Crise malienne : Ansar Eddine change son fusil d’épaule

Ansar Eddine a fait mercredi 14 novembre d’importantes concessions, allant jusqu’à renoncer à imposer la charia dans tout le pays. Le mouvement islamiste tente ainsi de conjurer la menace d’une intervention armée africaine au Nord-Mali.

Iyad Ag Ghali © AFP

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Publié le 15 novembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Menacé par la perspective d’une intervention militaire, le mouvement islamiste armé Ansar Eddine change de cap. « Nous renonçons à l’application de la charia sur toute l’étendue du territoire malien, sauf dans notre région de Kidal (nord-est) où la charia sera appliquée en tenant compte de nos réalités », a déclaré Hamada Ag Bibi, membre d’une délégation d’Ansar Eddine présente à Ouagadougou.

Le porte-parole de cette délégation, Mohamed Ag Aharib, a fait encore un autre geste, qui dépasse le simple rejet du « terrorisme » proclamé la semaine dernière par les siens. Si des « négociations » sont engagées avec les autorités maliennes, « on peut envisager les voies et les moyens par lesquels on peut se débarrasser du terrorisme, du trafic de drogue et des mouvements étrangers », a-t-il en effet affirmé.

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Pour le groupe dirigé par Iyad Ag Ghali, essentiellement composé de Touaregs maliens comme lui, c’est un revirement spectaculaire, à la fois dans la doctrine et dans la stratégie. Ansar Eddine (Défenseurs de l’islam) occupe depuis avril le nord du Mali, une zone vouée aux trafics en tous genres, aux côtés des jihadistes étrangers d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et de ceux du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), une dissidence d’Aqmi. Les trois groupes y appliquent de façon très stricte la charia (amputations, lapidations…), commettant de nombreuses exactions sur les civils ainsi que des destructions de mausolées.

Ansar Eddine aurait demandé à Aqmi de quitter les villes du Nord.

Pour « débarrasser » la région du « terrorisme » et des « mouvements étrangers », Ansar Eddine aurait déjà, selon une source proche du dossier, « demandé à Aqmi de quitter les villes » du Nord où il est présent « et de regagner ses positions d’avant le début de la crise » en janvier.

« Aqmi et les étrangers » sont « les plus influents car ce sont eux qui contrôlent le trafic de la drogue », a affirmé le ministre des Affaires étrangères du Niger, Mohamed Bazoum, jugeant en revanche le Mujao en « crise » et en voie de « scission ».

Discussions Ansar Eddine – MNLA

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Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) a de son côté salué une « évolution positive et très encourageante » d’Ansar Eddine sur la charia, même s’il a souhaité qu’il renonce aussi à l’imposer à Kidal.

Le MNLA, rébellion touarègue dont certains éléments se revendiquent laïcs, est favorable à l’autodétermination mais a été évincé par les islamistes. Il va ouvrir « dans les prochains jours » des « discussions formelles » avec Ansar Eddine, a annoncé Mossa Ag Attaher, un haut responsable du MNLA à Paris. Selon lui, il faut que « les forces vives de l’Azawad (région du nord du Mali) parlent d’une même voix pour aller à des négociations politiques ».

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Ce changement de donne survient alors que la menace d’une intervention militaire africaine se précise : des dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et d’autres pays africains ont décidé dimanche à Abuja d’envoyer 3 300 militaires pour un an pour aider l’armée malienne à chasser les groupes islamistes du Nord.

Option militaire

Mardi, l’Union africaine a donné son aval à l’envoi de cette force. Le plan d’intervention militaire doit être transmis avant la fin novembre au Conseil de sécurité de l’ONU, pour qu’il donne son feu vert. Si l’option militaire se prépare activement, l’Afrique comme la communauté internationale continuent de pousser à une solution négociée. La présidente de la commission de l’UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, et le président français François Hollande, ont appelé à Paris, mercredi, à la poursuite du dialogue politique afin de convaincre des « groupes armés» de se détacher des « terroristes ».

–> Lire "Mali : de quells forces disposent les jihadistes"

Le recours à la force n’est pas sûr, mais « il est certain que nous devons nous y préparer », a déclaré le général Carter Ham, commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom), estimant entre « 800 et 1 200 hommes » le noyau dur des combattants islamistes occupant le Nord malien. Le Tchad, dont l’armée est rompue à la guerre en zone sahélienne, a fait savoir qu’il était prêt à participer à une force africaine. Quant à la Mauritanie, elle envisage, à l’instar de l’Algérie, de fermer ses frontières en cas d’intervention, afin d’éviter un repli des islamistes armés.

(Avec AFP)

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