François Durpaire : « Pourquoi un artiste issu des quartiers devrait-il forcément être accessible ? »

Depuis son césar pour son rôle dans « Intouchables », Omar Sy est omniprésent dans les médias. Pourtant, alors même qu’il est en pleine promotion de son dernier film, « De l’autre côté du périh », de nombreux journaux, notamment panafricains, peinent à obtenir des interviews. François Durpaire, spécialiste de la diversité culturelle, analyse le rapport des stars de la diversité aux médias, tout en invitant à une certaine indulgence.

Omar Sy, César du meilleur acteur pour son rôle dans « Intouchables ». © Reuters

Omar Sy, César du meilleur acteur pour son rôle dans « Intouchables ». © Reuters

Clarisse

Publié le 18 décembre 2012 Lecture : 2 minutes.

Peut-on dire des stars issues de la diversité qu’ils prennent facilement la grosse tête ?

François Durpaire (en photo ci-dessous) : Il faut tenir compte du contexte et de l’entourage. En France, il est difficile de percer dans le milieu artistique. Cela l’est encore davantage pour les jeunes issus de l’immigration. Omar Sy et Jamel Debbouze, par exemple, appartiennent à une génération passée par l’humour pour atteindre la notoriété. Et cette performance mérite d’autant plus d’être saluée que l’humour est particulièrement clivant, la société française ayant peu l’occasion de partager les mêmes centres d’intérêt. Il serait donc malencontreux, pour quiconque réussit ce tour de force de rassembler au-delà de son propre « camp », de donner l’impression de s’enfermer dans une communauté, de se laisser réduire à ses seules origines, catalogué comme artiste noir, maghrébin ou issu des quartiers.

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À la décharge de ces célébrités, on dira qu’ils se sentent acculés de toutes parts, parfois pris en otage par leurs producteurs, qui veillent au grain, les rendant pratiquement inaccessibles. D’ailleurs, pourquoi un artiste issu des quartiers devrait-il forcément être accessible ? Cette interrogation renvoie aussi à la gestion de la réussite au sein de ces communautés. La question de l’accessibilité se pose-t-elle pour un Vincent Cassel, par exemple ? Je ne crois pas. Dans tous les domaines, les stars sont forcément difficiles à approcher.

Mais ils sont très attendus par les leurs, qui redoutent de les voir se détourner de certaines causes.

Dans l’idéal, il faudrait qu’ils soient tous plus présents pour les causes liées à la diversité. Mais les artistes n’ont pas nécessairement vocation à être des militants. Quand ils décident de l’être, c’est à eux de choisir la cause à défendre. Zinedine Zidane s’engage pour les enfants malades ? C’est son droit. On est dans un monde globalisé et universel, où chacun se positionne par rapport à sa propre histoire.

Mais il y a aussi le désir de fuir certains discours ?

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Comme nombre de citoyens français d’origine africaine, les célébrités de la diversité se laissent quelquefois piéger par des discours anti communautaristes et stigmatisants. Ils se présentent comme républicains, fuyant les communautarismes alors même que se mettent en place, juste en face, des lobbies divers. Les artistes eux aussi doivent avoir leur mot à dire dans le choix des médias qui les interrogent. Lorsque leur entourage leur fournit la liste des médias dans lesquels ils sont censés intervenir, c’est à eux de signaler ceux qu’il ne faut surtout pas oublier. Mais la presse doit aussi trouver les moyens d’arriver à ses fins. C’est aussi aux médias panafricains d’adopter des stratégies pour s’imposer.

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Propos recueillis par Clarisse Juompan-Yakam
 

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