Kenya : d’une élection à l’autre

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 15 mars 2013 Lecture : 2 minutes.

Kenya yetu hakuna matata. Ainsi s’égosillent les Kenyans pour dire aux touristes fascinés par le Masai Mara et le Mont Kenya que leur pays est une terre paisible. Cette fois, contrairement à 2007, où on a vu Mwai Kibaki, le président sortant, prêter serment à la va-vite tel un voleur à la conscience chargée, alors que son challenger Raila Odinga réclamait la victoire, le Kenya est calme. Très calme, comme un matin neuf. Oubliée la violence consécutive au hold-up électoral de 2007 et son lot de morts, de blessés, de sans-abri, de désespérés comme  si c’était cela, la finalité de la politique. Le Kenya s’est sans doute assagi. Uhuru Kenyatta, le fils de Johnstone Kamau wa Ngengi, alias Jomo Kenyatta, le premier président du pays, a battu, officiellement, Raila Odinga, fils de Jaramogi Ajuma Oginga Odinga.

Et c’est là que l’histoire est pleine d’enseignements. Kamau wa Ngengi et Oginga Odinga s’étaient battus ensemble pour l’indépendance du Kenya. Lorsque Kamau devint président, Odinga fut son vice-président. Mais leurs chemins finirent par se séparer. Odinga, devenu opposant, se retrouvera en prison. Leurs enfants ont, à une différence près, connu le même parcours : Raila Odinga était Premier ministre et Uhuru Kenyatta son adjoint. À partir de maintenant, Raila Odinga, qui conteste l’élection de son rival en passant par la voie judiciaire, sera son principal opposant. Le fils de Kamau l’enverra-t-il en prison, pour faire comme papa, afin que la boucle soit bouclée ?  Nul ne le sait. Et puis, le président élu passera-t-il son temps à aller répondre aux convocations de la procureuse gambienne à La Haye ? À moins que la Cour pénale internationale (CPI) ne décide de déménager à Nairobi.

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Chapelle Sixtine

L’autre élection concerne le successeur de Benoît XVI, ce pape qui a renoncé à ses fonctions en février. Avez-vous remarqué, comme moi, que l’élection du souverain pontife se déroule toujours de la même manière depuis le Moyen-Age ? Une centaine de cardinaux se retrouvent, prêtent serment et s’enferment dans la fameuse Chapelle Sixtine du Vatican pour élire leur patron. Ils sont 115, mais ils décident à la place de plus de un milliard de catholiques qui, il faut le souligner, ne les ont pas mandatés ! Qui crée les cardinaux, nomme les évêques ? Le pape. Qui élit le pape ? Les cardinaux. Est-ce que tout cela est… catholique ? Mais pourquoi les cardinaux doivent-ils s’enfermer à triple tour, s’entourer de mystère comme s’ils avaient quelque chose à cacher ? À quoi rime cette opacité ?

Si cela ne dépendait que de moi, j’organiserais de façon démocratique cette élection. J’exigerais que les candidats à la papauté se soumettent au suffrage universel. Qu’ils posent officiellement leur candidature, dévoilent leur programme de gouvernement (le Vatican n’est-il pas un État ?). Qu’ils participent à des primaires, débattent avec leurs adversaires, avant de se lancer dans une campagne électorale sur les cinq continents. Qu’il ne reste, à la fin que les deux meilleurs. Et que, le jour de l’élection, dans toutes les églises catholiques du monde (un homme, une voix, n’est-ce pas ?), le meilleur l’emporte, dans la plus grande transparence. Un pape élu dans ces conditions est légitime, incontesté, incontestable, universel, ultramoderne. Je plaisante avec les choses de Dieu ? Peut-être.
 

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