Saadeddine El Othmani : « Il n’y a pas deux chefs de la diplomatie » au Maroc

Ancien patron du PJD, islamiste aux idées iconoclastes, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération semble confortablement installé dans ses nouvelles fonctions.

L’ancien patron du PJD, Saadeddine El Othmani. © Abdelhak Senna/AFP

L’ancien patron du PJD, Saadeddine El Othmani. © Abdelhak Senna/AFP

Publié le 25 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Reçu le 21 novembre par son homologue français Laurent Fabius, Saadeddine El Othmani semble confortablement installé dans ses nouveaux habits diplomatiques. Syrie, Nord-Mali, Sahara, il jongle avec les dossiers et répond aux sollicitations venant de toutes parts, au moment où le royaume prend la présidence tournante du Conseil de sécurité de l’ONU. El Othmani peut s’appuyer sur une administration solide, remaniée de fond en comble pendant l’été 2011, et recueillir les précieux conseils de son prédécesseur Taïeb Fassi-Fihri, aujourd’hui conseiller royal et présenté par les médias comme le « vrai » ministre. Ancien patron du Parti de la justice et du développement (PJD), de 2004 à 2008, El Othmani fait figure à 56 ans de sage au sein de la formation islamiste, où il reste très populaire. Né à Inezgane, ce psychiatre aux idées iconoclastes (il a défendu le droit à l’avortement sous conditions) est l’héritier d’une lignée réputée de lettrés du Souss et est lui-même diplômé d’études islamiques.

Jeune Afrique : L’envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental, Christopher Ross, a effectué une longue visite dans la région du 27 octobre au 15 novembre. Est-il désormais, selon vous, mieux disposé à l’égard du Maroc ?

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Saadeddine El Othmani : Tout d’abord, nous notons avec satisfaction la reconnaissance de la part de Christopher Ross qu’il y a eu des dépassements et des erreurs de jugement dans le rapport qui a été remis au Conseil de sécurité au printemps dernier. Ensuite, sur certains sujets, il y a une volonté de corriger ces dépassements et d’adopter un nouveau ton.

Faut-il comprendre que le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) ne sera pas étendu à la surveillance des droits de l’homme ?

Notre position est claire et constante. Le Maroc considère que la confusion entre le volet politique – les négociations, qui n’ont d’ailleurs pas avancé depuis 2007 en dépit de la proposition marocaine constructive, sérieuse et réaliste – et le volet des droits de l’homme est inacceptable. Nous sommes opposés à toute exploitation politicienne de cette question. J’ajouterai que le Maroc a eu le courage d’inviter une série de rapporteurs spéciaux et de diplomates onusiens à venir constater la situation sur son territoire. Nous attendons leurs rapports et sommes prêts à corriger tout abus qui pourrait être relevé. Mais cela n’a rien à voir avec la question politique.

Quel rôle peut jouer la diplomatie marocaine dans la crise malienne ?

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Le Maroc a des relations historiques, culturelles et populaires avec le Mali. Nous sommes en contact permanent avec tous les acteurs régionaux et internationaux, avec une très forte proximité de vues avec mon homologue Laurent Fabius. Nous soutenons la médiation de mon homologue burkinabè Djibrill Bassolé. Il serait illusoire de penser qu’on peut régler le conflit rapidement. Personne ne pourra régler la crise sans les Maliens.

Les relations entre le Maroc et l’Algérie ne montrent pas de signe de réchauffement. Pourquoi le sommet de l’Union du Maghreb arabe (UMA) a-t-il été reporté ?

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La construction de l’union du Maghreb est un choix stratégique, consacré par la Constitution. Nous allons poursuivre nos efforts, même si nous ne nous sommes pas mis d’accord sur la date. Mais nous voulons que ce sommet se tienne.

Quel rôle joue la diplomatie marocaine sur la question syrienne ?

Notre engagement est total pour mettre fin aux violences et lancer les bases d’une transition politique en Syrie. Les souffrances du peuple syrien doivent cesser. Ces questions seront au centre de la réunion du groupe des Amis du peuple syrien qui se tiendra à Marrakech le 12 décembre. Nous voulons, à cette occasion, recueillir une reconnaissance franche, et le plus large possible, pour la Coalition nationale syrienne.

Lors de la visite royale effectuée en octobre dans le Golfe et en Jordanie, les conseillers royaux ont paru prendre le pas sur le gouvernement. Qui dirige réellement la diplomatie marocaine ?

Il faut prendre garde aux analyses hâtives. Je dirige pleinement la diplomatie, sous l’autorité du chef du gouvernement et de Sa Majesté, directement. Depuis un an, aucun conseiller royal n’a empiété sur mon travail, et j’exerce de fait pleinement mes prérogatives de ministre des Affaires étrangères. Je dois préciser que c’est le ministère des Finances qui a préparé, avec tous les départements ministériels concernés, la visite que vous évoquez, mais c’est le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération qui menait les discussions politiques bilatérales et avec le Conseil de coopération du Golfe [CCG]. Le roi a son équipe de conseillers, et il m’arrive de consulter mon prédécesseur, Taïeb Fassi-Fihri, au titre de son expérience et de sa connaissance des dossiers. C’est tout à fait normal, et, si j’avais plus de temps, je le consulterais plus souvent.

Propos recueillis par Youssef Aït Akdim

Nota bene : Une erreur s’est glissée dans l’édition papier de cette interview (dans Jeune Afrique n°2707, du 25 novembre au 1er décembre 2012). Cette version est la bonne. Dans la première réponse, il faut bien lire : "Nous notons avec satisfaction la reconnaissance de la part de Christopher Ross qu’il y a eu des dépassements et des erreurs de jugement".

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