Jacqueline Moudeina : « Nos plaintes contre Hissène Habré sont solides »

La cérémonie officielle de lancement des activités des chambres africaines extraordinaires chargées d’instruire la procédure contre l’ancien président Hissène Habré s’est déroulée ce 8 février au Palais de justice de Dakar, en présence des représentants des victimes tchadiennes.

L’avocate Jacqueline Moudeina. © AFP

L’avocate Jacqueline Moudeina. © AFP

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Publié le 8 février 2013 Lecture : 2 minutes.

Que de chemin parcouru depuis ce jour de janvier 2000 où l’avocate Jacqueline Moudeina déposait devant le tribunal régional de Dakar, au nom de l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’homme (ATPDA, qu’elle préside depuis 2004) et de sept femmes tchadiennes, une plainte contre Hissène Habré pour actes de torture et de barbarie et crimes contre l’humanité. S’ensuivra un tango judiciaire de treize années – un pas en avant, deux pas en arrière – impliquant de multiples juridictions, du Sénégal à la Belgique en passant par la Cour de justice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ou la Cour internationale de justice. L’ouverture officielle des chambres africaines extraordinaires, ce 8 février à Dakar, marque la clôture de ce long débat procédural. Même si la véritable affaire judiciaire ne fait que commencer, Me Jacqueline Moudeina savoure sa victoire. Nous l’avons interviewée au moment de l’inauguration.

Jeune Afrique : Vous vous êtes battue pendant treize ans pour que la procédure contre Hissène Habré puisse aller à son terme. Que ressentez-vous aujourd’hui ?

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Me Jacqueline Moudeina : Beaucoup de bonheur. Depuis 2000, nous tentons d’obtenir que le Sénégal juge Hissène Habré pour divers crimes commis sous son règne, entre 1982 et 1990. Cela a représenté un véritable chemin de croix, long et douloureux, mais nous n’avons jamais cessé d’y croire et d’affirmer qu’un jour, il serait jugé. L’inauguration de ces chambres africaines extraordinaires représente pour nous une lueur d’espoir. Nous approchons à petits pas du moment où Hissène Habré aura à répondre de ses actes devant la justice. Il en va de même pour ses sbires, contre qui nous avons par ailleurs porté plainte au Tchad. Dans la mesure où l’instruction tchadienne stagne, rien n’empêche que les chambres africaines se penchent sur le cas de ces personnes.

Vous avez recensé plusieurs milliers de victimes d’Hissène Habré. Comment la justice sénégalaise pourra-t-elle traiter autant de cas particuliers ?

Le décompte qui ressort du rapport rédigé en 1992 par la Commission d’enquête nationale tchadienne s’élève à 40 000 morts et à des milliers de disparus sous le règne d’Hissène Habré. Bien sûr, il serait impossible de faire venir au Sénégal les victimes encore en vie, les proches des disparus ni l’ensemble des témoins susceptibles d’apporter un éclairage aux magistrats. Je pense donc que la justice procèdera par une forme d’« échantillonnage », en instruisant à propos de chaque grand épisode des actes de répression commis au Tchad durant cette période. De notre côté, nous nous efforcerons de guider les juges pour leur permettre d’adopter une stratégie de poursuites efficace, ce qui facilitera la tâche des juridictions de jugement tout en permettant que toutes les victimes y trouvent leur compte.

Les faits reprochés à l’ancien président tchadien ont été commis il y a 20 à 30 ans, dans un pays distant de celui où vont siéger les magistrats. Les charges que vous avez documentées sont-elles suffisamment solides pour surmonter ces obstacles ?

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Nous n’avons aucune crainte à ce niveau-là. Nos plaintes sont solides, nous disposons de preuves accablantes. Il appartient désormais aux juges de faire leur travail minutieusement, comme nous l’avons fait nous-mêmes pendant toutes ces années.

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Mehdi Ba, à Dakar

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