Burundi – Me Kabayabaya : « L’affaire Hassan Ruvakuki est toujours en cours »

Après la libération, le 6 mars, du journaliste burundais Hassan Ruvakuki, pour des raisons médicales, l’un de ses avocats estime que cette décision reste avant tout administrative, sans incidence judiciaire. Et souligne que la défense attend toujours la réaction de la Cour suprême pour son appel.

Hassan Ruvakuki, le 18 octobre 2012 à Gitega, au Burundi. © Esdras Ndikumana/AFP

Hassan Ruvakuki, le 18 octobre 2012 à Gitega, au Burundi. © Esdras Ndikumana/AFP

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Publié le 9 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Hassan Ruvakuki est sorti de prison le 6 mars pour des raisons de santé. Est-ce pour vous un dénouement heureux ?

Onésime Kabayabaya : Il a été libéré, effectivement pour ces raisons-là. Mais il faut reconnaître qu’il y a eu, malgré tout, une grande pression au niveau des médias, à quoi il faut ajouter notre action en tant qu’avocats et celle d’acteurs extérieurs.

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Est-ce que ses conditions de détention ont été mauvaises pour que son état de santé se détériore à ce point ?

Les conditions de détention, en général, ne sont jamais bonnes. C’est le cas au Burundi. Il faut penser aux choses aussi élémentaires que l’alimentation. Emprisonné loin de sa famille, Ruvakuki n’était pas ravitaillé de façon régulière. Il ne pouvait pas s’alimenter comme il voulait, encore moins dormir comme il le souhaitait. Prenez donc la nourriture, le sommeil, le moral… C’est quand même une bonne chose qu’il soit sorti de là, nous devons nous en féliciter. Même s’il a passé tout ce temps entre quatre murs, nous n’avons jamais douté de son innocence.

Y aura-t-il une autre procédure après cette sortie de prison ?

Forcément, d’autant plus que ce qui s’est passé le 6 mars n’a rien à voir avec la procédure judiciaire proprement dite. Il a été autorisé à sortir de prison, mais ce n’est pas une décision judiciaire. C’est plutôt une procédure administrative. Sachez que nous avons introduit un recours auprès de la Cour suprême contre la décision de la Cour d’appel de Gitega. C’est, donc, une affaire qui est pendante et nous attendons que la date soit fixée pour que nous allions plaider la cassation de cet arrêt que nous contestons vigoureusement [la condamnation de Ruvakuki à trois ans de prison, NDLR]. Il faut noter que mon client est sorti sans qu’aucune durée n’ait été déterminée. Autrement dit, nous ne sommes pas sur le plan judiciaire. L’affaire est toujours en cours. 

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Connaissez-vous la date à laquelle votre appel sera examiné ?

Non, parce que le ministère public ne nous a pas encore notifié sa réplique. J’espère que nous finirons par le savoir, étant donné que cette affaire doit être définitivement jugée.

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Considérez-vous l’affaire Ruvakuki comme un procès politique ?

Sur le plan judiciaire, je ne dirais pas que c’est une affaire politique. Du moins si je m’en tiens à la terminologie juridique burundaise : il n’existe pas d’affaire judiciaire dite « politique ». Mais quand les observateurs analysent les conditions de détention d’une personne, la façon dont elle est traitée, ils en arrivent à parler de « procès politique ». À ma connaissance, Hassan Ruvakuki n’est qu’un journaliste, il n’a jamais été membre d’un parti politique. C’est l’ampleur prise par son procès qui peut faire penser à d’autres motivations.

Peut-on établir un lien entre la sortie de prison de votre client et le forum qu’organise, à partir du 11 mars, à Bujumbura, le Bureau des Nations unies au Burundi, au cours duquel opposition et pouvoir parleront démocratie ?  

Je ne sais pas et je ne peux pas l’affirmer, ce lien n’ayant pas été établi officiellement dans la décision de libérer Hassan Ruvakuki. Mais il est évident qu’on ne peut pas dire qu’il n’y a rien. Il y a un remue-ménage politique et les gens se préparent pour les futures échéances. N’oublions pas que le monde extérieur pose aussi ses conditions sur le plan des droits de l’homme, de la démocratie, de la gestion des ressources publiques. Il ne faut donc pas exclure ce lien.

Restez-vous optimiste pour la suite ?

Je le suis, dans la mesure où je me rends compte qu’il y a une certaine décrispation. J’espère que la décision qui a été prise par le gouvernement, à travers l’administration, et non par un juge, nous permettra d’aller de l’avant. Ce n’est pas la peine d’envenimer une situation dans ce pays qui a d’autres problèmes. Il aurait été préférable d’éviter un emprisonnement tout à fait inutile et gratuit. On aurait dû s’en passer.

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Propos recueillis par Tshitenge Lubabu M.K.

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