Rwanda : le capitaine, l’avion et le génocide
Un document mis au jour par le juge français Marc Trévidic et divulgué le 24 janvier par le quotidien « Le Parisien » repose la question des prestations assurées jusqu’en 1994 par l’ancien gendarme Paul Barril au bénéfice de l’armée génocidaire rwandaise…
Le filet se resserre autour de Paul Barril, dont le rôle trouble pendant le génocide au Rwanda de 1994 vient d’être éclairé par un document inédit. Dans son édition du 24 janvier, le quotidien Le Parisien publie en effet le fac-similé d’un courrier embarrassant pour l’ancien du Groupe français d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et de la cellule antiterroriste de l’Élysée.
Ce document a été exhumé lors des perquisitions qui ont visé Paul Barril et son entourage en juin 2012. L’opération avait été diligentée par le juge Marc Trévidic, en charge de l’instruction sur l’attentat commis le 6 avril 1994 contre l’avion du président rwandais de l’époque, Juvénal Habyarimana. Dans ce courrier daté du 27 avril 1994, le ministre de la Défense rwandais, Augustin Bizimana (recherché par le Tribunal pénal international pour le Rwanda – TPIR – et toujours en fuite) « confirme » au « capitaine Barril » son « accord pour recruter, pour le gouvernement rwandais, 1 000 hommes devant combattre aux côtés des Forces armées rwandaises ». À cette date, l’armée gouvernementale livre combat au Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé. Mais elle encadre parallèlement, aux côtés de la gendarmerie, la campagne de massacres ciblés visant la population tutsie.
Au service du "Hutu Power"
Le Parisien apporte une nouvelle pièce au puzzle relatif à l’implication de Paul Barril au service des extrémistes hutu, avant comme pendant le génocide. Mais, bien que largement méconnus, des documents versés dans diverses procédures judiciaires illustrent déjà les prestations contre-nature assurées au pays des milles collines par le gendarme français reconverti dans la sécurité privée.
C’est ainsi qu’en novembre 1989, Barril adressait deux factures pro-forma au colonel Gasake, des Forces armées rwandaises. Celles-ci portaient sur la fourniture par sa société de sécurité, Secrets, de « portiques de détection type MD 2000 », de « détecteurs de métaux portatifs », de « PM Beretta » et de « valises attaché-case à ouverture rapide ».
En plein génocide, le 28 mai 1994, un contrat d’assistance est signé entre le Premier ministre, Jean Kambanda, et Paul Barril, en vertu duquel ce dernier « s’engage à fournir une aide sur le plan humain et matériel au Rwanda ». Vingt hommes spécialisés et différents armements doivent être fournis aux extrémistes hutus, alors en difficultés face à l’armée du FPR. « La prestation est évaluée à 3 130 000 dollars », poursuit le contrat, qui précise qu’un acompte de 50 % devait être versé à la signature.
Un versement d’1 million de dollars
Dans un « compte rendu de réunion » classé « Très secret » et daté du 29 septembre 1994, le général-major Augustin Bizimungu, chef d’état-major des ex-FAR (désormais en exil en RDC) évoque une autre prestation qui aurait été assurée par l’ancien commandant du GIGN au bénéfice de l’armée génocidaire. Sollicité pour apporter une formation aux militaires rwandais en matière d’opérations spéciales, Paul Barril a, selon le document, perçu un acompte de 1,2 millions de dollars, là encore en plein génocide. Mais la prestation sera finalement annulée en raison du déploiement concomitant de l’opération française Turquoise.
La question qui se pose à présent au juge Trévidic est de savoir si Paul Barril a pu jouer un quelconque rôle dans l’attentat à propos duquel porte son instruction. « Très tôt dans le dossier, nous avons invité les enquêteurs à mener des investigations sérieuses du côté de M. Barril, confie à Jeune Afrique l’avocat belge Bernard Maingain, qui défend les sept Rwandais de l’entourage du président Paul Kagamé encore mis en examen dans ce dossier. Les résultats récents de l’instruction semblent justifier nos demandes. »
De son côté, selon Le Parisien, le sulfureux capitaine conteste que ces différents contrats aient été suivis d’effets, résumant la controverse au sujet de son rôle au Rwanda à « de la mayonnaise africaine ».
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