En RDC, une Belge défend passionnément les bonobos
Claudine André, une Belge de 67 ans, se consacre avec passion à la protection des bonobos, une espèce de singes protégée et endémique à la République démocratique du Congo: elle récupère les rescapés de trafics illégaux ou les orphelins de parents tués par des braconniers.
Claudine André, une Belge de 67 ans, se consacre avec passion à la protection des bonobos, une espèce de singes protégée et endémique à la République démocratique du Congo: elle récupère les rescapés de trafics illégaux ou les orphelins de parents tués par des braconniers.
Sortant du ministère de l’Environnement, où elle venue déposer une réquisition pour récupérer un jeune singe exhibé dans un bar, "Maman Claudine", comme elle est surnommée affectueusement, est anxieuse. "Il faut y aller demain, dit-elle, j’ai vu des photos, il n’a pas trois ans, mesure quelques dizaines de centimètres et a le nez qui coule, il va mourir."
Pour que l’opération réussisse, mais aussi pour sa sécurité, elle n’ira pas elle-même récupérer l’animal: on a déjà crevé deux fois les pneus de sa voiture. Mais ces péripéties ne découragent pas cette femme toujours souriante.
Arrivée au Congo à l’âge de 4 ans, Claudine André est mariée à un commerçant et mère de 5 enfants. En 1993, avec l’aide de donateurs et de fondations de défense de la nature, dont la Fondation Brigitte Bardot, elle a créé "Lolo ya bonobo" – le paradis des bonobos, en lingala.
Ce "sanctuaire" de 35 hectares près de Kinshasa accueille les bonobos sauvés du trafic illégal. Un business lucratif: selon elle, un jeune bonobo acheté 50.000 francs congolais (55 dollars) peut être revendu 15.000 dollars sur internet.
Récupérés souvent anémiés et toujours stressés, les singes sont d’abord remis sur pied par une "mère de substitution", dans les bras de laquelle ils passent la plus grande partie de la journée. Puis ils rejoignent le groupe, avant de pouvoir un jour vivre dans leur habitat naturel: une région de 275.000 kilomètres carrés au coeur de la RDC où ils sont isolés, encerclés par le fleuve Congo et les rivières Kasaï et Samburu.
Près de 70 pensionnaires attendent de rejoindre les 15 qui sont déjà retournés dans la nature.
"La conservation, c’est par l’éducation"
Estimée à 100.000 en 1980, la population des singes bonobos n’est plus que de 10 ou 20.000 en raison du braconnage pour la viande de brousse, regrette Claudine André. Elle admet que cela correspond à l’expansion démographique – le pays compte 68 millions d’habitants – et à la pauvreté car la faim pousse les villageois au braconnage et à la revente de viande boucanée.
Selon elle, pour un animal capturé, dix meurent sous les coups des braconniers qui ne laissent vivants que les bébés, dont ils ne tirent pas assez de viande et qu’ils espèrent revendre.
Ces singes ont un patrimoine génétique identique à 98,7% à celui de l’homme, selon la revue Nature. Ils passionnent les anthropologues et fascinent les visiteurs car malgré leur organisation sociale avancée, ils n’ont aucune idée d’appropriation géographique ni sexuelle. "L’alliance des femmes gère l’agitation des mâles", explique un panneau du "paradis" qui fait la joie de Claudine, fervente féministe.
Comme le rhinocéros, les quatre grands singes africains – gorilles de montagne et de plaines, chimpanzés et bonobos – présents en RDC, figurent sur l’annexe I de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites), qui en interdit tout commerce.
La CITES, actuellement réunie à Bangkok, dresse un bilan pessimiste de son action. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), le trafic d’animaux vivants rapporte 15 milliards d’euros par an. "Ca rapporte plus que le trafic de drogue", dit Claudine André, dont l’oeil se fait farouche parmi ses boucles rousses.
Il y a quelques mois, un avion gros porteur était attendu à Kisangani, une ville du nord-est de la RDC, pour embarquer des animaux et les emporter à Shanghaï, affirme-t-elle, dénonçant un "Nigerian" qui vend ces bêtes en Asie ou au Moyen-Orient. Là-bas, selon elle, de riches particuliers créent des "zoos" sans passer par les circuits qui vendent ou échangent des animaux nés en captivité.
En avril prochain, Claudine André se rendra aux Etats-unis où le zoo de Columbus (Ohio), très engagé dans la conservation, a décidé de lui décerner son premier "Award" (prix).
"J’ai l’impression de tenir un barrage de mes deux mains, un jour il faudra tout lâcher", dit-elle, en plaçant son espoir dans l’éducation. "Je garde l’espoir, la conservation, c’est par l’éducation", dit-elle.
En 2012, 26.000 enfants sont venus visiter son "paradis". "Ce sont eux qui m’appellent pour me dire où il y a un bonobo enchaîné", se réjouit-elle.
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