Ray Lema, créateur sans frontières
Habitué à explorer tous les univers musicaux pour aboutir à un dialogue avec sa part africaine, Ray Lema vient de se lancer dans une nouvelle expérience, très jazzy. Un cap dans la carrière de ce pianiste venu de Kinshasa.
Son nouvel album, produit par One Drop, a un titre inattendu : V.S.N.P. pour Very Special New Production. Pour être spécial, le disque l’est : c’est du pur jazz à la sauce Lema. Musicien et compositeur accompli, plein de curiosité, Ray Lema se distingue par son crâne lisse et une barbichette plus sel que poivre et bien taillée qui orne son menton. L’allure est celle d’un jeune homme, même si, en mars prochain, il fêtera ses 67 ans printemps. Ancien directeur du Ballet national du Zaïre, il a quitté son pays natal voilà plus de trente ans, a vécu aux États-Unis avant de poser ses valises en France où il s’est enraciné. Cherchant toujours à aller le plus loin possible dans son art, Ray Lema a mené de nombreuses expériences musicales, aussi inattendues les unes que les autres. Avec, dans tout cela, des préoccupations : donner à voir ce qu’il a de meilleur, d’original ; découvrir le meilleur chez les autres et, au bout du compte, instaurer un dialogue des musiques. Dernière expérience : l’enregistrement d’un album avec l’Orchestre philarmonique de Sao Paulo, au Brésil.
Interview de Ray Lema
Évasion
Mais pourquoi s’aventure-t-il, lui qui a réalisé les plus fous de ses rêves de musicien, dans le monde du jazz ? Un besoin d’évasion et, aussi, une contrainte. Il s’entend de plus en plus dire qu’il est commercialement plus rentable de faire du « jazz pur » à la place des fusions. Lema s’est plié à cette nouvelle exigence sans se renier. « On m’a dit que ma musique n’était pas encore assez jazzy parce que j’y mets trop de mon âme africaine alors que je ne l’ai pas perdue. Désormais, je sortirai des albums de jazz, un jazz que je veux africain. Quant au reste, je resterai dans la dynamique des rythmes congolais », explique le pianiste. V.S.N.P., qui est à l’antipode de ses pérégrinations antérieures, tout en gardant une touche personnelle reconnaissable, confirme cette nouvelle orientation. Réalisé par un quintet dans lequel on retrouve le bassiste d’origine camerounaise Etienne Mbappé, collaborateur de longue date, le disque a été enregistré en une seule prise. « Pour avoir du bon travail, il faut que le casting soit placé très haut. C’était le cas », commente Lema. Sur les neuf titres, trois sont des hommages à des personnages qui l’ont marqué : Fela Anikulapo Kuti, l’ancienne ministre de la Culture du Mali, Aminata Traoré, et le pianiste américain Herbie Hancock.
Fela
Parlant de Fela, il se souvient de l’époque où celui-ci avait été emprisonné par le régime militaire nigérian. Il y eut, en France, une caravane pour le soutenir. Lema en était le chef d’orchestre. Il n’a pas oublié leur rencontre : « Après sa libération, Fela est venu en France. En parlant avec lui, j’ai découvert un monsieur avec une vision du monde, une réflexion sur la culture africaine. Cela m’a ouvert les yeux ». Quant à Herbie Hancock, « c’est un pianiste de jazz qui peut jouer avec n’importe quel groupe, dans n’importe quel style, sans s’enfermer dans le jazz académique. Pour moi, c’est un bon exemple ». Ray Lema qui, après de longues années de pratique, considère désormais la musique comme une grande passion, n’a pas fini de surprendre. Son vœu le plus cher : qu’il y ait, en Afrique, plus de musiciens que de chanteurs comme c’est le cas actuellement. Pour en arriver là, « ils doivent beaucoup travailler ».
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