RDC – Julien Paluku : « Le M23 rançonne les opérateurs économiques »
Le gouverneur de la province du Nord-Kivu (est de la RDC), Julien Paluku, revient sur ses récentes décisions prises pour lutter contre la criminalité à Goma et sur les menaces que les rebelles de l’Armée révolutionnaire du Congo (ARC), ex-M23 (Mouvement du 23 mars) font planer sur la ville.
Jeune Afrique : Pourquoi avoir ordonné, le 22 octobre, la fermeture de la frontière entre la RDC et le Rwanda, entre 18 heures et 6 heures ?
Juilen Kahongya Paluku : C’est une mesure que le gouvernement congolais a mise en place pour lutter contre la hausse de la criminalité. Les informations en notre possession ont montré que beaucoup de personnes qui déstabilisent la ville traversent la frontière la nuit. Nous avons également établi des liens entre les responsables de meurtres à Goma et des criminels de Rubavu [anciennement Gisenyi]. Il appartenait donc au gouvernement de prendre des mesures pour limiter les horaires de passages à la frontière.
La proximité avec le Rwanda est-elle le seul responsable de la hausse de la criminalité à Goma ? Les FARDC sont-elles exemptes de tout reproche ?
Non, il y a effectivement des pratiques qui relèvent de l’indiscipline au sein de nos forces armées et de police. Mais la difficulté, c’est que les rebelles du M23 [rebaptisés ARC] sont d’anciens éléments des FARDC et qu’ils ont encore des partisans au sein de nos forces. C’est ce qui rend la maitrise de l’insécurité difficile. Beaucoup de gens disent être du côté du gouvernement alors qu’ils soutiennent le M23 et servent ses intérêts. Mais nous sommes en train de les identifier et contrôlons l’infiltration venant des zones tenues par la rébellion. Il y a déjà des éléments des forces armées qui ont été déférés devant l’auditeur général pour complicité avec l’ennemi.
Vous avez également interdit l’utilisation des motos-taxis le soir. Certains habitants de Goma ont exprimé leur mécontentement…
Nous ferons l’évaluation dans deux ou trois mois, et si les réseaux criminels ont été démantelés, on pourra alors rétablir les choses.
Nous comprenons les inquiétudes. Mais il y avait des choix à faire. Il y a deux semaines, on a enregistré plus de dix morts. Le moindre mal était de limiter la circulation. Nous ferons l’évaluation dans deux ou trois mois, et si les réseaux criminels ont été démantelés, on pourra alors rétablir les choses. Nous voulons également ouvrir un fichier pour régulariser la situation des motos-taxis à Goma. Nous allons faire en sorte que ne puissent être conducteur que des personnes enregistrées et pas des gens dont l’identité n’est pas bien connue.
Ne craignez-vous pas que ces décisions nuisent à l’activité économique de la ville ?
La fermeture de la frontière durant la nuit n’aura pas de conséquence économique. Elle n’était ouverte 24 heures sur 24 depuis un an. Il s’agissait d’une phase expérimentale, conséquence du rétablissement des bonnes relations diplomatiques avec le Rwanda [à la suite à d’une recommandation de la Communauté économique des pays des Grands lacs (la CEPGL), dans le cadre de la relance des activités entre le Burundi, le Rwanda et la RDC, NDLR]. Nous revenons seulement à la situation antérieure.
En revanche, la guerre a des conséquences économiques et provoque un ralentissement des activités. La zone que contrôle la rébellion est un point de passage fréquenté de la province du Nord-Kivu. Il y a un ralentissement économique parce que les hommes du M23 ont installé des barrages et rançonnent les opérateurs économiques. Nous estimons que le M23 récupère entre 10 et 20 000 euros par jour. C’est argent leur permet de survire et d’entretenir des réseaux mafieux. C’est pour cela que nous militons pour la mise en place d’une force neutre.
Le M23 profite également du contrôle qu’il a sur les postes frontaliers avec l’Ouganda…
Le gouvernement ougandais continue de laisser des véhicules de marchandises circuler vers les zones contrôlées par le M23.
Nous avons fermé le poste frontalier de Bunagana. Mais ce qui est étrange, c’est que, malgré cette fermeture, le gouvernement ougandais continue de laisser des véhicules de marchandises circuler vers les zones contrôlées par le M23, qui perçoit des taxes. C’est ce qui amène l’opinion à douter de la sincérité de l’Ouganda.
Faut-il s’inquiéter de la situation humanitaire et sanitaire dans la ville de Goma ?
La guerre a des conséquences humanitaires. On nous a signalé à un certain moment des cas de choléra que nous avons rapidement maîtrisés. C’est au niveau des camps de déplacés que nous sommes confrontés à énormément de problèmes de santé et de prise en charge. Il y a entre 200 et 300 000 déplacés à une dizaine de kilomètres de la ville. Cette promiscuité amène un certain nombre de maladie. Il est donc important que les gens rentrent chez eux.
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Propos recueillis par Vincent Duhem
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