Salon du Livre de Paris : le Gabonais Otsiemi privé de visa
La France n’a pas encore perdu ses habitudes de défiance vis à vis des Africains qui veulent séjourner sur son territoire. L’écrivain gabonais Janis Otsiemi, qui devait participer au salon du Livre de Paris, du 22 au 25 mars, en a fait l’amère expérience.
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Séverine Kodjo-Grandvaux
Responsable des pages Culture & Médias de l’hebdomadaire, elle est également l’auteure de l’ouvrage « Philosophies africaines », publié aux éditions Présence africaine.
Publié le 21 mars 2013 Lecture : 2 minutes.
« Le changement, c’est maintenant ? » Pas vraiment… Invité au Salon du livre de Paris qui se tient du 22 au 25 mars pour présenter son dernier ouvrage, Le Chasseur de lucioles (paru aux éditions Jigal), et participer à diverses tables rondes et émissions de radio, l’écrivain gabonais Janis Otsiemi passera son week-end… à Libreville. La raison ? La généreuse France qui aime tant à se vanter être le pays des Droits de l’Homme lui a refusé son visa à la veille de son départ, le 20 mars. Motifs invoqués par l’intransigeante et aveugle administration consulaire : « Vous n’avez pas fourmi la preuve que vous disposez de moyens de subsistance suffisants pour la durée du séjour envisagé ou de moyen de retour (…) ».
L’éditeur français de l’écrivain gabonais s’était pourtant porté garant, prêt à assumer toutes les dépenses liées à son séjour et son voyage. « Les informations communiquées pour justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé ne sont pas fiables. » Janis Otsiemi disposait d’une invitation du stand des auteurs du bassin du Congo, présent au salon.
Suspicion infondée
« Votre volonté de quitter le territoire des États membres avant l’expiration du visa n’a pas pu être établie. » Par le passé, le romancier s’est rendu à plusieurs reprise en Europe, en France notamment pour participer au festival littéraire Étonnants voyageurs de Saint-Malo. Il est toujours revenu au Gabon… « On m’a déjà proposé de rester en France pour écrire mais je refuse : mon écriture est en Afrique, elle ne peut se faire qu’en Afrique. Je n’ai aucune envie de vivre en dehors de mon pays », réagit l’auteur de polars à la verve acérée. « La France doit arrêter de penser que tous les Africains veulent vivre chez elle et les soupçonner de malhonnêteté. »
Au même moment, l’Institut français de Yaoundé renonce à projeter Le Président du réalisateur camerounais Jean-Pierre Bekolo. Le long-métrage qui évoque la longévité au pouvoir des chefs d’État africains gène dans un pays gouverné depuis plus de trente ans par Paul Biya.
Censure
Deux formes de censure qui ne disent pas leur nom. Refuser aux artistes africains l’accès à la parole, les empêcher de rencontrer leurs homologues européens et la presse internationale, d’échanger avec leur public en Afrique ou en France, alors qu’ils dénoncent les maux qui minent le continent, qu’ils interrogent le monde globalisé dans lequel nous sommes tous engagés, c’est participer d’une vile entreprise.
Alors que la France, par la voix de son président François Hollande, est allée à Kinshasa dénoncer les abus de pouvoir de certains chefs d’État africains et s’est engagée militairement au Mali pour lutter contre l’obscurantisme religieux, il serait temps qu’elle comprenne que ne pas donner aux artistes africains les moyens de s’exprimer en les empêchant de présenter leurs œuvres, c’est justement participer au développement des obscurantismes, quels qu’ils soient. La culture n’est pas du divertissement. Elle est création et liberté. Elle aide à former des esprits critiques. Sans elle, la démocratie ne saurait être.
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