Libye : la grogne sociale dans l’industrie pétrolière se radicalise

Des gardiens d’installations pétrolières libyennes ont pris le contrôle depuis fin juillet des principaux ports pétroliers du pays et menacent de mettre en vente les stocks dont ils disposent. Le gouvernement n’exclut pas le recours à la force.

Les mouvements sociaux ont entraîné une baisse de près de 70% des exportations de pétrole de la Libye. DR

Les mouvements sociaux ont entraîné une baisse de près de 70% des exportations de pétrole de la Libye. DR

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Publié le 22 août 2013 Lecture : 3 minutes.

L’industrie pétrolière libyenne est bouleversée par une série de mouvements de grève qui affectent gravement la production. La crise a pris un tournant plus radical depuis un mois, avec l’occupation des principaux ports pétroliers du pays par des membres de la Petroleum Facilities Guard (PFG). Cette agence publique dépendante du ministère de la Défense, forte de 18 000 hommes, a pour mission d’assurer la sécurité des installations pétrolières.

1,6 milliard de dollars de perte en trois semaines

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Conduits par Ibrahim Al-Jathran, commandant de la région centre de la PFG, les insurgés demandent des augmentations de salaire ainsi que de meilleures dotations matérielles (véhicules, équipements). Leur mouvement a affecté cinq des principaux ports pétroliers du pays : Es Sider, Ras Lanouf, Zueitina, Marsa Al Hariga et Brega. Un mandat d’arrêt a été émis cette semaine contre Ibrahim Al-Jathran – par ailleurs démis de ses fonctions – pour son rôle dans l’occupation d’Es Sider et pour avoir annoncé son intention de vendre directement le pétrole stocké sur les sites contrôlés.

Parallèlement à l’occupation des ports pétroliers, des grèves ont également perturbé la production. Ainsi, des travailleurs de l’Arabian Gulf Oil Company sont entrés en grève le 10 août pour protester contre le remplacement du directeur de l’entreprise, obtenant sa réinstallation au bout de deux semaines.

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Ces mouvements sociaux ont entraîné une baisse de près de 70% des exportations de pétrole du pays. Selon les informations recueilles par Bloomberg, elles seraient passées de 1,6 million de barils par jour (bpj) en 2012 à 500 000 bpj en août 2013. À l’occasion d’une conférence de presse organisée le 15 août, le ministre du Pétrole libyen Abdulbari Al-Arusi a estimé ces pertes à 1,6 milliard de dollars.

Le recours à la force envisagé

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Le Premier ministre Ali Zeidan a indiqué que le gouvernement était prêt à recourir à la force pour empêcher les navires de sortir des ports avec du pétrole acquis sans l’autorisation de la National Oil Corporation, la société pétrolière nationale. Selon un document interne obtenu par Bloomberg, cette dernière a dû invoquer le cas de force majeure pour bloquer toutes les exportations de pétrole à partir des ports d’Es Sider, Ras Lanouf, Zueitina et Brega. Les clients de la société nationale ont reçu l’ordre de retirer leurs tankers de ces ports.

Ces mesures n’ont eu qu’un impact indirect sur le mouvement d’occupation. Si les sites de Brega, Zueitina et Hariga sont à nouveau fonctionnels, le principal port pétrolier du pays, Es Sider (350 000 bpj exportés) reste sous le contrôle de la PFG.

Une grogne sociale renforcée par la faiblesse du gouvernement

L’occupation des terminaux pétroliers est la dernière en date et peut-être la plus visible des crises que l’industrie pétrolière libyenne a connues. Mais la liste est longue. En juillet 2012 déjà, l’activité des ports pétroliers d’Es Sider, de Ras Lanouf et de Brega avait été interrompue par des manifestations politiques. En juin 2013, une grève des employés entraînait la fermeture des champs pétrolifères d’Al-Fil, d’Abu-Tafl et de Rimal, provoquant la perte de 150 000 à 200 000 bpj. La production sur le seul terminal pétrolier de Zueitina (20% des exportations libyennes) a été interrompue à cinq reprises depuis novembre 2012.

Pour faire face à ces contestations – et obtenir la réouverture des ports occupés – le gouvernement libyen est contraint de recourir à l’intermédiation des chefs de clan.

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