Cameroun : les nouveaux employés de maison
Au Cameroun, le secteur du service à la personne, de l’hôtellerie ou encore du tourisme évolue et se professionnalise. Une nouvelle génération d’employés, passés par des centres de formation spécialisés, arrive sur le marché de l’emploi.
Lundi, 7h45 à Bastos, quartier résidentiel de Yaoundé. Alors que la ville s’éveille, Martin N., 19 ans, s’apprête à prendre son service. Comme à l’accoutumée, il dispose de quinze minutes pour se préparer : enfiler un polo blanc et un pantalon jeans, la tenue règlementaire pour ses deux heures de ménage. À 10 heures, il lui faudra à nouveau se changer pour un tour au marché – sa patronne exècre les odeurs de transpiration (tenue de ville recommandée) –, puis pour faire la cuisine (tablier blanc obligatoire) et, enfin, servir à table (toque de maître de rigueur).
Chez son employeuse, chef d’entreprise spécialisée dans l’événementiel, tout est codifié. Et pour cause. Martin fait partie d’une nouvelle classe de domestiques formés dans des centres dédiés, que la classe moyenne supérieure camerounaise s’arrache, tout comme les résidences d’ambassadeurs et les expatriés. Comme nombre d’employés de maison, il est venu au métier, contraint et forcé par les aléas de la vie : l’impossibilité pour ses parents de financer sa poursuite d’études après une classe de seconde. « Je l’ai d’abord recruté comme homme à tout faire, explique son employeur, Marie-Hélène Kemayou. Il avait beaucoup de volonté, mais manquait totalement d’organisation. » Elle lui a donc trouvé une formation en alternance, au centre Matkeyle, à Yaoundé, deux après-midi par semaine, sur six mois, pour un coût mensuel de 35 000 FCFA, à sa charge à elle. Mais chez Matkeyle, les frais de scolarité peuvent aller de 150 000 à 280 000 FCFA. Parmi les cursus suivis : gouvernante à domicile, blanchisseur, baby-sitter, agent ménager, cuisinier. Martin, lui, cumule tous les postes, hormis celui de nounou. Au programme : les arts de la table, le service, la cuisine, l’art de marier les plats et les vins, l’entretien… « Les cours sont conçus pour leur procurer savoir-faire, savoir vivre et savoir être », assure Vanessa Yondo, directrice de Matkeyle. Créé en 2008 pour palier le manque de qualification des personnels de maison et aider ces derniers à mieux défendre leurs droits (moins de 5 % des employés de maison disposent d’un contrat de travail), l’établissement accueille chaque année une cinquantaine de stagiaires. À ce jour, il en a effectivement formé une centaine : faute de moyens, nombre de postulants jettent l’éponge avant la fin.
Insertion professionnelle
Matkeyle n’est pas le seul établissement du genre au Cameroun. Pionnier dans ce domaine, le Centre de formation professionnelle pour la femme (CFPF) Sorawell de Yaoundé accueille ainsi tous les ans, depuis 2005, quelque 150 jeunes femmes généralement issues de milieux défavorisés, l’idée étant de leur permettre d’améliorer leur employabilité. Le CFPF Sorawell propose des cycles courts de deux à six mois et un cycle long de trois niveaux différents (I, II et III), d’une durée de douze mois chacun. Reconnus par le ministère camerounais de l’Emploi et de la Formation professionnelle (qui alloue quelques bourses aux étudiantes les plus démunies), les cursus du CFPF Sorawell prépare aux métiers de l’hôtellerie et du tourisme.
Pour ce qui est de l’emploi, outre la formation, Matkeyle assure également le placement des étudiants, après enquête de moralité en présence d’un commissaire de police, examen du casier judiciaire. Le centre revendique un taux d’insertion professionnelle d’environ 50 %. « La demande est réelle, justifie Vanessa Yondo. Mais peu de familles sont prêtes à franchir le pas. Après un tel cursus, la rémunération minimale est de l’ordre de 60 000 FCFA, contre 25 000 FCFA habituellement. Une situation qui pousse parfois les candidats à revoir leurs prétentions salariales à la baisse, et à revenir à leur situation initiale, la qualification en plus.
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