Le Cameroun peut-il dire adieu à la croissance molle ?

Le Cameroun espère devenir un pays à revenu intermédiaire avant 2035. Pourtant, malgré les ressources du pays, la croissance du PIB par habitant ne dépasse pas 1% par an. Le pays pourra-t-il rattraper le temps perdu?

L’objectif est de regagner les points bêtement perdus, dans tous les secteurs. © Simon Maina/AFP Photo

L’objectif est de regagner les points bêtement perdus, dans tous les secteurs. © Simon Maina/AFP Photo

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Publié le 6 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Dans une conjoncture où les perspectives mondiales ont été revues à la baisse, la croissance de 4,4 % de l’économie camerounaise en 2012 – au lieu des 4,7 % prévus – paraît honorable. Mais on ne peut, au mieux, que la qualifier de « molle », si on la compare à la moyenne enregistrée dans le même temps en Afrique subsaharienne (5,3 %) et au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Ceeac, 4,9 %), dont certains pays sont pourtant moins bien lotis que lui en termes de ressources, de situation géographique ou politique.

Rien d’étonnant donc à ce que les experts du Fonds monétaire international (FMI) se soient déclarés « déçus », lors de leur mission à Yaoundé du 29 avril au 14 mai, par les trois dixièmes de point péniblement gagnés par le pays en douze mois. Pis, « en tenant compte de l’accroissement de la population [d’environ 3 % en 2012], la croissance du PIB par habitant ne dépasse pas 1 % », précise Raju Jan Singh, chef économiste pour l’Afrique centrale à la Banque mondiale.

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Rien d’étonnant donc à ce que les experts du FMI se soient déclarés « déçus »

S’il veut « devenir un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure à l’horizon 2035 », le Cameroun va donc devoir accélérer le rythme sérieusement, « tout en atténuant les risques qui pèsent sur la stabilité macroéconomique et sur celle du secteur financier », a alerté le Fonds. Selon les prévisions, sa croissance devrait s’établir à 4,8 % cette année et atteindre 5,5 % dès 2014, mais c’est encore bien inférieur aux 8,8 % de moyenne annuelle requis pour ne pas rater le rendez-vous de l’émergence en 2035.

Débouchés

Pourtant, le pays a pu s’appuyer l’an dernier sur la reprise de son activité pétrolière, premier poste de recettes budgétaires pour l’État et principal produit d’exportation. Après avoir vu sa production décliner depuis dix ans, le Cameroun a en effet enregistré une hausse de 3,7 % des volumes produits qui, conjuguée à la bonne tenue des cours du baril, a permis de ramener le déficit commercial (chronique depuis la crise financière de 2009) de – 2,3 % en 2011 à – 1,6 % en 2012.

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Avec la volonté affichée par le gouvernement de voir les produits transformés localement prendre de plus en plus de poids dans les exportations pour gagner en valeur ajoutée, le pays pourrait voir sa balance commerciale redevenir positive dès cette année… « À condition de multiplier ses débouchés commerciaux », rappelle Raju Jan Singh. Le Cameroun exporte chaque année davantage vers la Chine et l’Inde, mais 41 % de la valeur de ses échanges provient encore de l’Europe en crise. Quant aux marchés régionaux, ils restent sous-représentés : l’ensemble des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) absorbe moins de 8 % des volumes exportés camerounais.

Doté d’un potentiel enviable en ressources naturelles, le Cameroun dispose aussi de l’économie la plus diversifiée de la sous-région, grâce au secteur manufacturier (18 % du PIB) notamment. Il doit donc en profiter pour varier ses produits à l’export, en particulier ceux des secteurs agricole et minier, afin qu’ils se substituent progressivement à la production pétrolière, dont les perspectives à moyen terme sont désormais limitées. Par ailleurs, une nouvelle source de revenus doit provenir du gaz naturel, dont les premières unités de liquéfaction sont attendues pour 2015 à Kribi.

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À bout de souffle

La ville côtière symbolise d’ailleurs la politique de grands travaux menée par l’État qui, depuis l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2006, a retrouvé un peu d’aisance financière. Débarrassé du fardeau de la dette et contenant son inflation sous les 3 % (2,5 % en 2012), en grande partie grâce aux subventions sur les carburants dénoncées par le FMI, le pays s’est engagé, pour la première fois depuis longtemps, dans un plan d’investissements publics qui doit lui permettre de soutenir la croissance et de moderniser ses infrastructures de transport et d’énergie – aujourd’hui à bout de souffle.

Mais, là encore, « la mission du FMI a recommandé un suivi rapproché des investissements publics d’infrastructure pour en [augmenter] l’efficacité et la gouvernance [et] améliorer le climat des affaires afin de promouvoir la participation du secteur privé ». Le pays cultive encore en effet une image déplorable auprès des milieux d’affaires. Émargeant au 161e rang sur 185 pays classés dans le rapport « Doing Business » 2013 de la Banque mondiale, « le Cameroun reste plombé par les dysfonctionnements administratifs, symboles de ses insuffisances en matière de gouvernance », regrettent l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque africaine de développement (BAD) dans leur étude sur les perspectives économiques du pays en 2013. « Lorsqu’il aura amélioré le climat des affaires et disposera d’infrastructures dignes de ce nom, le Cameroun ne devrait pas avoir de difficultés pour aligner des taux de croissance de l’ordre de 8 % par an », conclut Raju Jan Singh. La balle est donc dans son camp.

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