Les marchés émergents dans la tourmente
Alors que la Réserve fédérale américaine s’apprête à resserrer sa politique monétaire accommodante, les capitaux fuient les marchés émergents et les indices boursiers connaissent leur plus forte baisse depuis le début de la crise financière de 2008.
Pour aider les États-Unis à sortir de la crise, la réserve fédérale américaine (FED) a mis en place une politique monétaire particulièrement accomodante, dénommée quantitative easing. Cette politique, qui consiste notamment à racheter 85 milliards de dollars de bons du trésor chaque mois et à maintenir des taux d’intérêts très bas, a contribué à faire baisser la valeur de la monnaie américaine. Les capitaux en quête de rendement sont donc allés chercher une alternative sur les marchés émergents, ce qui a permis à nombre d’entre eux de lancer des émissions obligataires internationales avec un succès sans précédent. Ainsi, en mai, le Rwanda a levé 400 millions de dollars à un taux légèrement inférieur à 7 %, une émission qui a attiré 3 milliards de dollars de souscriptions ; la Tanzanie, 600 millions de dollars, pour 2,5 milliards de dollars de promesses. Quelques mois plus tôt, la Zambie récoltait 750 millions de dollars, avec encore plus de succès. De même, les Places financières des pays émergents ont bénéficié d’un afflux de capitaux occidentaux.
L’amélioration des perspectives économiques aux États-Unis devrait signer la fin du quantitative easing.
Mais l’amélioration des perspectives économiques aux États-Unis devrait signer la fin du quantitative easing, ce qui ne sera pas sans conséquences pour les pays émergents, Afrique comprise. Depuis le début du mois d’août, les spéculations sur l’arrêt progressif, annoncé en juin dernier, de la politique monétaire de la FED, que beaucoup redoutent de voir débuter dès septembre, ont provoqué un mouvement inverse à ce qui était observé depuis le début de la crise financière : les fonds reviennent en Occident, notamment aux États-Unis.
Signe de ce changement, les indices boursiers décollent dans les pays développés tandis qu’ils dégringolent dans les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). L’annonce de l’arrêt progressif de cette politique dite non-conventionnelle a eu un effet presque immédiat sur les indices boursiers. Entre le 1er janvier et le 21 août 2013, le CAC 40, l’indice de référence de la Bourse parisienne, affichait une hausse de plus de 10 %, tandis que le Dow Jones a grimpé de 13 % à New York et que l’indice japonais Nikkei a augmenté de près de 30 %, selon les données de Boursorama. Pendant ce temps là, le Bovespa, l’indice brésillien, a chuté de 17 %, le RTS de Moscou a reculé de 15 % et l’indice BSE, en Inde, de 8 %.
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Les monnaies émergentes sous pression
La tourmente qui agite les pays émergents affecte aussi leurs monnaies. En Inde, la roupie a encore perdu 2,5 % cette semaine et atteint son niveau le plus bas historiquement tandis que le déficit de la balance courante ne laisse pas présager de reprise. Celui-ci devrait dépasser les 3,8 % du PIB au deuxième trimestre, bien au-delà du seuil des 2,5 % jugé tolérable par la Banque centrale indienne. La roupie indonésienne et le rouble russe sont à leur niveau le plus bas depuis quatre ans.
En outre, la croissance brésilienne, alors que le pays a connu de fortes tensions politiques et sociales, n’a atteint que 0,9 % au deuxième trimestre contre 7,5 % en 2010. La Chine a quant à elle annoncé une croissance de son PIB de 7,5 % au deuxième trimestre, une performance honorable, mais bien en deça des 9,3 % sur l’ensemble de l’année 2011.
Les économies émergentes sur la voie d’un progrès à long terme
Pourtant, la situation est loin d’être catastrophique. Premièrement, la fuite des capitaux n’est pas de même nature que celle qui a marqué la crise financière asiatique à la fin des années 1990. La composition des flux de capitaux est plus « saine » : en moyenne plus de la moitié des flux vers les marchés émergents sont des investissements directs en capital. Plusieurs de ces pays émergents ont aujourd’hui des réserves de change assez importantes et se sont désendettés depuis 1997. Selon Alain Bokobza, responsable de l’allocation d’actifs à la Société générale, interrogé par le quotidien économique français Les Échos, « la nature des déséquilibres n’est plus la même : aujourd’hui c’est le déséquilibre des balances courantes – qui s’est constitué lors d’une période de très forte croissance – qui inquiète les investisseurs. »
Bien que les économies émergentes doivent continuer à réformer leur système pour rattraper les pays du Nord, les efforts accomplis jusque-là montrent qu’elles sont sur la voie d’un progrès économique de long terme, au-delà des contretemps rencontrés actuellement. Comme le note le Financial Times dans un éditorial en date du 20 août, les forces fondamentales de ces économies, qui ont accompli plusieurs décennies de forte croissance, ne seront pas durablement affectées par les conséquences à court terme d’un changement dans la politique monétaire américaine.
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