Tunisie : quand l’or des Ben Ali se barre en France

Quelque 1,8 tonne d’or en provenance de Tunisie et à destination d’Istanbul et de Dubaï ont transité par la France. L’affaire suscite de nombreuses interrogations, mais les autorités n’ont pas l’air de s’en émouvoir.

Avant de s’enfuir, le couple Ben Ali aurait réussi à faire disparaître au moins 1,5 tonne d’or. © AFP

Avant de s’enfuir, le couple Ben Ali aurait réussi à faire disparaître au moins 1,5 tonne d’or. © AFP

Publié le 25 février 2013 Lecture : 2 minutes.

« Au tout début de la révolution, le 19 décembre 2010, Leïla Ben Ali a fait retirer 1,5 tonne d’or de la Banque centrale de Tunisie (BCT). Pour masquer le vol, la parade consistait à jouer sur la confusion ; la même quantité d’or était déposée par la Tunisie auprès de la Banque d’Angleterre. » En mai 2011, cette révélation d’un responsable de la BCT concernant un éventuel transit avait aussitôt été démentie ; et 5,3 tonnes d’or étaient bien dans les coffres du pays.

Puis en novembre 2012, une enquête de la télévision nationale précisait que l’épouse de l’ancien président avait sorti illégalement du pays de l’or provenant de mines du Nord-Ouest… S’il y a un doute sur l’origine du magot, il est en tout cas certain qu’il existe et qu’il ne se trouve plus en Tunisie. Une enquête du quotidien Nice Matin dévoile que les services douaniers des aéroports de Nice, Marseille et Paris ont noté, jusqu’en avril 2012, près de 150 entrées de Tunisiens, en transit pour Istanbul ou Dubaï, déclarant être en possession de quantités d’or assez notables. Ainsi, 1,8 tonne d’or en lingots d’une valeur de 72 millions d’euros aurait transité en toute légalité par l’Hexagone.

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En Europe, le transfert de l’or est une formalité ; il suffit de le signaler aux frontières. Mais deux à cinq déclarations par semaine, portant sur 10 à 40 kg d’or, ont alerté les services douaniers français qui ont avisé leur hiérarchie sans que les ministères des Finances et de l’Intérieur ne réagissent. Pourtant, le gel des avoirs de Ben Ali, prononcé en février 2011, et une instruction menée à Paris par le juge Roger Le Loire sur d’éventuels blanchiments et sur les biens mal acquis du clan Ben Ali, suite à une plainte lancée par les associations Sherpa et Transparency International en juin 2011, auraient dû inciter à plus de vigilance.

Enquête locale

Si l’affaire soulève le problème de la réglementation européenne, en Tunisie, elle n’a pas fait grand bruit ; le pays est trop englué dans une crise politique majeure. Cependant, elle suscite de nombreuses questions qui mériteraient une enquête locale. Cet or est-il bien celui de Ben Ali ? Si c’est le cas, ce qui est difficile à prouver a posteriori, où était-il caché et par qui ? Si non, à qui appartient-il et d’où provient-il ? Le transfert d’or ou de devises étant sévèrement réglementé en Tunisie, existe-t-il des filières organisées spécialisées dans ce trafic et quels sont leurs complices ?

La principale difficulté étant les contrôles à la frontière tunisienne, pourquoi choisir des points de transit qui exigent un visa, alors que la Turquie et Dubaï n’en réclament pas aux ressortissants tunisiens ? Les porteurs d’or transitaient-ils uniquement par la France ou également par d’autres pays européens ? Les réponses, qui seront difficiles à établir, pourraient être embarrassantes alors que la lutte contre la corruption est une des premières exigences d’un pays en grande difficulté économique. Le ministère tunisien  des Finances a interpellé son homologue français pour plus d’éclaircissements. La remise par les autorités françaises de copies des déclarations permettrait d’identifier les mules et d’évaluer l’ampleur de l’affaire.

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Par Frida Dahmani, à Tunis

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