Nord-Mali : pendant ce temps, Gao pleure

À l’heure des derniers préparatifs d’une offensive armée de la Cedeao pour déloger les islamistes du Nord-Mali, les villes occupées sombrent dans l’asphyxie économique. Exemple à Gao, où règnent en maître le Mujao et ses combattants venus de tous les horizons.

Le marché aux légumes de Gao, sous domination islamiste. © DR

Le marché aux légumes de Gao, sous domination islamiste. © DR

Publié le 13 novembre 2012 Lecture : 2 minutes.

La Cité des Askias suffoque, expliquent tous ses habitants joints au téléphone par Jeune Afrique ou rencontrés lors de leur retour en « zone libre ». Les habitants racontent le poids de plus en plus pesant de la domination jihadiste ; l’essoufflement, aussi, dû aux efforts fournis pour vivre, ou pour survivre, « alors que tout manque, rapporte Abdu, un commerçant. Les étals du marché « Washington » et de celui aux légumes, les deux lieux de ravitaillement de la ville, sont quasiment vides ou fermés. Les familles les plus démunies ne mangent plus qu’une fois par jour. »

De Bamako parviennent quelques sacs de riz envoyés par le Haut conseil islamique du Mali ou le Collectif des ressortissants du nord (Coren), une organisation de la société civile qui regroupe des déplacés. Le reste des vivres arrive par camion de l’Algérie : des pâtes alimentaires, de l’huile, du sucre, du lait en poudre…

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Nervosité des sentinelles

Comme à Tombouctou, le soutien économique des islamistes armés est désormais restreint ; l’électricité, jusqu’à récemment pourvue gratuitement 12 heures par jour, n’est plus disponible qu’entre 18 heures et minuit. Économie de guerre en vue de la reprise des affrontements ? « Aux portes de la ville, les bruits de tirs sont plus fréquents ces derniers jours, assure Abdu. La police islamique est nerveuse, les contrôles de routine sont plus pressants. La méfiance augmente à l’égard des populations. »

D’un côté, l’idée d’une guerre nous fait très peur. De l’autre, tout le monde attend que l’on chasse enfin les islamistes.

Abdu, commerçant de Gao

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Côté moral, les sentiments sont partagés. Tous savent qu’une intervention militaire d’envergure se profile. « C’est ambigu, souffle Abdu. D’un côté, l’idée d’une guerre nous fait très peur. De l’autre, tout le monde attend que l’on chasse enfin les islamistes. » Les récents mouvements militaires des rebelles ne rassurent pas les populations.

Comme d’autres jeunes Gaois, Cheick est retourné chez lui pour la fête de la Tabaski. « Gao a des allures de bastion, décrit le voyageur, de retour à la capitale. Les femmes doivent cacher leurs tresses et leurs parures sous les voiles intégraux imposés par les hommes d’Oumar [Oumar Ould Hamaha, dignitaire du Mujao à Gao, NDLR]. Une seule note de musique non religieuse peut entraîner des coups de bâton. Ils interdisent jusqu’aux sonneries de portable ! » s’insurge-t-il.

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Jihadistes occidentaux

Preuve de la paranoïa qui règne parmi les éléments du Mujao : l’arrestation, au lendemain de la Tabaski, de Mouss, cameraman malien venu de Bamako. Emmené devant les lieutenants du « gouverneur » du Mujao, Abdul Hakim, Mouss a « bien failli être égorgé ».

Les auteurs des menaces, « un Malien, un Espagnol, et deux Français », l’ont retenu huit heures durant dans leur salon. « Le plus violent est l’un des Français. Il revendiquait venir d’une famille chrétienne et être fier de combattre son pays pour faire régner un islam pur, radical. » Les images sont saisies, les appareils sont démontés. Mouss est fouillé « pour vérifier qu’il n’y a pas de traceur GPS dissimulé. » Finalement relâché « avec les excuses du chef, Abdul Hakim », Mouss embarque dans le premier car vers Bamako. Et quitte cette ville déliquescente dans un souffle de soulagement : lui, au moins, peut recouvrer la liberté.

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