Mali : Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar, entre la vie et la mort

Hormis au Tchad, aucune source officielle n’a confirmé la mort d’Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar, les deux principaux chefs du jihadisme sahélien. Une situation confuse sur laquelle les principaux bélligérants observent la plus grande discrétion.

Abdelhamid Abou Zeid (g) et Mokhtar Belmokhtar (d). © AFP/J.A

Abdelhamid Abou Zeid (g) et Mokhtar Belmokhtar (d). © AFP/J.A

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Publié le 4 mars 2013 Lecture : 4 minutes.

Jeudi 28 février, plusieurs médias algériens et français annoncent la mort d’Abdelhamid Abou Zeid. Le lendemain, le président tchadien, Idriss Déby, affirme depuis Ndj’amena que cet important chef d’Al Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) a été tué par ses soldats, dans l’Adrar des Ifoghas, à l’extrême nord du Mali.

Jusqu’à cette déclaration du président Déby, une seule version était relayée dans la presse, citant des sources anonymes et non-officielles : le terroriste aurait perdu la vie à une date indéterminée, après le bombardement de sa katiba, dans le massif de Tigharghar, par l’armée de l’air française. Si aucun corps n’a encore été formellement identifié, des tests ADN seraient actuellement menés par les services algériens pour tenter d’y voir plus clair, d’après le journal arabophone El Khabar.

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De son côté, le site mauritanien Sahara media, généralement bien renseigné sur les questions liées à Aqmi, affirme également qu’Abou Zeid a été tué au Mali. Il avance toutefois un autre scénario sur les conditions de son décès. Aux alentours des 26 et 27 février, le lieutenant d’Aqmi et ses combattants auraient tendu une embuscade et infligé de lourdes pertes aux forces tchadiennes à Tigharghar. Les hélicoptères de l’armée française seraient ensuite entrés en action, bombardant les positions jihadistes et tuant Abou Zeid. « Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’il y a tous les jours des actions menées sur zone par les hélicoptères Tigre et Gazelle », répond sans plus de précisions le colonel Thierry Burkhard, porte-parole de l’État-major français. Lundi, le site mauritanien maintenait sa version, citant cette fois un membre anonyme d’Aqmi, habitué à poster des messages sur les sites jihadistes. D’après lui, Abou Zeid a été tué « par un bombardement aérien français dans les montagnes des Ifoghas et non par les Tchadiens ».

  • Mokhtar Belmokhtar est-il vivant ?

Dans le même message, ce combattant d’Aqmi dément également la mort de Mokhtar Belmokhtar, autre figure du jihadisme sahélien dont le décès a été annoncé par l’armée tchadienne. Selon lui, Mokhtar Belmokhtar ne serait pas mort « pour la simple raison qu’il se trouve dans la région de Gao où il mène les combats contre l’ennemi. »

La veille, Site, un site américain de surveillance des réseaux islamistes armés, relevait les messages d’un participant à des forums jihadistes. Il y affirmait que le responsable de la sanglante prise d’otages d’In Amenas était « bien vivant et menait les batailles lui-même », ajoutant qu’une preuve de sa vie serait bientôt apportée.

Dans la soirée du samedi 2 mars, le général tchadien Zakaria Goubongue avait annoncé, à la surprise générale, que ses forces armées avaient tué Mokhtar Belmokhtar et « plusieurs terroristes » dans la vallée d’Ametetai, dans le massif de l’Adrar. Comme pour Abou Zeid, aucune source officielle française, algérienne ou malienne n’a, depuis, confirmé l’information.

  • La prudence de Paris
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À Paris, ces affirmations sur la mort présumée de ces deux chefs terroristes dérangent. Les autorités françaises se montrent très discrètes sur ces affaires, craignant notamment le pire pour les otages. Au moins quatre d’entre eux étaient encore récemment aux mains d’Abou Zeid. Il n’est pas exclu qu’ils aient été proches de lui lors d’un éventuel bombardement français.

Dimanche, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a lui-même appelé à la « prudence ». « Une rumeur répétée à l’envi ne fait pas une information, et le ministre de la défense ne doit pas parler au conditionnel, a-t-il déclaré. J’en appelle à la prudence et à l’esprit de responsabilité à l’égard d’indications que nous ne sommes pas en mesure de confirmer matériellement à ce stade. »

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Le lendemain matin, le discours officiel avait un peu évolué. Au micro d’Europe 1, l’amiral Édouard Guillaud, chef d’État-major des armées, a indiqué que la mort d’Abou Zeid était « probable », ajoutant qu’il ne pouvait y avoir de « certitude pour l’instant », parce qu’aucun corps n’avait été récupéré.

  • Le silence d’Aqmi

Face à ces informations faisant état de la mort d’Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar, le silence des groupes islamistes armés est étonnant. Ni Aqmi, ni les « Signataires par le sang », la katiba du « Borgne », n’ont communiqué sur le sujet. Aucun démenti, aucune confirmation après plusieurs jours d’incertitude. Surprenant pour ces organisations, souvent promptes à revendiquer une action ou à communiquer lorsqu’un des leurs est tué au combat. Les médias mauritaniens, comme Sahara media, Al Akhbar ou l’Agence Nouakchott Information (ANI), habitués à diffuser les communiqués ou vidéos des jihadistes de la région, sont muets depuis plusieurs jours.

Plusieurs éléments peuvent expliquer ce silence. Traqués dans le massif des Ifoghas, les combattants islamistes n’utilisent pratiquement plus leurs téléphones et la radio, par crainte d’être repérés. Certains évoquent également leur méfiance face à une technique de bluff, déjà utilisée par les Américains en Afghanistan, qui consisterait à annoncer la mort d’un chef jihadiste pour le forcer à sortir du bois et à livrer des informations sur sa localisation.

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Benjamin Roger

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