Pour MAM, le meurtre de Firmin Mahé était « contraire à la morale et à l’éthique »

L’ancienne ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie, est venue témoigner au procès des quatre militaires accusés de l’assassinat de l’Ivoirien Firmin Mahé, en 2005. Elle a réaffirmé que les faits jugés étaient « inacceptables » et exposé le contexte de crise à l’époque, en Côte d’Ivoire.

Michèle Alliot-Marie arrive à la cour d’assises de Paris, le 4 décembre 2012. © AFP

Michèle Alliot-Marie arrive à la cour d’assises de Paris, le 4 décembre 2012. © AFP

Publié le 5 décembre 2012 Lecture : 3 minutes.

À la fin de son audition, en sortant, elle a jeté un regard derrière elle, vers le banc des accusés, avec ce sourire figé à la limite du rictus dont elle a le secret. Puis avec sa démarche et son allure militaires – le tailleur vert kaki, la broche et le bruit des talons en plus -, Michèle Alliot-Marie (MAM) a traversé la salle de la cour d’assises en empruntant l’allée centrale, fièrement, la tête haute, les bras le long du corps…

Quelques minutes auparavant, elle avait prévenu, en répondant à un avocat de la défense : « Je ne suis pas là pour faire de l’humanité. Je suis là pour dire ce que je sais, encore plus ce que je pense. »

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« Dire » ce qu’elle sait, sur le meurtre de Fimin Mahé, ce « coupeur de route » présumé, tué par étouffement par des militaires français de la Force Licorne déployée en Côte d’Ivoire, le 13 mai 2005. A l’époque MAM, l’habituée des ministères régaliens, était à la Défense. C’est dans ce cadre qu’elle est citée comme témoin dans le procès qui se tient devant la cour d’assises de Paris depuis le 27 novembre dernier. Les quatre militaires français accusés du meurtre ont reconnu les faits et leurs rôles respectifs.

"Circonstances particulières"

Mais l’ancienne ministre va d’abord commencer par dire « ce qu’elle pense ». Après avoir décliné son identité à la cour et s’être vue attribuer la parole par le président de la Cour, elle se lance dans une déclaration d’environ 10 minutes, qui semble apprise par cœur et dans laquelle chaque mot est pesé. « Les faits jugés aujourd’hui sont à mes yeux inacceptables, tant sur le plan du droit que sur le plan militaire. Ils sont contraires à la morale et à l’éthique », déclare-t-elle d’entrée de jeu. Elle ajoute : « Cependant, ils ont été commis dans des circonstances particulières. » À la ministre d’exposer alors la situation « complexe » de la crise ivoirienne de l’époque et ses conséquences (exactions, massacres, viols…) sur la population. 

Il y avait un fort sentiment d’impunité dans cette zone. Il n’y avait ni justice ni gendarmerie. Les Ivoiriens nous disaient que les personnes arrêtées étaient rapidement remises en liberté.

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MAM aborde ensuite les spécificités de la « Zone de confiance », cette zone tampon qui séparait le nord et le sud du pays, sous surveillance des forces françaises et onusiennes. Là, où a été commis le meurtre de Firmin Mahé et où étaient positionnés les militaires accusés. Beaucoup des actes criminels étaient le fait de « coupeurs de route », a rappelé l’ex-ministre. « Il y avait un fort sentiment d’impunité dans cette zone. Il n’y avait ni justice ni gendarmerie. Les Ivoiriens nous disaient que les personnes arrêtées étaient rapidement remises en liberté. »

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L’audition dérive sur le mandat de l’ONU dans la Côte d’Ivoire de 2004-2005, que la ministre dit avoir très rapidement jugé « inadapté » à la réalité du terrain, notamment aux niveaux juridique et judiciaire. Elle affirme avoir, plusieurs fois, tenté de faire remonter cette information aux responsables des opérations de l’ONU, mais n’avoir rien obtenu.

"Que fallait-il faire ?"

« La question des moyens donnés aux soldats est un problème que j’ai souvent évoqué. Mais que fallait-il faire ? Ne pas intervenir ? » Elle ajoute : « Si les soldats de la Force Licorne s’étaient retirés de la zone, les massacres auraient atteint un niveau jamais connu. » La ministre est alors interpelée par le procureur général, qui demande : « Ces quatre militaires ont-ils été sacrifiés pour raison d’État ? Pour cacher d’autres faits, plus graves ? »

En d’autres termes, ceux liés aux bombardements de Bouaké en novembre 2004. Dans cette affaire, MAM est visée par une plainte de proches de militaires pour « complicité d’assassinats ». Réponse, très sèche de l’intéressée : « Je suis étonnée qu’un procureur général puisse reprendre de telles assertions, qui me paraissent farfelues. »

Concernant le meurtre de Firmin Mahé, MAM garantit n’avoir été au courant des faits qu’en octobre 2005, soit cinq mois après. « J’ai immédiatement diligenté une enquête et saisi la justice », affirme-t-elle. Jusqu’au bout, elle ne transigera jamais sur les faits qui sont reprochés aux accusés.

« Ce sont des soldats, et ils savent que si un ordre illégal est donné, ils ne doivent pas l’exécuter. » Elle finira cette audition de près d’une heure en déclarant solennellement : « La règle veut que l’on respecte le droit. C’est vrai que c’est exaspérant de voir des criminels, des violeurs, relâchés… Il n’empêche qu’ils sont des militaires français, qui appliquent le droit et la morale de la France. »

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Par Haby Niakaté (@HabyN)

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