Entre patrimoine et high-tech : Dakar, la capitale sénégalaise, en réalité augmentée
Inspiré d’un ouvrage retraçant les mythes et légendes de Dakar, l’application mobile Ndakaaru, basée sur la réalité augmentée, propose un parcours atypique à travers les hauts lieux de la capitale sénégalaise.
La légende des Mamelles, ces deux collines volcaniques qui se dressent dans la commune de Ouakam, constituant l’unique relief de la ville de Dakar, raconte que Khary et Koumba, les deux épouses de Momar, étaient bossues. « Koumba paraissait presque gracieuse à force de gentillesse, tandis que l’autre se recroquevillait dans une haine tenace qui lui faisait détester tout ce qui émanait de sa rivale », rappelle Oumar Ndao dans son livre Dakar, l’ineffable*. Une vieille femme conseilla un jour à Koumba de se rendre à une cérémonie nocturne animée par les filles des génies. « On l’invita à entrer dans le cercle des danseuses. Pour lui permettre de mieux montrer sa virtuosité, on la débarrassa de sa bosse, qu’elle faisait passer pour un bébé qu’elle portait au dos. »
Rentrée chez elle sans sa disgrâce, elle provoqua la joie de son mari, Momar. Mais Khary, folle de jalousie, s’évanouit de rage en la voyant. Koumba transmit tout de même à sa coépouse le secret de ce miracle. Mais lors de la cérémonie qui se tenait sur la colline d’argile, celle-ci eu moins de chance : la fille-génie l’affubla d’une seconde bosse. Khary, désespérée, courut vers la falaise et se jeta dans l’océan. « La mer ne l’engloutit pas tout entière. Ce sont ses deux bosses qui affleurent et qui sont restées pour témoigner de la punition réservée aux envieux. »
Les légendes de Dakar à la sauce high-tech
Cette légende et bien d’autres servent de trame à Ndakaaru (« Dakar », en wolof), une application mobile mêlant géolocalisation et réalité augmentée. Développée dans le cadre du Tandem Dakar-Paris, Ndakaaru offre une visite guidée et commentée dans un autre Dakar, à travers les mythes et légendes qui tissent l’histoire du village lébou devenu mégapole. Mêlant la santé, l’éducation et l’histoire africaine, différents parcours thématiques sont proposés au promeneur équipé d’un téléphone mobile ou d’une tablette. Des contenus additionnels réalisés par les blogueurs réunis la semaine dernière à Dakar dans le cadre de la session de formation Mondoblog, animée par l’Atelier des médias (RFI), sont par ailleurs intégrés à l’application.
Concernant le volet culturel, Ndakaaru peut compter sur les ressources d’Agendakar, un portail Web lancé en 2009. Pour la santé, un autre partenariat a été établi avec les ONG OneWorld UK et RAES (Réseau africain pour l’éducation, la santé et la citoyenneté), qui utilisent les technologies de l’information et de la communication (SMS, Web, applications) pour promouvoir la prévention et l’accès aux soins à destination des jeunes générations.
Seynabou Deme, d’Agendakar, a coordonné la réalisation de l’application, inaugurée le 9 avril à la galerie Le Manège et disponible prochainement sur le Google Play Store – pour les supports mobiles tournant sous Android. « Dakar n’est pas une ville-musée, résume-t-elle. Quand on indique son chemin à quelqu’un, on lui dit de tourner à la station service Elton, pas à la stèle Mermoz ! » Avec le parcours proposé par Ndakaaru, qui débute et s’achève à la Patte d’oie, le promeneur redécouvrira, téléphone en main, les légendes historiques méconnues de cette ville sale et bruyante, dont l’âme profonde, soudain, refait surface. Les Almadies, « nez de l’Afrique », à la pointe occidentale de la Presqu’île du Cap-Vert. Les douze plages sacrées des Lébous, habitants originels de la capitale, pour qui ce chiffre a une valeur cabalistique. Ou encore la vieille tour de contrôle, dans un quartier qui a conservé le nom de l’aviateur Mermoz, la Mosquée de la Divinité, la Place du Souvenir ou le village des Arts…
À chaque étape, indiquée sur une carte Google, une photo, des textes de blogueurs, des extraits de Dakar l’ineffable, une version audio. Un parcours à la fois ludique et utile, d’où n’émerge, pour reprendre les mots d’Oumar Ndao, qu’une seule certitude : « Jamais cette ville ne sera dite totalement et avec assurance, parce qu’elle a la coquine manie de toujours faire trembler ses sens. »
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Par Mehdi Ba, à Dakar
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