Rwanda : révélations autour de l’assassinat de deux gendarmes français en avril 1994

Un témoignage inédit publié jeudi 10 janvier par « Libération » relance les questions relatives au rôle joué par les autorités françaises dans les jours qui ont suivi l’attentat contre l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, qui a marqué le déclenchement du génocide contre les Tutsi.

Le juge français Marc Trévidic (à g.) lors de son enquête au Rwanda en septembre 2010. © AFP

Le juge français Marc Trévidic (à g.) lors de son enquête au Rwanda en septembre 2010. © AFP

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Publié le 10 janvier 2013 Lecture : 3 minutes.

(Mis à jour le 10 janvier à 17h33)

Selon le quotidien français Libération, qui publie jeudi 10 janvier un témoignage inédit, « le faux certificat de décès d’un gendarme français mort en avril 1994 à Kigali […] renforce les doutes sur le rôle de Paris » dans ce dossier. Entre le 7 et le 9 avril 1994, deux coopérants militaires appartenant à la gendarmerie française, les adjudants-chef René Maïer et Alain Didot, étaient assassinés à Kigali en même temps que l’épouse du second, Gilda Didot.

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Depuis près de 19 ans, les circonstances précises de ces trois assassinats demeurent mystérieuses, donnant lieu à diverses conjectures. Plusieurs sources ont cru pouvoir imputer ce crime au Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, qui se serait ainsi débarrassé de deux opérateurs radio susceptibles d’écouter ses communications ou d’espionner son cantonnement. D’autres, à l’inverse, laissent entendre que les deux gendarmes auraient pu être les témoins involontaires de l’organisation de l’attentat par les militaires extrémistes hutu, alliés de la France.

Entendu en mai dernier par le juge Trévidic, qui a succédé au juge Bruguière dans l’enquête sur cet attentat, le médecin militaire Michel Thomas affirme sur procès-verbal, selon Libération, n’avoir jamais rédigé le « certificat du genre de mort » de René Maïer, qui porte pourtant, en guise de signature, un tampon à son nom. Un témoignage important, même s’il ne fait que confirmer ce dont on pouvait déjà se douter. Ce document, qui circule depuis plusieurs années, comporte en effet deux anomalies évidentes : la mort est datée du 6 avril 1994, alors qu’il est établi que le gendarme était encore vivant le lendemain et le certificat conclut à une mort « d’origine accidentelle » causée par des « balles d’armes à feu » !

Embarrassant pour les responsables français de l’époque, le témoignage inédit du Dr Thomas laisse toutefois ouvertes les nombreuses interrogations entourant ce triple assassinat. Pourquoi l’armée française à Bangui (par où les corps ont transité avant d’être rapatriés vers la France) a-t-elle rédigé un certificat du genre de mort frauduleux ? Pourquoi la France n’a-t-elle ouvert aucune enquête suite à cet assassinat de deux gendarmes en mission ? Pourquoi un émissaire de la gendarmerie a-t-il fait signer aux parents de Gilda Didot, en mai ou juin 1994, un document par lequel ceux-ci s’engageaient à ne jamais diligenter de procédure au sujet de cet assassinat ? Quelle faction a éliminé les deux gendarmes et Gilda Didot ? Leur assassinat est-il lié à l’attentat du 6 avril 1994 ?…

Un lien avec l’information judiciaire du juge Trévidic ?

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L’enquête de Libération apporte en revanche une révélation plus discrète, à lire entre les lignes. Faute de procédure judiciaire depuis 1994, ce triple assassinat se trouve en effet théoriquement prescrit. Sauf si le juge Trévidic estime que ce dossier a un lien avec l’information judiciaire dont il est lui-même saisi, ouverte depuis 1998. Selon le quotidien, sur le procès-verbal en question, « le juge Trévidic aurait jugé ces faits “gravissimes” et de nature à réorienter sa propre enquête sur l’attentat, en s’interrogeant sur l’attitude de Paris lors de ce moment clé de l’histoire du pays ». Ce qui semble indiquer que pour le magistrat antiterroriste, les deux opérateurs radio auraient pu être les témoins de transmissions permettant d’identifier les organisateurs de l’attentat. Reste à découvrir qui, à Kigali, avait des raisons de le craindre au point de se débarrasser d’eux…

Pour aller plus loin :
En décembre 2012, France Culture consacrait une longue enquête au « Mystère Didot et Maïer ».

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