Maroc : le festival Taragalte rend hommage à Tombouctou

Le festival Taragalte célèbre chaque année à M’Hamid el-Ghizlane, en plein désert marocain, la culture et la musique des nomades sahraouis. La quatrième édition, qui s’est tenue du 9 au 12 novembre, a été marquée par la solidarité des participants envers la ville martyre de Tombouctou, tombée aux mains des islamistes.

Hommage du Festival à la ville de Tombouctou tombée aux mains des islamistes. © Benjamin Roger

Hommage du Festival à la ville de Tombouctou tombée aux mains des islamistes. © Benjamin Roger

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Publié le 13 novembre 2012 Lecture : 4 minutes.

Un panneau en bois est planté dans le sable, en contrebas de la scène. Dessus, un message : « Taragalte rend hommage à Tombouctou, patrimoine de l’humanité ». Quelques mètres plus haut, le groupe malien Tartit envoute le public avec ses mélodies touarègues. Ses membres sont originaires des environs de la « ville aux 333 Saints ». Tous ont fuit leur région natale depuis la conquête du Nord-Mali par les groupes armés, au début de l’année 2012. Une moitié du groupe est réfugiée en Mauritanie, l’autre au Burkina-Faso. Ce concert est une de leurs rares représentations de ces neuf derniers mois.

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À Taragalte, l’une des rares représentations du groupe Tartit. (© Benjamin Roger)

Cette année, le festival Taragalte a permis aux musiciens de Tartit, ainsi qu’à d’autres artistes Maliens, d’oublier un peu leur détresse. Pendant trois jours, du 9 au 12 novembre, la musique et la culture nomade ont déferlé sur les dunes de M’Hamid el-Ghizlane, dernier village du Maroc de la vallée du Draa (province de Zagora). C’est ici, à l’entrée du Sahara marocain, que se tient depuis quatre ans le festival Taragalte, ancien nom de l’oasis locale.

"Tombouctou est dans notre cœur"

Comme le disent les habitants de M’Hamid, le Sahara n’a pas de frontières. Ils considèrent les Maliens du nord – et particulièrement ceux de Tombouctou, ancien épicentre du commerce caravanier – comme leurs « frères ». Pour les organisateurs du festival, il était donc évident de leur rendre hommage en cette période particulièrement difficile. « Tombouctou est dans notre cœur, c’est un symbole de notre culture nomade, explique Halim Sbaï, grand chef d’orchestre de Taragalte. On soutient les gens de là-bas à notre manière, en invitant des artistes de cette région à venir se produire chez nous ».

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Musiciens touaregs sur le site du festival Taragalte. (© Benjamin Roger)

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Outre les Touaregs de Tartit, Samba Touré, lui aussi originaire de la région de Tombouctou, était également à l’affiche. Autre personnalité culturelle malienne invitée cette année, Mohamed Aly Ansar, dit « Manny », fondateur et responsable du célèbre « Festival au Désert » de Tombouctou. Cette année, en raison des mauvaises conditions sécuritaires, son festival aura lieu sous une autre forme. « Nous allons organiser une "caravane pour la paix et pour l’unité nationale", explique-t-il d’une voix posée et déterminée. L’idée est d’aller récupérer les artistes Maliens réfugiés en Mauritanie et au Niger et de finir tous ensemble par un grand concert fin février à Oursi, près de Ouagadougou ». Après avoir longtemps hésité à maintenir le festival de Tombouctou, « Manny » se dit aujourd’hui prêt à aller au bout malgré les difficultés logistiques et sécuritaires. « Ce qui me motive le plus, c’est de faire passer le message de l’unité et de la tolérance », affirme-t-il, déplorant que la population n’ait jamais eu son mot à dire dans une crise qui selon lui la dépasse.

La chanteuse Oum, marraine de la quatrième édition de Taragalte. (© Benjamin Roger)

Sur la scène de Taragalte, les différents artistes présents ont aussi exprimé leur solidarité avec les habitants du Nord-Mali. Samedi soir, la chanteuse mauritanienne Noura Mint Seymali a, de sa puissante voix, rendu un vibrant hommage à Tombouctou. La star marocaine Oum (en photo ci-dessus) – par ailleurs marraine de cette quatrième édition – a quant à elle invité Fadimata Walett Oumar, leader du groupe Tartit, à venir sur scène. Ces quelques minutes de partage resteront comme un des moments forts du festival 2012.

Patrimoine et culture nomade

De la (bonne) musique donc, mais pas seulement. La défense du patrimoine local et de la culture nomade est l’autre objectif majeur de Taragalte. La plupart des festivaliers étaient accueillis dans des bivouacs touaregs, dispersés autour du site principal. Chaque jour leur étaient proposés des activités culturelles et écologiques en lien avec le désert : balade en dromadaire, promenade de sensibilisation à la désertification, plantation d’arbres, mais aussi conférences-débats ou exposition de produits locaux.

Au festival Taragalte, de la musique mais aussi des activités culturelles et écologiques en lien avec le désert. (© Benjamin Roger)

D’après les organisateurs, le nombre de participants était en hausse par rapport aux précédentes éditions. Il approcherait les 300, sans compter les dizaines de familles originaires de M’Hamid el-Ghizlane. Marianne, retraitée française de la région de Nantes, est venue avec son mari Bernard. Tous deux connaissent bien la région mais n’ont jamais participé au festival Taragalte. Elle en ressort totalement enthousiaste. « C’est formidable d’organiser ce genre d’événement au milieu du désert, s’exclame-t-elle. Ici, on a des échanges humains exceptionnels. J’ai par exemple été profondément touchée par l’histoire d’une des chanteuses maliennes du groupe Tartit, qui m’a raconté comment elle avait tout quitté il y a quelques mois mais qui faisait preuve d’une force intérieure bluffante… ». Grâce au festival Taragalte 2012, Marianne et les autres participants ont découvert la culture et la musique des nomades sahraouis. Ils ont aussi côtoyé de plus près le drame humain qui se joue actuellement à Tombouctou et au Nord-Mali.

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Benjamin Roger, (@benja_roger)

 

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