Syrie : deux ans après, la spirale infernale
Voilà deux ans que la révolte syrienne contre le régime de Bachar al-Assad a débuté. D’abord pacifique, elle a peu à peu cédé la place à une guerre civile en raison de la sanglante répression menée par le pouvoir. Aujourd’hui, le pays est exsangue et les jihadistes gagnent du terrain.
La Syrie n’a plus de larmes pour pleurer ses morts. Deux ans après le début du soulèvement contre Bachar al-Assad et son régime prédateur, le pays a perdu plus de 70 000 de ses enfants. Un million de personnes sont déplacées ou réfugiées à l’étranger. La plupart des villes sont en ruines, défigurées.
Pourtant, la révolte contre la dictature, dans le contexte du Printemps arabe, avait démarré de façon pacifique. Mais les manifestations de centaines de milliers de Syriens réclamant plus de liberté ont été réprimées dans le sang par une armée intimement liée au régime. Aujourd’hui, l’impasse est totale.
Les récentes déclarations de Paris et Londres, qui affirment leur volonté d’armer les rebelles malgré l’embargo de l’Union européenne, sonnent surtout comme un aveu d’échec de toute solution politique négociée. D’un côté, le jusqu’au-boutisme d’un Bachar mué en tyran prêt à tout pour conserver son pouvoir, de l’autre, des groupes rebelles hétéroclites au sein desquels la présence de jihadistes comme le Front Al-Nosra, auteur des attentats les plus meurtriers et qui prend de vitesse les autres rebelles, hypothèque la stabilité du pays même en cas de fin de la guerre civile. Entre les deux, un peuple de quelque 20 millions de personnes, autant de victimes potentielles d’un conflit de plus en plus confessionnel, le pays étant à majorité sunnite, le clan Assad étant issu de la minorité alaouite.
Spectre libyen
« La Syrie s’effrite sans qu’il n’y ait aucune solution à l’horizon », affirme Khattar Abou Diab, professeur en relations internationales à l’université Paris-Sud. « Tant que l’administration Obama ne voudra pas intervenir en Syrie, et elle ne le veut pas, Assad se sentira tranquille », estime de son côté Nadim Shehadé, chercheur à Chatham House à Londres. « Les Américains ont plus peur de ce qui va se passer après Assad que d’Assad lui-même ».
De fait, le spectre d’un scénario à la libyenne plane dans tous les esprits. La crainte que la Syrie – à cause notamment des armes chimiques détenues par le clan Assad – ne devienne une poudrière dans une région agitée par de graves et interminables tensions n’est pas ressentie qu’aux États-Unis. En dépit de ses gesticulations, l’Europe est impuissante face à la paralysie de l’ONU, dont les résolutions du Conseil de sécurité voulant imposer des sanctions au régime sont neutralisées par les deux plus puissants soutiens d’Assad : la Chine et, surtout, la Russie, son principal fournisseur d’armes avec l’Iran.
Du coup, la guerre s’enlise, même si les insurgés ont pris, le 6 mars, le contrôle de Raqa (nord-est), première capitale provinciale à échapper au régime. S’appuyant sur son aviation, l’armée défend surtout Damas, place forte du régime, et des territoires dans l’ouest et le centre, à coups d’offensives meurtrières, comme contre le bastion rebelle de Baba Amr à Homs qu’il écrase en mars 2012.
Blocage
Les rebelles contrôlent quant à eux de larges territoires dans le nord et l’est, et assènent des coups durs au régime : à l’été 2012, un attentat tue quatre hauts responsables de l’appareil de Sécurité, dont le beau-frère d’Assad.
Pour l’ONU, la Syrie entre dans la « spirale d’une catastrophe absolue », avec une population manquant des services les plus basiques dans plusieurs régions, et un effondrement du secteur médical autrefois solide.
Des plans de paix, dont celui de l’ex-émissaire de l’ONU Kofi Annan, échouent, et les ponts semblent être coupés entre son successeur Lakhdar Brahimi et Damas. Face au blocage, le chef de l’opposition en exil, Ahmed Moaz al-Khatib, ose proposer un dialogue sous condition avec des personnalités du régime, provoquant des remous au sein de son camp.
(Avec AFP)
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