Pedro Pires : « Le citoyen doit s’impliquer dans la lutte contre le trafic de drogue »

L’ancien président capverdien (2001 à 2011), est membre de la Commission sur l’impact du trafic de stupéfiants en Afrique de l’Ouest, lancée par la fondation Kofi Annan le 31 janvier, à Accra. Il y siège en compagnie de l’ancien chef d’État nigérian, Olusegun Obasanjo, et d’autres personnalités de la société civile de la sous-région, comme Gilbert Houngbo, ancien premier ministre du Togo, et Oumou Sangaré, la diva malienne. Interview.

L’ancien président du Cap-Vert Pedro Pires. © AFP

L’ancien président du Cap-Vert Pedro Pires. © AFP

Publié le 4 février 2013 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Pourquoi créer une commission dédiée au trafic de drogue en Afrique de l’ouest ?

Pedro Pires : Elle est née d’un constat unanime : la gravité du problème du trafic de drogue en Afrique occidentale. Il fallait dès lors le combattre car il menace les populations et les fondements de l’État de droit. Il était donc nécessaire de donner une nouvelle impulsion à la lutte contre le narcotrafic.

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Cette commission n’est pas une institution décisionnelle, elle aura plutôt un rôle d’autorité morale. Elle aura pour but d’interpeller et de stimuler la création des conditions pour combattre le narcotrafic et la prise en charge des personnes dépendantes.

Qu’en est-il de la consommation locale ?

Nous nous préoccupons aussi de la santé des personnes toxicodépendantes. Selon nos chiffres, il y aurait entre un million et un million et demi de consommateurs en Afrique occidentale. Essentiellement des jeunes gens qui consomment les substances les moins chères, celles qui sont les plus compliquées à combattre : drogues artificielles, comme le crack, et naturelles, comme le chanvre.

Le trafic de drogue est venu se mêler au trafic d’armes, à la contrebande, au terrorisme et au radicalisme.

Depuis quand constate-t-on une aggravation du trafic ?

Cela fait plus d’une dizaine d’années, d’où l’urgence d’un règlement du problème. Le trafic de drogue est venu se mêler au trafic d’armes, à la contrebande, au terrorisme et au radicalisme. Cela créée d’autres risques.

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Pensez-vous que le délitement de l’État malien est – au moins en partie – dû au trafic de drogue ?

Au Mali, il y a encore d’autres facteurs. Le trafic n’est pas le responsable principal. Il serait plus juste de dire que les islamistes radicaux ont pratiqué un mélange des genres avec le trafic de drogue, la contrebande et le trafic des armes. Mais il faut aussi évoquer la façon dont la question libyenne a été réglée, ainsi que la faiblesse de l’État malien. C’est tout ce conglomérat qui est responsable de ce qui est arrivé.

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Pourquoi cibler l’Afrique de l’Ouest ? Est-elle plus concernée que le reste du continent ?

Il faut mener la lutte sur tout le continent, mais considérez qu’à travers la commission, nous agissons en tant que citoyens de l’Afrique occidentale confrontés à une situation critique. Nous avons décidé qu’il fallait avertir et sensibiliser la société civile et les dirigeants de nos pays.

Quels sont les pays les plus touchés ?

Je me refuse à citer un pays en particulier, c’est un phénomène transnational. Les trafiquants sont un peu partout. Ils passent par l’Afrique occidentale puis montent vers l’Europe, ou poursuivent leur chemin vers l’Afrique orientale et le Moyen-Orient. En tant que pays de transit, nous devons susciter une coopération avec les pays producteurs et destinataires.

Comment opèrent les trafiquants ?

Ils utilisent divers moyens pour parvenir à leurs fins : avions, bateaux… On dit même qu’il y aurait des sous-marins, c’est un gros réseau qui ne peut être vaincu que par un combat coordonné, une vraie coopération.

Quels types de stupéfiants sont concernés ?

Il s’agit essentiellement de cocaïne. Les autres substances sont le haschich et des drogues de synthèse.

Selon nos informateurs, le chiffre d’affaires généré tourne autour de 800 millions de dollars en une année.

Quels sont les volumes des flux qui traversent la zone ?

Je ne saurai dire, mais selon nos informateurs, le chiffre d’affaires généré tourne autour de 800 millions de dollars en une année.

Les responsables politiques et militaires ont-elles une responsabilité ?

Il y a bien sûr des personnalités qui sont compromises, mais ne me demandez pas des noms. De toute façon, il faut combattre tous les réseaux et les empêcher d’infiltrer la police et les forces armées, tout comme les sphères politiques. 

Pourquoi créer une commission alors que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) existe déjà ?

Comme disait quelqu’un, « la guerre est une affaire tellement importante qu’on ne peut pas la laisser à des seuls militaires. » Cette question du trafic est tellement sérieuse que le citoyen doit s’impliquer dans sa résolution, soit de façon individuelle soit de façon organisée.

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Propos recueillis par Abdel Pitroipa (@AbdelPit)

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