Sénégal : la tension monte dans l’affaire Karim Wade

Alors que Karim Wade et trois autres anciens ministres ont fait constater, vendredi 29 mars, l’interdiction de sortie du territoire sénégalais qui leur est opposée malgré une décision récente de la Cour de justice de la Cedeao, des questions de fond se posent concernant le patrimoine attribué au fils de l’ancien président sénégalais dans le cadre d’une procédure pour enrichissement illicite.

L’évaluation du patrimoine de Karim Wade est sérieusement remise en cause. © Reuters

L’évaluation du patrimoine de Karim Wade est sérieusement remise en cause. © Reuters

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Publié le 2 avril 2013 Lecture : 4 minutes.

Bis repetita. Vendredi 29 mars, quatre anciens ministres d’Abdoulaye Wade (son fils Karim Wade, Madické Niang, Oumar Sarr et Samuel Sarr), accompagnés par un huissier de justice, ont tenté d’embarquer à l’aéroport de Dakar sur un vol à destination d’Abidjan. Reproduisant à l’identique un scénario déjà suivi en novembre dernier, les quatre hommes se sont vus interdire l’accès à la zone d’embarquement par la police de l’air et des frontières.

Fin décembre 2012, six anciens ténors du régime Wade avaient saisi la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour violation des droits de l’homme. Considérant que l’interdiction de sortie du territoire qui leur était opposée par le procureur spécial près la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), Alioune Ndao, « ne s’appuie sur aucune décision de justice », la juridiction sous-régionale, dans un arrêt rendu le 22 février dernier, avait conclu que la mesure des autorités sénégalaises « viole leur droit à la liberté d’aller et venir ».

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Dans un communiqué publié vendredi 29 mars, le comité directeur du PDS affirmait n’avoir désormais « plus d’autre choix que de demander la suspension du Sénégal de la Cedeao pour refus d’appliquer une décision de justice rendue par la haute juridiction communautaire ». Parallèlement, certains représentants de la majorité présidentielle comme Ousmane Tanor Dieng (Parti socialiste) ou Idrissa Seck (Rewmi) ont déploré, ces derniers jours, que le gouvernement sénégalais n’ait pas tiré les leçons de la décision rendue par la Cedeao.

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Le mystère DP World

Outre cette controverse procédurale, le véritable enjeu, à deux semaines de l’expiration du délai accordé à Karim Wade pour tenter de démontrer l’acquisition licite de son patrimoine, concerne le fond du dossier, autrement dit les soupçons d’enrichissement illicite qui pèsent sur le fils de l’ancien chef de l’État.

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Or il apparaît aujourd’hui que l’évaluation de son patrimoine par la CREI pose de sérieuses questions. La principale curiosité du dossier porte sur l’accusation dirigée contre Karim Wade de détenir secrètement la filiale sénégalaise de Dubai Ports World, le troisième groupe portuaire mondial. Bénéficiaire de la concession relative à l’exploitation du terminal à conteneurs du Port autonome de Dakar (PAD), DP World Dakar SA est officiellement détenue à 90 % par la holding DP World et à 10 % par le PAD.

Bénéficiant de fuites distillées par les milieux proches de l’enquête, la presse sénégalaise reprend pourtant à son compte, depuis plusieurs semaines, l’affirmation selon laquelle Karim Wade serait le véritable actionnaire de DPW Dakar SA (pour un montant de 596 millions d’euros), via une société écran basée aux îles Vierges. Le 28 mars, lassé par cette rumeur insistante, le président de DP World FZE se fendait d’un communiqué pour porter « à l’attention du public que, conformément à la convention de concession signée entre DP World FZE et le Port autonome de Dakar », sa filiale « détient 90 % des actions de la société DP World Dakar SA ». Dans le même temps, les représentants du groupe portuaire ont fait parvenir aux autorités sénégalaises divers documents censés démontrer que la thèse de la CREI sur l’actionnariat de DP World Dakar SA n’est pas recevable.

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>> Lire aussi : CREI, mode d’emploi

L’autre gros morceau du patrimoine attribué à Karim Wade pose lui aussi question. Selon la CREI, l’ancien ministre serait en effet le véritable actionnaire des différentes filiales d’AHS Dakar (Aviation Handling Services), un prestataire de services au sol dont les filiales opèrent en Guinée Bissau, au Niger, en Guinée équatoriale, au Bénin, en RCA, au Ghana et en Jordanie. Un ancien directeur des opérations de la société aurait en effet confié aux enquêteurs avoir « créé AHS Dakar, Amman et Malabo pour le compte de Karim Wade ». Il serait en outre, croient savoir les enquêteurs, le véritable détenteur du complexe immobilier Eden Rock, à Dakar.

Ces différentes sociétés appartiennent pourtant à Bibo Bourgi, un homme d’affaires issu d’une des plus puissantes familles libanaises du Sénégal. Si ce dernier est effectivement proche de Karim Wade, il conteste en revanche lui avoir servi de prête-nom. Entendu à plusieurs reprises par les enquêteurs, Bibo Bourgi revendique être le véritable détenteur des entreprises citées, qu’il s’agisse d’AHS et de ses filiales ou de la société Hardstand, qui gère le complexe Eden Rock.

Si les démentis apportés par les actionnaires officiels de DPW World Dakar SA, AHS et Hardstand étaient confirmés, ce serait pas moins de 95 % du patrimoine imputé à Karim Wade par la justice sénégalaise qui s’effondrerait, ce qui serait de nature à fragiliser sérieusement l’enquête préliminaire ouverte pour enrichissement illicite contre le fils de l’ancien président.

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Par Mehdi Ba, à Dakar

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