Constitution égyptienne : première épreuve de force entre Morsi et les libéraux

Il s’agit de la plus grave crise politique que l’Égypte a connue depuis l’élection en juin de Mohamed Morsi à la tête de l’État. En s’arrogeant le pouvoir judiciaire, en plus de l’exécutif et du législatif, le président islamiste s’est engagé dans une épreuve de force avec les laïcs et les libéraux. Frères musulmans et opposants prévoient de jauger leurs forces lors de grandes manifestations, mardi.

Mohamed Morsi s’adressant à ses partisans, le 23 novembre 2012 au Caire. © AFP

Mohamed Morsi s’adressant à ses partisans, le 23 novembre 2012 au Caire. © AFP

ProfilAuteur_PierreFrancoisNaude

Publié le 26 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Le président Mohamed Morsi a-t-il réussi le tour de force de ranimer la flamme de la révolution… contre lui ? Depuis qu’il s’est doté, le 22 novembre, du pouvoir judiciaire en plus des pouvoirs exécutif et législatif, la rue égyptienne gronde un peu partout dans le pays. Un premier mort a ainsi été signalé dimanche à Damanhour, au sud d’Alexandrie, parmi les militants islamistes qui défendaient le siège des Frères musulmans, que des opposants tentaient de prendre depuis trois jours.

Petit à petit, le climat de fronde gagne le pays. Des juges et des journalistes ont décidé d’une grève pour protester contre les décisions du président qui, dans une « déclaration constitutionnelle », jeudi dernier, s’est arrogé le droit de « prendre toute décision ou mesure pour protéger la révolution » de 2011. Objectif officiel : accélérer les réformes démocratiques, et la rédaction d’une nouvelle Constitution attendue mi-février.

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Morsi a cependant dû lâcher un peu de lest, dimanche, expliquant que l’élargissement de ses pouvoirs était « temporaire » et appelant à un « dialogue démocratique ». Selon le porte-parole du président, Yasser Ali, Morsi doit rencontrer lundi les membres du Haut conseil de la magistrature, avec lequel le ministre de la Justice Ahmed Mekki a eu une première réunion dimanche.

Protéger la Commission constitutionnelle

« La présidence réaffirme la nature temporaire de ces mesures, qui ne sont pas destinées à concentrer tous les pouvoirs mais au contraire à les remettre à un Parlement démocratiquement élu et à éviter toute tentative de mettre en cause ou de faire disparaître deux institutions élues démocratiquement, la Haute chambre du Parlement et l’Assemblée constituante », a indiqué dimanche la présidence, dans un communiqué.

Un des objectifs de Morsi est de protéger la commission chargée de rédiger la future Constitution la commission, critiquée en raison de la prédominance des islamistes, et dont la composition fait l’objet d’un recours devant la Haute cour constitutionnelle. Or, selon le décret présidentiel, aucune instance judiciaire ne pourrait désormais dissoudre la commission. Du côté des Frères musulmans, on prétend que le pouvoir judiciaire est contrôlé en sous-mains par les pro-Moubarak.

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Près de la place Tahrir au Caire, où des opposants au président Morsi ont manifesté, le 25 novembre 2012.

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© Gianluigi Guercia

Nouveau "pharaon"

Quant aux détracteurs du président, ils l’accusent de se comporter comme un nouveau « pharaon » et de mettre en péril les acquis de la révolution et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Signe de l’importance de cette crise – la plus grande depuis l’élection en juin de Morsi à la tête du pays -, la Bourse du Caire a chuté de 9,59%, le principal indice, l’EGX-30, clôturant à 4.917,73 points.

Pendant ce temps, sur le terrain, l’épreuve de force se poursuit. Prenant la tête du mouvement de contestation, le Club des juges a appelé à une grève des tribunaux du pays. Le syndicat des journalistes a également appelé dimanche à une grève générale, sans fixer de date. Selon le juge Issam al-Tobgi, les « assemblées générales » des tribunaux dans chacune des 27 provinces, à l’exception de celles d’Alexandrie et Beheira (nord) qui ont déjà annoncé un arrêt de travail, ont entamé des réunions pour décider de suivre ou non l’appel à la grève.

En réaction, les Frères musulmans, dont est issu le président, ont appelé à une manifestation massive mardi au Caire. Le lieu de rassemblement initialement prévu a été modifié, dans une apparente tentative de rester éloigné de la place Tahrir où les opposants au président prévoient un grand rassemblement le même jour. Le sit-in entamé vendredi soir par des protestataires laïcs et libéraux se poursuivait sur la place Tahrir, où une trentaine de tentes ont été érigées. Aux abords de la place, verrouillée par les forces de l’ordre, des heurts se sont poursuivis dimanche entre policiers et manifestants.

(Avec AFP)

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