Maroc : face à la crise immobilière, Addoha parie sur les logements sociaux

Confronté à un marché de l’immobilier en berne, le promoteur marocain Addoha renforce son capital et parie sur la construction de logements sociaux. Le déficit de logements au Maroc est estimé à 800 000 unités.

À Casablanca, un ensemble d’habitations construites par le groupe d’Anas Sefrioui. DR

À Casablanca, un ensemble d’habitations construites par le groupe d’Anas Sefrioui. DR

Publié le 4 septembre 2013 Lecture : 3 minutes.

Près de trois ans après sa dernière augmentation de capital, Addoha récidive. Cette fois, le leader marocain de la promotion immobilière sollicite directement ses actionnaires. Il propose de convertir partiellement ou totalement leurs dividendes de l’exercice 2012 en nouvelles actions. L’opération, en cours jusqu’au 23 septembre, devrait permettre au groupe de lever un montant maximum de 567 millions de dirhams (50,5 millions d’euros), via l’émission de 12,6 millions d’actions nouvelles à un prix de 45 dirhams. Anas Sefrioui, fondateur, PDG et actionnaire majoritaire d’Addoha avec 56 % des parts, a d’ores et déjà donné l’exemple en renonçant à l’intégralité de ses dividendes.

Endettement

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L’enjeu, il est vrai, est grand. Car « cette nouvelle augmentation de capital permettrait à Addoha de renforcer ses fonds propres, qui devenaient fragiles en raison du ratio d’endettement élevé du groupe », commente Youssef Lahlou, gérant de fonds chez Silk Invest, une société de gestion de portefeuilles spécialisée dans les marchés frontières. Fin 2012, le promoteur immobilier accusait un taux d’endettement de 84 %. Et pour ne rien arranger, le contexte économique particulièrement morose au Maroc affecte directement le secteur de la construction, en baisse d’activité.

Au premier semestre 2013, la consommation de ciment a ainsi chuté de 12 % par rapport à l’année précédente.

Au premier semestre 2013, la consommation de ciment a ainsi chuté de 12 % par rapport à l’année précédente. De même, les transactions immobilières se sont contractées de 10 % dans le moyen standing et de 20 % à 30 % dans le haut de gamme, d’après la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Enfin, les mises en chantier de logements sociaux ont quant à elles chuté de 63,4 % au premier semestre, selon le ministère de l’Habitat. Cette dégringolade est-elle un coup dur pour Addoha, qui réalise plus de 70 % de son chiffre d’affaires sur le créneau de l’habitat économique ?

Apathie

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Contacté par Jeune Afrique, le groupe, qui a vu ses ventes s’établir à 25 627 unités en 2012 (en baisse de 9 % par rapport à 2011), dont 94 % de logements sociaux et de moyen standing, affirme qu’il ne communiquera les résultats de son activité du premier semestre 2013 qu’en septembre. Mais d’après un analyste de la place casablancaise, « la baisse des mises en chantier dans le logement social touche surtout les petits promoteurs dans les villes moyennes. L’axe Rabat-Casablanca est le coeur du marché pour les grands du secteur comme Addoha. Et cette zone reste stable ».

De fait, en dépit de l’apathie du marché immobilier local et de l’indolence de la Bourse de Casablanca, la valeur conserve une opinion favorable. « L’immobilier reste un secteur assez défensif par rapport à la cimenterie et à la sidérurgie, affirme Youssef Lahlou. En tant qu’investisseur à long terme, nous restons positifs sur Addoha. C’est l’une des valeurs les plus liquides du pays, et elle se traite à des niveaux de valorisation attractifs. » En ayant perdu plus de 50 % de sa valeur depuis 2010, l’action, qui se vendait à 43,90 dirhams le 21 août, est considérée comme bon marché.

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Plusieurs raisons expliquent le potentiel du titre à la Bourse de Casablanca. D’abord, le bénéfice net part du groupe a progressé de 3 % en 2012, à 1,88 milliard de dirhams, pour un chiffre d’affaires de 9,42 milliards de dirhams, en hausse de 1 % malgré une conjoncture difficile. Si, comme on l’a vu, l’endettement d’Addoha semble préoccupant, les analystes affirment que cette situation est en réalité courante dans le secteur de la promotion immobilière, les délais d’encaissement étant particulièrement longs tandis que les sommes consenties pour réaliser les projets (achat de surfaces foncières, lancement de chantiers, etc.) sont importantes. D’ailleurs, Alliances, le numéro deux du secteur qui connaît à peu près la même situation, procède lui aussi à une augmentation de capital et espère lever jusqu’à 121 millions de dirhams auprès de ses actionnaires.

Exonérations

Ensuite, il faut rappeler que les habitations à bas coût ont les faveurs des autorités marocaines, qui cherchent à réduire le déficit de logements, estimé à 800 000 unités. Les promoteurs immobiliers bénéficient donc de nombreuses incitations fiscales, parmi lesquelles des exonérations d’impôts sur les sociétés et sur le revenu. Ce dispositif gouvernemental, qui court jusqu’en 2020, est censé assurer de bonnes perspectives de croissance aux acteurs du secteur. Et compte tenu des nombreuses livraisons de projets à venir, Addoha devrait percevoir des revenus importants d’ici à 2015. « Le groupe doit justement sa résilience à son positionnement sur le créneau des logements sociaux », confirme un analyste d’une banque marocaine.

Enfin, l’expansion subsaharienne entamée par Addoha en 2012, avec notamment des projets de construction de 7 600 logements en Côte d’Ivoire, offre un nouveau relais croissance qui devra doper ses résultats à moyen terme.

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