Mali : Bamako entre crainte et optimisme
Alors que l’intervention franco-malienne contre les jihadistes s’accélère au Nord-Mali, avec la reprise des villes de Diabali et de Douentza, les Bamakois retrouvent le moral. Mais la crainte des attentats est présente dans les esprits.
Alexandre, gérant d’un maquis ivoirien dans le quartier d’Hamdallaye, à Bamako, hausse les épaules. « Moi j’ai vu pire que ça à Abidjan. Et ici, ils sont loin, très loin de savoir ce qu’est la guerre ». L’Ivoirien s’est installé au Mali en septembre 2010, peu de temps avant la crise postélectorale qui a fait plus de 3 000 morts dans son pays. Le danger et la peur, il connaît. Il assure même que maintenant, il est capable de voir la mort « venir de loin ».
« C’est vrai que la situation est compliquée, mais les jihadistes sont loin et avec l’armée française, ils ne pourront pas atteindre Bamako de sitôt. Ça laisse le temps de fuir en « cas de cas », conclut-il en utilisant la formule consacrée à Abidjan.
Dans la capitale malienne, on est persuadé que les sauveurs venus de France sauront non seulement stopper l’avancée de la coalition de jihadistes composée d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et d’Ansar Eddine, mais aussi – et surtout – éradiquer la menace terroriste. Les troupes ouest-africaines de la Misma aussi sont les bienvenues, même si peu de personnes sont convaincues de leur aptitude à se battre dans le désert.
Infiltration
S’il est « content de leur soutien », Sabou, chauffeur de taxi, doute de leur efficacité. « Quand on sait que c’est l’armée malienne qui les formait, on ne peut pas s’attendre à ce qu’elles soient très performantes », critique-t-il. Il n’empêche, à Bamako, l’optimisme est de mise, même si on craint une infiltration par les jihadistes.
L’arrestation le 13 janvier d’un suspect aux abords de l’hôpital Gabriel Touré du Point E fait que tout le monde surveille un peu tout le monde. Hors de question cependant de céder à la peur. « Si on reste enfermés chez nous, calfeutrés, ça veut dire qu’ils ont gagné », commente Baba Haïdara, notaire à Bamako. Celui-ci reconnaît avoir restreint ses déplacements à la nuit tombée, mais c’est surtout, dit-il, en raison de la multiplication des barrages. Car si en semaine les contrôles de police et de gendarmerie sont pratiquement inexistants, ils sont impressionnants les soirs du week-end.
Déhanchements
Pas de quoi décourager les habitués de l’Ibiza, du Byblos, ou de la Dolce Vita, les boîtes de nuit les plus branchées de Bamako. De toute façon, pour y accéder, il faut désormais subir une fouille et un passage au détecteur de métaux. Et puis, les habitués sont bien connus, et les agents des « services » sont présents, en civil, à l’affût du moindre comportement suspect.
Sur la piste de danse de la Dolce Vita, jeunes et vieux se déhanchent sur les tubes à la mode ou des rythmes afro-cubains. L’alcool coule à flot et les jeunes femmes sont toujours aussi dénudées. De quoi donner le vertige aux partisans de la charia. Ici, la seule règle qui tienne, c’est encore celle de la liberté.
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Par Malika Groga-Bada, envoyée spéciale à Bamako
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