relève ce jeune père de deux enfants. Qui, à l’instar de nombreux Ivoiriens, attend du gouvernement plus de résultats.

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Par Aurélie Fontaine, à Abidjan

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