Burkina Faso – Simon Compaoré : « Pour diriger une ville, il faut l’aimer »
Simon Compaoré, le désormais ex-maire de Ouagadougou, participe à son sixième et dernier sommet Africités à Dakar. Pour cette « légende » des élus locaux en Afrique, en dix-sept ans, les collectivités locales ont fait leur trou. Mais il reste beaucoup à faire.
Simon Compaoré est une légende dans le monde des élus locaux africains. « Un exemple, estime un fonctionnaire des Nations unies, tant pour sa longévité que pour son bilan ». Maire de la capitale du Burkina Faso, Ouagadougou, depuis 1995, il a profité du sixième sommet Africités qui se tient à Dakar du 4 au 8 décembre pour tirer sa révérence. Il n’était en effet pas candidat à sa propre succession lors des élections municipales du 3 décembre dernier. Pour Jeune Afrique, il revient sur dix-sept années de combats.
Après 17 ans à la tête de Ouagadougou, vous tirez votre révérence. Vous êtes fatigué ?
Simon Compaoré : Non, ce n’est pas ça. Jamais ne n’abandonnerai. Mais j’estime qu’après 17 ans, on peut être à court d’idées, de nouveautés. Nous faisons face, les élus locaux, à des changements qui avancent à une vitesse vertigineuse. Face à cela, il convient de renouveler les initiatives. Or ce qui vous guette après 17 ans, c’est la routine.
Ne vous a-t-on pas poussé vers la sortie ?
Non, c’est une décision personnelle. J’ai d’ailleurs fait campagne pour la nouvelle équipe. Et je reste à la disposition de mon parti (le Congrès pour la démocratie et le progrès, CDP, le parti au pouvoir, NDLR).
Est-ce difficile de trouver des personnes prêtes à prendre la relève et à s’investir dans un mandat d’élu local ?
Non. Mais il faut que ceux qui viennent soient avisés de ce qui les attend.
Aujourd’hui, la plupart des États en Afrique ont compris l’intérêt de transmettre les compétences, mais aussi les ressources aux collectivités locales.
Qu’est-ce qui les attend ?
Pour diriger une ville, il faut l’aimer. Et il faut beaucoup de convictions. Il faut être prêt à supporter les critiques, à encaisser car le maire est la première personne vers laquelle se tournent les citoyens. Nous faisons face parfois à des situations délicates, dangereuses même, quand nous allons dans les quartiers en colère. Et puis, il faut arriver à créer une vision commune dans la ville, ce n’est pas facile.
Avez-vous eu les moyens de vos ambitions ?
C’est sûr que les citoyens attendent beaucoup d’un maire. Il nous manque des moyens financiers et humains, c’est certain. Mais cela ne doit pas nous décourager. Dans la Bible, il est dit : « Frappez et on vous ouvrira. Cherchez et vous trouverez ».
Les finances, c’est le nerf de la guerre…
Absolument, mais les finances seules ne suffisent pas. Parfois, l’abondance traduit l’incapacité des hommes. Il faut savoir travailler dans la pénurie. Moi, j’ai commencé en 1995 avec un budget d’1,5 milliard de francs CFA. Aujourd’hui, il est à 22 milliards. Nous avons fait en sorte que la ville soit propre. C’est une de mes plus grandes fiertés. Nous avons commencé avec 20 femmes pour nettoyer le bitume. Aujourd’hui, nous en comptons 2 087. Des femmes qui viennent de milieux défavorisés, et dont l’activité, avant, était préjudiciable à l’environnement. Certaines, par exemple, cassaient de la pierre. Je pense que cela n’aurait pas été possible si tout avait été géré par l’État. Pour l’administration, cela aurait représenté une tâche comme une autre. Pour nous, c’était un véritable défi.
En 17 ans, le regard du pouvoir central et des haut-fonctionnaires a-t-il changé sur le rôle des collectivités locales ?
Oui, mais c’est parce que nous avons fait beaucoup de lobbying. Nous avons créé CGLU (Cités et gouvernements locaux unis, NDLR), et CGLUA (Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique, l’organisateur d’Africités, NDLR). Ce sont des structures dynamiques, qui organisent des rendez-vous importants comme Africités. Cela permet d’échanger, de créer des partenariats… Il y a aussi eu la naissance de l’AIMF (Association internationale des maires francophones, NDLR), qui a financé beaucoup de projets, dans ma ville notamment. Aujourd’hui, la plupart des États en Afrique ont compris l’intérêt de transmettre les compétences, mais aussi les ressources aux collectivités locales. Il reste encore beaucoup à faire, mais en 17 ans, les choses ont bien évolué.
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Propos recueillis par Rémi Carayol, envoyé spécial à Dakar
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