Bénin : Cotonou aux mains des forces de l’art
Du 8 novembre 2012 au 13 janvier 2013 se tient à Cotonou, Ouidah, Abomey et Porto Novo, la seconde édition de la biennale « Regard Bénin ». Immersion dans la capitale béninoise en pleine ébullition.
Comment parler d’art contemporain et le faire savoir à travers tout Cotonou ? Mieux que Facebook, mieux que l’antique « téléphone arabe », il existe le Zémidjan, populaire mototaxi de la capitale béninoise. Pour transmettre une information – certes, en la transformant parfois un peu – ils sont sans conteste les meilleurs. L’artiste béninois Meschac Gaba l’a bien compris. Alors, juste avant l’inauguration officielle de la seconde édition de la biennale « Regard Bénin », le plasticien a lancé à travers toute la ville une meute de Zémidjans aux plaques d’immatriculation bien particulières (voir la photo ci-dessous)… On pouvait en effet y lire des aphorismes du genre « Nœud cherche simplicité », « L’Afrique va bien », « Pour être suivi, il faut courir au milieu des autres », « Art is about imagining the world otherwise », « Art begins where nature stops » ou encore « L’artiste est celui qui nous ouvre les yeux ».
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La meute de Zémidjans aux plaques d’immatriculation bien particulières.
Un supermarché, un symbole
Précédés par les forces de l’ordre comme un cortège présidentiel, accompagnés de coups de klaxons et de force gaz d’échappement, les zémidjans habillés de leur habituel t-shirt jaune ont suscité sur leur passage rires, amusement et, parfois incompréhension. Avec cette « performance » urbaine pleine d’humour, Meschac Gaba entendait annoncer la création imminente, fin 2012, de son Musée de l’art et de la vie active (MAVA), une bibliothèque rassemblant des ouvrages consacrés à l’art contemporain.
Quelques heures plus tard, dans la même ville, la création venait faire la nique à la consommation en prenant possession d’un ancien supermarché Kora désaffecté. C’est en effet entre un ancien étal de boucher et des caisses enregistreuses que l’équipe de la Biennale Regard Bénin (du 8 novembre 2012 au 13 janvier 2013 à Cotonou, Ouidah, Abomey et Porto Novo) avait choisi d’exposer les œuvres des artistes invités pour l’exposition internationale. Beaux symbole que cette course à travers la ville et ce lieu autrefois consacré au commerce : une manière de dire que l’art appartient à tous et qu’il est une richesse – voire une matière première – essentielle.
Venus de différents coins du monde, mais surtout d’Afrique, les plasticiens invités par le directeur artistique marocain Abdellah Karroum (secondé par Didier Houénoudé, Anne Szefer Karlsen, Oliver Marboeuf et Claire Tancons) étaient censés plancher sur le thème « Inventer le monde : l’artiste citoyen ». Il va sans dire qu’en bons rebelles, ils s’en sont très librement affranchis, explorant leurs propres angoisses et exprimant leurs propres réflexions. Le Béninois Aston s’est particulièrement fait remarquer – il a d’ailleurs reçu pour son travail les 2 millions de FCFA du Prix du président de la République – en offrant une interprétation très personnelle de la Solution finale. Produite par la Fondation Zinsou, l’œuvre gigantesque s’étale sur une immense table et figure l’Holocauste avec cette particularité : les Juifs sont représentés à l’aide de mégots de cigarette, les trains avec des boites de conserve découpées, les rails avec des allumettes, tandis que toutes sortes de rebuts en plastique servent à figurer les chambres à gaz, les fils de fer barbelés, etc. Cendrier géant singulièrement animé, l’œuvre en a laissé pantois plus d’un.
La "Solution finale" d’Aston.
"Carrefour des arts visuels"
Les deux autres prix attribués ont couronné le travail du photographe Nestor Da (Prix d’encouragement de l’Institut français, 1,3 millions de FCFA) et celui d’Emeka Okereke (Prix d’Institut français, 2 millions de FCFA). Des distinctions qui n’effacent en rien la qualité – forcément inégale – des autres œuvres exposées. Directeur exécutif de la biennale, le peintre et plasticien Dominique Zinkpé offrait notamment un magnifique (et très aérien) avion composé de centaines de statuettes de jumeaux pendues par des fils au plafond de l’ancien centre commercial (Afrique arrive). À juste titre, Zinkpé pouvait affirmer avoir contribué à faire pour quelques semaines du Bénin un « carrefour des arts visuels ». Et pas sans douleur puisque qu’avant d’aboutir, la Biennale a connu les difficultés des désaccords et des scissions.
Peu importe aujourd’hui : le résultat tangible, c’est que les efforts entrepris en faveur de l’art, il y a maintenant quelques années, par la Fondation Zinsou, portent leurs fruits. Trop vaut mieux que pas assez, la Biennale essaime et se décentralise en dehors de Cotonou, les artistes montent leurs lieux d’exposition (Espace Tchif) ou de résidence (lieu Unik de Zinkpé à Abomey) et les associations d’artistes se multiplient. Reste à espérer que le public vienne en nombre…
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Nicolas Michel, envoyé spécial à Cotonou.
– Seconde édition de la Bienale d’art contemporain « Regard Bénin », du 8 novembre 2012 au 13 janvier 2013 à Cotonou, Ouidah, Abomey et Porto Novo. En partenariat avec « Jeune Afrique » et l’Institut français.
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