Centrafrique : zones d’ombre autour de la mort des 13 soldats sud-africains

Le général rebelle Arda Hakouma, qui a mené la conquête de Bangui, a déclaré jeudi 28 mars à l’AFP que ses troupes avaient tué 35 militaires sud-africains, alors que le bilan officiel annoncé par le président Jacob Zuma est de 13 morts.

La Une du « Mail and Guardian » datée du 28 mars. © Capture d’écran.

La Une du « Mail and Guardian » datée du 28 mars. © Capture d’écran.

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Publié le 29 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Les jours passent et le mystère s’épaissit. Dans quelles conditions les soldats sud-africains sont-ils morts lors de l’offensive de la Séléka sur Bangui, le 23 mars ? Et combien ? Jusqu’à présent, les autorités de Pretoria ont affirmé que 13 militaires ont été tués et que 27 ont été blessés. Selon le porte-parole des South African National Defence Force (SANDF, forces armées sud-africaines), l’accrochage principal se serait déroulé, samedi 23 mars, près de la base du contingent sud-africain, au niveau du « PK 12 » (point kilométrique 12 sur la route vers Damara en sortant de la capitale).

Jeudi, le général rebelle Arda Hakouma, qui a conduit la conquête de la capitale, a contredit cette version. « C’est à Boali, à environ 70 km de Bangui que les affrontements ont été les plus difficiles contre les Sud-Africains : j’ai perdu six hommes, les Sud-Africains 35 », a-t-il déclaré à l’AFP. Il affirme également que les « Sud-Africains ne combattaient plus » lors de l’assaut final. Ce samedi 23 mars, l’offensive de la Séléka s’est faite sur deux axes. Une colonne venant de Damara, l’autre, plus à l’ouest, de Bossangoa, fief du président Bozizé. Selon le général Arda, c’est donc cette colonne rebelle, qui s’est emparé de Bossembele et de Boali dans la matinée, qui aurait affronté des troupes sud-africaines.

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Entre deux feux

D’autres incidents ont également eu lieu dans Bangui. Des troupes sud-africaines y étaient stationnées dans plusieurs lieux stratégiques (palais de la Renaissance, aéroport, et télévision nationale). Selon le témoignage anonyme d’un parachutiste déployé dans la capitale, publié le 27 mars dans le quotidien The Citizen, son bataillon se serait retrouvé au beau milieu de combats entre Forces armées centrafricaine (Faca) et rebelles de la Séléka. Ce soldat, blessé à la jambe lors de l’accrochage, affirme que des éléments Faca les ont d’abord visé par erreur. « Nous avons répondu et en avons surement tués », déclare-t-il.

Selon un autre militaire, toujours cité anonymement par The Citizen, l’affrontement aurait duré plusieurs heures avant que des membres de la Séléka n’entament un dialogue. « Ils ont venu nous voir et nous ont dit qu’ils ne voulaient pas se battre contre l’Afrique du Sud et qu’ils allaient nous laisser tranquille. Ils ne voulaient pas nous combattre, nous étions pris entre leur tir et celui du gouvernement. »

Intérêts économiques

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Si les circonstances de la mort des soldats sud-africains restent encore non élucidées, les raisons de la présence militaire sud-africaine agitent l’opinion publique. Officiellement, les quelques 200 hommes envoyés en décembre étaient chargés de sécuriser la capitale, en vertu d’un accord entre les deux pays portant sur la formation et le conseil à l’armée centrafricaine. Mais pour beaucoup, Pretoria avait également dans le viseur l’uranium, l’or et les promesses pétrolières de la Centrafrique. Une version étayée jeudi par un article du très sérieux quotidien Mail & Guardian : « La présence militaire sud-africaine en République centrafricaine a depuis le début été mêlée à des contrats impliquant directement l’ANC », écrit le journal.

« Nous avons été envoyés pour protéger [le président déchu François] Bozizé et sécuriser des intérêts économiques, déclare de son côté un des soldats cités plus haut. Nous sommes très en colère. On ment aux gens. »

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À l’heure actuelle, on ne sait pas avec exactitude combien de soldats sud-africains se trouvent encore sur le sol centrafricain. Confrontées à d’importants problèmes de logistique et particulièrement limités en avion de transport de troupes, les SANDF ont mis en place une base de transit à Entebbe, la capitale de l’Ouganda. « Nous avons donné à l’Afrique du Sud une base », a confirmé, jeudi, le porte-parole de l’armée ougandaise, Paddy Ankunda.
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Par Vincent Duhem
 

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