Délestron, l’obscure terreur des Ivoiriens
Pour tourner en dérision la communication de la compagnie nationale d’électricité ivoirienne, le publicitaire Chabathéo a créé « Délestron ». Un personnage qui incarne les maux du délestage.
Bottes, gants, slip moulant, mais pas de collant (il fait trop chaud)… À première vue, son accoutrement le désigne comme un nouveau super-héros. Mais le masque de catcheur – ou de bourreau – qu’il arbore indique une malveillance perverse. Lui, c’est « Délestron », la terreur des Ivoiriens en manque de lumière depuis que les délestages se multiplient en empoisonnant leur quotidien.
Le personnage sort de l’imagination du publicitaire Charles Dadié, 37 ans, connu dans le métier sous le nom de « Chabathéo » L’idée lui en est venue en janvier, un jour qu’il se trouvait coincé dans les embouteillages d’Abidjan. « À ce moment-là, ma femme m’a appelé pour m’annoncer que l’on avait encore coupé le courant dans le quartier. J’ai alors eu le sentiment qu’un individu imaginaire s’invitait dans les foyers pour les délester sournoisement. »
Délestron était né. À l’aide de son ordinateur, Chabathéo dessine un anti-héros malsain, le mettant toujours en scène en train de se réjouir à l’avance des méfaits qu’il commet dans les quartiers d’Abidjan. Cette personnification de l’éclairage défaillant est aussitôt adoptée par des Ivoiriens exaspérés. Une façon pour eux de tourner en dérision des situations plus qu’incommodantes et de prendre la chose avec humour.
Délestron vs Electra
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #Délestron est utilisé pour compter ses mésaventures : un programme télévisé manqué, une journée de travail gâchée, ou pire, un appareil électroménager endommagé à cause des brusques variations de tensions.
Délestron est d’autant plus populaire qu’il s’inscrit en contrepoint d’une campagne de communication de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Pour vanter sa rapidité d’intervention en cas de panne, celle-ci a inventé deux super-héros en collants orange-vert, deux couleurs censées représenter le courant alternatif et l’efficacité de l’entreprise.
« J’ai aussi imaginé Délestron parce que ces héros, que l’on appréciait tous au départ, n’ont pas été à la hauteur de nos attentes », ajoute le dessinateur, ancien des beaux-arts d’Abidjan. Ainsi, le slogan qui accompagne chacun de ses dessins : « Délestron : couper courant dans votre vie », est un détournement de celui de la CIE : « Dans le courant de votre vie… »
Un anti-héros panafricain
Sur Facebook, où le « bandit », compte près de 3 000 fans, comme sur Twitter, on soupçonne même la CIE d’avoir voulu répondre à cette mauvaise publicité par la création d’un troisième personnage : « Electra », qui n’a vraisemblablement pas rencontré le succès escompté.
Mais les Ivoiriens ne sont pas les seuls à supplier Délestron d’épargner leurs quartiers. Au Bénin comme au Burkina, pays tout aussi touchés par les délestages, on redoute son passage. Même au Togo, il arrive que l’on constate qu’il « a encore frappé ! »
« Délestron est panafricain, dans la mesure où les délestages se produisent partout, se désole un Chabathéo à la fois grave et amusé. Il m’est sympathique et j’aurai du mal à m’en séparer. Mais quand cela arrivera, je m’en réjouirai parce que cela voudra dire que le problème aura été définitivement réglé. »
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Par Abdel Pitroipa
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