Enfants otages au Nigeria : « Ils seront marqués à vie »

L’enlèvement de la famille Moulin-Fournier a été revendiqué dans une vidéo postée sur YouTube, lundi 25 février, par des hommes se présentant comme des membres de Boko Haram. Sur les sept otages français, quatre sont des enfants âgés de 5 à 12 ans. Comment traversent-ils cette épreuve ? Pourront-ils réapprendre à vivre normalement en cas de libération ? Interview de la pédopsychologue française Cécile Viénot.

La famille française a été enlevée le 19 février dans le nord du Cameroun. © Capture d’écran/Youtube

La famille française a été enlevée le 19 février dans le nord du Cameroun. © Capture d’écran/Youtube

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Publié le 26 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Lundi 25 février, en milieu d’après-midi, une vidéo est postée sur Youtube. On y aperçoit la famille Moulin-Fournier, entourée par trois hommes armés aux visages dissimulés par des chèches, se présentant comme membres de la secte islamiste nigériane Boko Haram. Les sept Français ont été enlevés une semaine plus tôt dans le nord du Cameroun alors qu’ils quittaient le parc naturel de Waza à bord de leur 4×4. Sur les trois minutes de vidéo, le père, Tanguy Moulin-Fournier, collaborateur de GDF-Suez expatrié à Yaoundé depuis un an et demi, est assis par terre, aux côté de sa femme Albane et de son frère cadet Cyril. Devant eux, les quatres enfants du couple, âgés de 5 à 12 ans. C’est la première fois que des mineurs sont pris en otages par un groupe jihadiste africain.

Jeune Afrique : comment les enfants de la famille Moulin-Fournier, selon leur âge (5, 8, 10, et 12 ans), peuvent-ils réagir face à cette situation ?

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Cécile Viénot : Je ne suis pas sûr qu’une distinction en terme d’âge soit valable. Ils sont tous immergés dans la même situation. Ils ont dû se rendre compte assez vite qu’ils étaient retenus contre leur volonté. Et ça, un enfant de 5 ans peut le comprendre aussi bien qu’un enfant de 12 ans.

Il n’y aurait donc pas de différence de perception entre un enfant de 5 ans et un enfant de 12 ans ?

Je pense que la situation à laquelle ils sont confrontés, c’est-à-dire la privation de liberté et l’inconnu sur le dénouement des choses, est assez vite perçue de la même manière. Ce qui va changer, chez un enfant plus grand, c’est qu’il va peut-être mesurer un peu plus les risques que son petit frère de 5 ans.

Ces enfants sont-ils pleinement conscients du danger qu’eux et leurs parents encourent ?

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J’imagine que oui. Les plus petits ne vont peut-être pas comprendre tout ce que ça peut engendrer, mais en tout cas les plus grands doivent bien mesurer les risques.

Quels peuvent être leurs réactions et leur comportement ?

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Peu à peu, on « s’habitue » à cette situation. Ils vont prendre des repères, ils vont apprivoiser un peu les personnes qui les retiennent. Durant les premiers jours de la captivité, ils vont surtout s’interroger sur ce qui va leur arriver dans l’immédiat. Puis, petit à petit, l’attente va s’installer : on ne se sent plus en danger immédiat, on se rassure, on a moins peur qu’au début. On apprend à connaître l’endroit où l’on est et ce qui nous entoure. Autre point très important : a priori, ils n’ont pas été séparés et sont toujours avec leurs parents.

Justement, quel doit être le rôle des parents dans ce cas extrême ?

Le même rôle de parent qu’avant : rassurer leurs enfants et être bienveillants. Toute la difficulté, c’est que ces parents ont aussi leurs propres craintes. Cela ne doit donc pas être facile pour eux d’être tout le temps disponible pour leurs enfants.

Il faut trouver les bons mots même si c’est compliqué d’expliquer une situation dont on n’a pas tous les tenants et les aboutissants. Après, les enfants ont dû vite comprendre ce qu’il se passait. Il faut donc être assez honnête avec eux, leur expliquer qu’aujourd’hui ils sont retenus par des personnes plutôt méchantes et que pour le moment ils ne peuvent pas sortir. Il faut aussi leur dire qu’il y a d’autres personnes qui essaient de les sortir de là.

Quelles peuvent être les séquelles post-traumatiques pour ces enfants ?

Il y en a plusieurs. Le premier syndrome peut-être celui de Stockholm : on s’est identifié et on a créé un lien d’affection avec son ravisseur, donc on ne lui en veut pas forcément.  Il peut même y avoir un manque dans certains cas. Sinon, ils peuvent aussi devenir très anxieux, avoir peur de tout et refuser d’être séparés de leurs proches. Il peut également y avoir une grosse difficulté à se réadapter à la vie qu’ils menaient avant leur enlèvement. Ils seront marqués à vie, mais cela ne veut pas dire qu’ils n’arriveront pas à surmonter ce traumatisme et à avancer.

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Propos recueillis par Benjamin Roger

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