Libye : un projet de loi excluant des collaborateurs de Kadhafi suscite des tensions

Un projet de loi sur l’exclusion politique des collaborateurs du régime déchu de Mouammar Kadhafi pourrait bannir plusieurs hauts responsables du jeu politique libyen. Un texte qui risque de provoquer de nouveaux remous à l’Assemblée nationale et accentuer les tensions politiques en Libye.

Un homme passe devant un mur couvert d’affiches politiques le 5 juillet 2012 à Tripoli. © AFP

Un homme passe devant un mur couvert d’affiches politiques le 5 juillet 2012 à Tripoli. © AFP

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Publié le 12 avril 2013 Lecture : 3 minutes.

Proposé en décembre, ce projet de loi d’exclusion politique, qui concerne 36 catégories de fonctions et couvre plus de quatre décennies de pouvoir de Kadhafi, est considéré par ses partisans comme « une revendication populaire en respect des sacrifices des martyrs ».

Le projet de loi risque, dans sa version actuelle, de mettre sur la touche un grand nombre des nouveaux dirigeants libyens. Parmi eux figurent notamment Mohamed al-Magaryef, président du Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique de Libye, son adjoint, Jumaa Attiga, et le Premier ministre, Ali Zeidan.

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Un amendement apporté mercredi par l’Assemblée sur la Déclaration constitutionnelle provisoire, rendant impossible tout recours judiciaire contre cette loi avant même son vote, est décrit par nombre d’observateurs comme un « pas décisif » vers l’adoption de ce projet controversé. En janvier, des débats houleux provoqués par ce projet avaient déjà favorisé un climat de tension en Libye, pays en proie à une insécurité persistante en l’absence d’organes sécuritaires.

Tirs contre al-Magaryef

Cette tension a atteint son apogée début mars, lorsque la voiture de Mohamed al-Magaryef a essuyé des tirs à Tripoli, au moment où il quittait une salle de réunion assiégée par des manifestants qui réclamaient l’adoption de cette loi.

De son côté, le CGN s’est dit déterminé à faire aboutir ce projet de loi. « La loi sera approuvée à la majorité de cent voix plus une, sur les 200 membres de l’Assemblée, alors que son approbation requérait une majorité de 120 voix », a indiqué le porte-parole du CGN, Omar Hmeidan. Selon lui, l’Assemblée a surmonté un autre obstacle dans la Déclaration constitutionnelle selon laquelle « les Libyens sont égaux devant la loi dans la jouissance des droits civils et politiques », en introduisant un nouvel article « autorisant l’exclusion temporaire de certains Libyens de l’action politique ».

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L’immunisation (la protection contre une éventuelle contestation en justice, NDLR) de la loi sur l’exclusion politique constitue une première étape « pour réussir une loi fondée sur des critères objectifs, équitables et impartiaux », a déclaré Sami al-Saadi, un ex-détenu politique devenu l’un des chefs du Groupe islamique combattant en Libye (GICL). « L’exclusion politique n’est pas une punition ou la preuve d’une infraction pénale, mais une mesure de précaution temporaire pour assurer la construction d’une nouvelle Libye dépourvue de la corruption et du désordre, vestige de l’ancien système », a-t-il indiqué. Sami al-Saadi a dit « être conscient que la loi pourrait concerner des patriotes honnêtes » mais il est « inévitable de l’accepter afin de ne pas ouvrir la voie à des exceptions pouvant faire avorter la loi, au motif qu’elle est taillée sur mesure contre un courant ou parti politique au détriment d’un autre ».

Soutien du mufti

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Les détracteurs de la loi estiment pour leur part qu’elle a été faite « sur mesure » pour écarter Mahmoud Jibril, le chef de l’Alliance des forces nationales (de tendance libérale) qui a gagné les élections législatives de juillet 2012 devant les islamistes.

Le mufti de Libye, Cheikh Sadok Gharyani, a appelé les citoyens à manifester par milliers pour soutenir l’adoption de cette loi. Le Conseil national de transition (CNT), ex-bras politique des rebelles libyens, avait lui institué une Haute commission de l’intégrité et du patriotisme, organisme public chargé des dossiers des responsables ou candidats à des postes de responsabilité dans l’administration pour déterminer s’ils ont servi l’ex-régime. La Commission a jusqu’à présent exclu 350 personnalités dont certaines ont émis et gagné des recours devant les tribunaux administratifs.

(Avec AFP)

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