RDC : de l’art de tourner en rond

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 11 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Bunia, chef-lieu du district de l’Ituri, dans la Province orientale (nord-est), compte quelque 300 000 habitants. C’est une ville martyre, l’une de celles qui, ces dernières années, ont payé un lourd tribut aux différentes guerres menées en République démocratique du Congo (RDC). En Ituri sévit une milice dénommée Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI) que dirige un certain Matata Bonaloki, dit Cobra. Cette FRPI fait partie d’une alliance baptisée Coalition de groupes armés de l’Ituri composée de quatre milices ! Leurs revendications ? Que Kinshasa leur accorde une amnistie générale et érige le district de l’Ituri en province. Rien de plus classique.

Vous vous doutez bien que ce Cobra, ex-colonel – parce que déserteur, après une carrière de milicien – de l’armée régulière, a des comptes à rendre à la hiérarchie militaire. Un procès lui a donc été intenté. Le 4 février, le tribunal militaire de Bunia s’est prononcé. Dans quel sens ? En abandonnant toutes les poursuites contre le colonel renégat. La raison est simple : il s’agit de « privilégier la recherche de la paix publique et la sécurité de la population, d’autant plus que l’État congolais a une obligation constitutionnelle de protéger le peuple ».

Des groupes armés se livrent à toutes les exactions ; ensuite, c’est le dialogue avec le gouvernement, la distribution de grades élevés ; puis les mêmes désertent, refont la guerre, avant d’être à nouveau amnistiés et…promus.

la suite après cette publicité

Qui est l’auteur de ces propos ? L’officier qui dirige le tribunal militaire de Bunia. Mais non content de voir la justice renoncer à le châtier, Cobra voit loin car il exige d’être promu général de brigade ! Dans l’histoire récente de l’armée congolaise, ce fait est d’une grande banalité. Des groupes armés n’hésitent pas à se livrer à toutes les exactions imaginables à l’encontre de la population. Ensuite, c’est le dialogue avec le gouvernement, la distribution des grades les plus élevés jusqu’au jour les mêmes désertent avec armes et munitions, refont la guerre, avant d’être à nouveau amnistiés et…promus.

Au nom de la paix ? Hélas, non, mille fois non ! La liste de tous ceux qu’on a protégés pour préserver la paix est très longue. Ce mode de fonctionnement traduit l’impuissance des autorités congolaises, incapables de se montrer fermes et d’appliquer le règlement militaire dans toute sa rigueur. L’armée est devenue l’otage de tous les aventuriers dont la seule préoccupation est la jouissance de privilèges qui se trouvent au bout du fusil. Mutineries, indiscipline, désertions, banditisme, ils ne reculent devant rien. Ils savent qu’ils jouissent d’une espèce d’impunité qui ne dit pas son nom. Et ils recommenceront toujours.

Pourtant, la République démocratique du Congo a, plus que jamais, besoin d’une armée républicaine, rangée, capable de défendre l’intégrité du territoire national. Or, jusqu’à présent, ce n’est pas le cas. Dans ce pays menacé d’éclatement, à qui peut profiter l’impuissance et la faiblesse de l’État, son incapacité à mettre fin au désordre actuel, malgré les déclarations de bonnes intentions ? Toute la question est là. Tourner en rond semble être la seule façon de fonctionner. Or, chacun le sait, cela ne peut mener à  rien. Dans une armée, il faut de la fermeté. Ce n’est pas sorcier.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires