Me Barthélémy Kéré, le Monsieur Élections propres du Burkina Faso

Les premiers résultats provisoires des élections locales sont tombés, jeudi 6 décembre, au Burkina Faso. Dans un contexte politique tendu, marqué par la préparation de la présidentielle de 2015, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Me Barthélémy Kéré, espère mener à bien un processus inclusif et apaisé. Portrait.

Me Barthélémy Kéré, président de la Ceni du Burkina Faso, est un fervent catholique. © DR

Me Barthélémy Kéré, président de la Ceni du Burkina Faso, est un fervent catholique. © DR

Publié le 7 décembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Il le sait, en tant que président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) du Burkina Faso on lui demandera de rendre compte scupuleusement de l’organisation des élections couplées du 2 décembre : mise en place du fichier électoral, inscription des partis, déroulement du vote, proclamation des résultats. Le gouvernement burkinabè, bailleur de fonds quasi exclusif, et les mandants veulent un scrutin au bilan irréprochable. Mine sévère, regard acéré derrière des lunettes à fine monture, Me Barthélémy Kéré reçoit avec gravité, à l’aise aussi bien en costume cravate qu’en tenue traditionnelle.

Accueillant les représentants des partis politiques dans ses bureaux du quartier administratif de Ouagadougou, cet avocat de profession a su exprimer toute la rigueur du droit face à leurs doléances. Du moins si aucune conciliation n’était possible. Le souvenir d’une réclamation lui revient : « Le représentant d’un parti était insatisfait de la forme de son logo sur les bulletins provisoires. La gravure était déjà faite, mais nous avons fait les modifications à temps pour éviter des plaintes sans fin », justifie-t-il avec un amusement agacé. En état de contestation permanente vis à vis de ses décisions, les partis de tous bords s’accordent tout de même sur un point : choisi en août 2011 pour diriger la Ceni, Me Kéré est la bonne personne à la bonne place.

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Jeunesse turbulente

Ancien bâtonnier, ce juriste pointilleux aux tempes grisonnantes a connu une jeunesse aussi studieuse que… turbulente. En 1982, son activisme syndical lui vaut d’être renvoyé de l’université de Ouagadougou. Cursus achevé à l’université de Bordeaux, en France, le jeune Kéré rentre au pays où de stagiaire il passe à fondateur de cabinet en 1992. Une dizaine d’années plus tard, il est devenu père de famille et est sollicité pour diriger l’ordre des avocats du Burkina Faso. Puis il entre à la Ceni en 2006 comme représentant de la conférence épiscopale. Il faut dire que ce catholique très pratiquant ne rate jamais une messe quotidienne.

En juillet 2011, quand les députés abrègent le mandat de la précédente équipe électorale, il s’apprête à aller suivre une formation diplomatique à Paris. Mais l’église catholique lui demande de se maintenir. Et la nouvelle Ceni le désigne à sa tête. « C’est un perfectionniste et ses collaborateurs doivent s’y habituer », témoigne Simon Yaméogo, son directeur de cabinet. À ses côtés depuis de nombreuses années, ce journaliste de formation estime que Me Kéré gère le personnel de la Ceni avec bienveillance : « Sur le plan humain, il ne fait aucune distinction du chauffeur au commissaire », ajoute-t-il.

C’est un perfectionniste et ses collaborateurs doivent s’y habituer. Mais sur le plan humain, il ne fait aucune distinction du chauffeur au commissaire.

Simon Yaméogo, son directeur de cabinet

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Une bienveillance qui n’exlut pas l’autorité. « Dès ma prise de fonction, en septembre 2011, on nous a aussitôt demandé : "quand auront lieu les élections ?" »  À ce titre, Me Kéré affirme ses priorités : « D’abord, il nous fallait régler la question du fichier électoral, pierre d’achoppement lors de la présidentielle de 2010 marquée par des inscriptions multiples mais une faible participation », relate-t-il. « Or, une liste électorale contestée, est une contestation par anticipation des résultats du scrutin ».

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Suggérée par les mandants, majorité, opposition et société civile réunies, la biométrie – moyen onéreux mais fiable – est apparue comme la meilleure méthode pour parvenir à un enrôlement indiscutable. Confortée par ce consensus, la Ceni passe commande au prestataire Gemalto. Coût total de l’opération : 30 milliards de francs CFA.

Au terme d’un processus qui implique « un management lourd de personnel temporaire » (4 000 opérateurs, 300 ingénieurs informaticiens…), la Ceni parvient, à la veille des élections, au chiffre de 4 363 817 inscrits après suppression des doublons. L’effectif, peu différent du précédent corps électoral, est aussitôt critiqué. Mais Me Kéré proteste. « Le précédent chiffre de 4,4 millions était issu d’une compilation des recensements de 2002 et 2007 qui posaient des problèmes de double inscription. Ici nous parlons de recensement en une seule fois et d’inscrits uniques. Si une révision gouvernementale est ordonnée pour les scrutins à venir, l’enrôlement se poursuivra. Le fichier électoral va se construire au fur et à mesure. »

Prêt pour 2015 ?

Les reproches n’ont pas manqué non plus concernant l’autre volet de la mission assignée à la Ceni : recueillir l’inscription des partis sur la liste électorale. Entre les griefs des indépendants, exclus de la compétition par le code électoral, et les plaintes au sujet de la date limite de dépôt des dossiers de candidature, il a aussi fallu arbitrer les querelles locales entre les partis.

Et puis il ya eu le scrutin, qui s’est déroulé dans le calme, malgré quelques problèmes épars. Au soir des votations du dimanche 2 décembre, Me Kéré a tenu à minimiser les irrégularités constatées çà et là : bureaux qui n’ont pas ouvert à temps, urnes volées par des militants, procès-verbaux manquants où arrivés tardivement… « La transmission des résultats se fait par une interconnexion des 45 chefs-lieux de province où les résultats collectés dans les bureaux de vote sont acheminés avant d’être transmis directement par liaison satellitaire (VSAT) à Ouagadougou. La Ceni réunie en assemblée plénière y valide le scrutin au fur et à mesure », détaille Me Kéré, toujours près de son smartphone mais se défendant d’une inclinaison particulière pour la technologie.

L’après élection ? L’organisation de la présidentielle en 2015 ? Me Kéré affirme ne pas se poser ce genre de questions. « Théoriquement, notre mandat est de cinq ans, mais le Conseil consultatif pour les réformes politiques (CCRP) ayant proposé une réforme de la Ceni en vue d’une administration électorale permanente, je ne sais pas sous quelle forme elle se reconstituera. Si je n’en fait pas partie, je retournerai tranquillement à mon cabinet d’avocat », explique-t-il sereinement. La nouvelle législature devant toutefois encore confirmer cette réforme, pas sûr qu’il ait déjà envoyé sa robe au pressing…

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Abdel Pitroipa, envoyé spécial à Ouagadougou
 

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