Terrorisme : où sont passés les missiles de Kadhafi ?

Après le pillage des arsenaux de Mouammar Kadhafi, de puissants missiles sol-air SA-7 se sont retrouvés aux mains d’Aqmi et des futurs combattants du MNLA, donnant des sueurs froides à de nombreux dirigeants et observateurs de la région. Deux ans et une guerre au Mali plus tard, il semble bien que ni les uns ni les autres n’aient récupéré du matériel en état de marche…

Un SA-7 aux mains de rebelles libyens. © AFP

Un SA-7 aux mains de rebelles libyens. © AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 19 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

À la fin de mars 2011, alors que les rebelles libyens ont entamé leur révolution depuis plus d’un mois, le président tchadien Idriss Déby Itno lâche une information inquiétante dans une interview à Jeune Afrique. « Les islamistes d’Al-Qaïda ont profité du pillage des arsenaux en zone rebelle pour s’approvisionner en armes, y compris en missiles sol-air, qui ont été par la suite exfiltrés dans leurs sanctuaires du Ténéré [partie centrale du Sahara, NDLR] », déclare-t-il, ajoutant être certain « à 100% » de ses affirmations.

À l’époque, les services de renseignement français disposent des mêmes indications. Selon eux, les combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) se sont bien procuré des missiles sol-air SA-7 de fabrication soviétique auprès de pilleurs libyens. L’affaire est préoccupante. Ces armes de guerre redoutables, de courte portée, peuvent permettre à un combattant d’abattre, avec un minimum entraînement, n’importe quel hélicoptère ou avion volant à basse altitude.

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Près de deux ans plus tard, l’Histoire s’est accéléré. Après avoir contrôlé le Nord-Mali pendant dix mois, Aqmi et ses alliés islamistes sont chassés de leurs anciens fiefs par les armées françaises et africaines. Dès le début du conflit, les frappes aériennes françaises, qu’elles soient menées par des hélicoptères de combat ou des avions de chasse, se révèlent décisives pour affaiblir les groupes jihadistes.

Les combattants d’Aqmi arnaqués ?

Durement touchés, les combattants islamistes ne répliquent pourtant qu’à la mitrailleuse lourde ou au lance-roquettes. « Depuis le début des opérations au Mali, nous n’avons jamais détecté de tirs de missiles sol-air contre nos aéronefs », confirme le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l’état-major français.

Pourquoi les combattants d’Aqmi n’ont-ils pas utilisé ces missiles destructeurs alors qu’ils étaient bombardés par l’ennemi « croisé » ? Tout simplement parce que les SA-7 qui étaient entre leurs mains étaient vraisemblablement hors d’usage. « S’ils n’ont pas tiré, c’est parce qu’ils n’avaient rien en état de marche », nous confie une source militaire.

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Une affirmation reprise par un responsable de la rébellion touarègue du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), cité anonymement par le site mauritanien Sahara Media. Selon lui, l’organisation terroriste se serait fait flouée lors du pillage des arsenaux libyens. « Lors de la chute de Kadhafi, plusieurs officiers touaregs servaient dans l’armée libyenne et savaient dans quels entrepôts étaient les SA-7 qui fonctionnaient. Ils en ont emportés une partie et ces missiles sont toujours en possession du MNLA. De son côté, Aqmi, qui n’avait aucune information fiable à ce sujet, a eu des SA-7 hors service, soit en les rachetant à prix d’or, soit en pillant directement les entrepôts. »

Pas de SA-7 dans les stocks du MNLA

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« Kadhafi disposait de plusieurs milliers de SA-7, mais une bonne partie d’entre eux ne marchaient pas », indique de son côté Laurent Touchard, chercheur indépendant sur les questions de défense et collaborateur à Jeune Afrique. Les SA-7 sont des missiles assez sensibles. Ils nécessitent de bonnes conditions de stockage et sont équipés de batteries thermiques qui doivent être renouvelées fréquemment. Autant de conditions difficiles à remplir pour des jihadistes sahéliens habitués à nomadiser dans le désert. Lors de leurs ratissages dans différentes villes occupées par les groupes islamistes armés, comme Gao ou Tombouctou, les militaires français ont retrouvé des composants de SA-7, mais pas d’équipement complètement assemblé prêt à l’usage.

Malgré les déclarations du responsable du MNLA à Sahara Media, tout laisse penser que la rébellion touarègue ne dispose pas non plus de ce type de missiles. « Au début de l’année 2012, lors de l’offensive du MNLA, l’armée malienne a utilisé des hélicoptères et des Mig 21 [avions de chasse, NDLR]. Ces appareils n’ont jamais été visés par des tirs de SA-7 », affirme Laurent Touchard. De plus, lorsqu’ils ont mis le MNLA en déroute au mois de juin, Aqmi et ses alliés islamistes se sont emparés d’une grande partie des armes qui appartenaient aux rebelles touaregs. Visiblement, les jihadistes n’auraient récupéré aucun SA-7 en état de marche dans ces stocks.

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Benjamin Roger

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