Tchad : Idriss Déby Itno en terrain conquis à Biltine

Le président tchadien Idriss Déby Itno a choisi Biltine pour célébrer la « Journée de la liberté et de la démocratie ». Il s’agit de l’un de ses fiefs, mais aussi de la ville natale d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’un de ses principaux opposants, disparu depuis 2008. Reportage.

Idriss Déby Itno en août 2011 après sa réélection. © Reuters

Idriss Déby Itno en août 2011 après sa réélection. © Reuters

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 24 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Lorsque le Tchad s’embrase, le bourg poussiéreux de Biltine, à quelques 80 kilomètres de la frontière soudanaise, fait toujours partie des précurseurs. Le « deuxième bastion de la résistance contre la dictature », comme l’appelle le président tchadien Idriss Déby Itno, fut une de ses premières conquêtes à la tête de la rébellion du Mouvement patriotique du salut (MPS, aujourd’hui au pouvoir) en 1990, face au régime de Hissène Habré. En février 2008, les rebelles soutenus par Khartoum, l’ont à nouveau pris, avant de poursuivre leur chemin jusqu’aux portes du palais présidentiel de Ndjamena.

Mais en ce mois de décembre, Biltine paraît bien loin d’une nouvelle poussée de fièvre. La ville a été choisie, il y a un an, pour les célébrations de la « Journée de la liberté et de la démocratie », organisées chaque 1er décembre, date de la prise du pouvoir d’Idriss Déby Itno, en 1990.

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300 000 invités

Du fait de problèmes logistiques, la fête a été décalée au 19 décembre. Les mauvaises langues affirment que les constructions prévues n’étaient pas prêtes à temps. Car, comme à chacune de ces célébrations organisées en province, la présidence a mené de grands travaux pour changer l’image de la ville. Pour le plus grand plaisir des habitants, une école, un lycée, un hôpital et un marché central (fondamental dans cette région qui vit essentiellement du commerce et de l’élevage) sont sortis de terre cette année. Les Biltinois sont en revanche plus critiques quant à l’utilité de l’hôtel de plus de 100 chambres, dans cette ville peu touristique, ainsi que de la trentaine de villas construites destinées à accueillir les hôtes, et dont certaines ne sont même pas encore raccordées à l’eau courante.

Enfoncé dans son fauteuil sur la tribune, le président, qui a passé une partie de sa scolarité dans cette ville, peut s’enorgueillir du spectacle offert à la population, en admirant le défilé militaire : hélicoptères, avions de chasse, chars et autre véhicules de combat et, bien sûr, infanterie. Plus de 300 000 personnes ont été invitées à prendre part à la fête, soit dix fois plus que la population habituelle, selon le maire de la ville, Habib Adoudou, élu au début de l’année avec 95 % des voix, sous les couleurs du parti présidentiel.

Mais Biltine, c’est aussi la ville natale de Ibni Oumar Mahamat Saleh, l’opposant disparu en février 2008 dans des circonstances jamais éclaircies. Sa famille attend toujours une explication, mais une partie d’entre elle est tout de même venue assister au défilé. « Ils n’ont pas le choix. S’ils ne venaient pas, cela pourrait leur coûter cher », assure un de leurs amis.

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"Menace terroriste"

Lors de son discours, Idriss Déby Itno n’a pas dit un mot de cette affaire, qui continue d’empoisonner ses relations avec Paris. Il s’est en revanche exprimé sur une éventuelle participation de l’armée tchadienne à une intervention au Nord-Mali, à laquelle le pressent nombre de ses partenaires (France en tête). Il a réaffirmé son soutien aux « pays alliés » qui affrontent « la menace terroriste », mais sans préciser si celui-ci sera de nature militaire.

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D’autres menaces concernent il est vrai plus directement le Tchad : l’instabilité dans le sud de la Libye, qui a conduit Tripoli à fermer ses frontières avec ses voisins du Sud, et les difficultés, d’un autre voisin, la république centrafricaine, dont la capitale, Bangui, est menacée par une coalition de rebelles. Le jour de son arrivée à Biltine, le président tchadien a décidé d’envoyer une force s’interposer entre les deux belligérants, protégeant ainsi le président François Bozizé d’une possible arrivée des rebelles. Et a même quitté la ville prématurément pour se rendre au sommet des États de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), convoqué pour évoquer la crise centrafricaine, vendredi 21 décembre. Laissant Biltine retourner à sa torpeur.

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Pierre Boisselet, envoyé spécial à Biltine

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