Égypte : la police dans le viseur

Le ministre égyptien de la Culture, Mohamed Saber Arab, a présenté sa démission lundi 4 février pour protester contre les brutalités policières. Depuis quelques jours, l’appareil policier égyptien, sévèrement critiqué lors de la révolution, est à nouveau vivement pointé du doigt.

Des Égyptiens participent aux funérailles des deux militants Amro Saad et Mohammed al-Guindi. © AFP

Des Égyptiens participent aux funérailles des deux militants Amro Saad et Mohammed al-Guindi. © AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 5 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Deux ans après la révolution égyptienne, les revendications sont toujours les mêmes. Ces derniers jours, endeuillés par des violences meurtrières dans tout le pays, les appels à une réforme profonde de l’appareil policier se sont multipliés en Égypte. Le ministre égyptien de la Culture, Mohamed Saber Arab, a même présenté sa démission lundi 4 février pour protester contre des brutalités policières.

L’agence officielle Mena a annoncé la démission du ministre sans donner de détails. Le quotidien gouvernemental Al-Ahram a précisé que le ministre entendait protester après des images montrant un manifestant dénudé et battu par la police devant le palais présidentiel au Caire. Sur une vidéo qui a choqué l’opinion publique, on voit des policiers battre l’homme avec des matraques, le bousculer et le dévêtir, avant de le traîner au sol, puis de l’embarquer dans un fourgon blindé posté devant le palais.

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Hamada Saber Mohamed Ali, un père de famille de 50 ans, qui avait initialement assuré avoir été attaqué par des manifestants et secouru par la police, est finalement revenu sur cette version peu crédible, déjà démentie par des proches qui on fait état de pressions pour dédouaner la police.

Mohamed al-Guindi

En outre, le décès d’un militant lundi après sa détention par la police a exacerbé les esprits. La police a fait usage de gaz lacrymogène contre des manifestants qui protestaient près de la préfecture à Tanta, dans le delta du Nil, peu après l’enterrement du militant dans cette ville. Les protestataires ont jeté des pierres en direction des policiers. Mohamed al-Guindi, 28 ans, avait disparu le 25 janvier sur la place al-Tahrir au Caire où il participait à une manifestation à l’occasion du 2e anniversaire du soulèvement anti-Moubarak, qui avait pris la forme d’un rassemblement contre l’actuel chef de l’État, l’islamiste Mohamed Morsi.

Selon ses avocats, le militant a été torturé dans un camp de la police, avant d’être conduit dans un hôpital où, selon le ministère de la Santé, il avait été admis inconscient et souffrant d’une hémorragie interne. Tombé dans le coma, il est décédé lundi. « Il est mort des suites de la torture », a affirmé son parti, le Courant populaire, dans un communiqué.

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« Il n’est pas le seul à mourir (sous la torture) sous Morsi. Mais comme c’est un militant, son nom nous est familier », a déploré Hossam Bahgat, directeur de l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), l’une des principales organisations de défense des droits de l’homme du pays. Des photos le montrant à l’hôpital, le visage meurtri, ont circulé sur les réseaux sociaux et des militants l’ont présenté comme le nouveau Khaled Saïd, un Égyptien battu à mort par la police en 2010 et devenu depuis un symbole de la lutte contre les brutalités policières.

"Amélioration cosmétique"

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Embarrassée, la présidence a indiqué avoir demandé au parquet d’enquêter sur les circonstances du décès de Mohamed al-Guindi et a exclu « un retour aux violations des droits des citoyens et des libertés après la révolution » qui a provoqué la chute de Hosni Moubarak. Il y a deux ans, la réforme de la police, accusée de bénéficier d’une impunité systématique pour ses nombreuses exactions, était l’une des principales revendications des Égyptiens descendus dans les rues.

« La police égyptienne pratique systématiquement la violence et la torture, parfois elle tue », a dénoncé l’EIPR dans un rapport publié la semaine dernière, en indiquant enquêter sur des dizaines de cas de torture ces derniers mois. « Il n’y a pas eu de changement de fond, ni même une amélioration cosmétique, dans l’appareil policier en matière de structure administrative, de prise de décision, de contrôle du travail de la police, ou de réforme et de renvoi des officiers et agents responsables de torture et de meurtres », selon l’ONG. « Les jeunes sont encore torturés et tués dans leur quête de dignité », a souligné Mohamed El Baradei, une figure de proue de l’opposition.

Lundi, des centaines de personnes ont participé sur la place al-Tahrir à une prière à la mémoire de Mohamed al-Guindi et d’un autre militant tué par balle lors d’une récente manifestation. « Obtenir justice pour eux, ou mourir comme eux », a scandé la foule.

(Avec AFP)

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