Intervention au Mali : dans quelques mois ou « quelques semaines » ?

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a-t-il eu raison d’affirmer, mardi 16 octobre, qu’une intervention militaire africaine pour libérer le Nord-Mali n’était plus qu’une question de semaines ? Entre bruits de bottes et contingences opérationnelles, la réalité paraît plus nuancée…

Une partie de l’armée malienne a besoin de formation pour intervenir dans le Nord désertique. © DR

Une partie de l’armée malienne a besoin de formation pour intervenir dans le Nord désertique. © DR

Publié le 16 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Dix-huit mois pour les plus pessimistes, cinq mois pour les plus optimistes et voici maintenant que Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense français, annonce à la chaîne publique France 2, le 16 octobre : « C’est une question de quelques semaines, pas plusieurs mois, des semaines » avant une intervention armée dans le septentrion malien.

Quelques semaines seulement, comme l’indique le ministre ? Aventurons-nous dans le futur : les 45 jours dédiés à la planification, selon la résolution de l’ONU, se sont écoulés ; le but politique de l’intervention est clair, son concept opérationnel également. Les responsables de l’ONU en prennent connaissance et les acceptent en état, puis le Conseil de Sécurité vote une résolution qui autorise le déploiement d’une force militaire. Ladite opération commence alors.

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Sur le papier, c’est simple et affirmer que tout ira vite ne mange pas de pain. Mais si l’on observe la situation sous l’angle pratique, la rapidité d’une intervention est actuellement aussi peu crédible que la force sensée la mener. Premier facteur qui conditionnera la diligence de l’intervention : la réactivité de l’ONU. Or, le « Machin », comme l’appelait de Gaulle, brille davantage par sa pesanteur. Sous réserve qu’il ne demande aucune modification du plan remis, le vote d’une autre résolution entérinant l’usage de la force n’aura pas immédiatement lieu : plusieurs longs jours seront nécessaires.

Si l’on observe la situation sous l’angle pratique, la rapidité d’une intervention est actuellement aussi peu crédible que la force sensée la mener.

Accueil des troupes

Ensuite, le déploiement des troupes pourra être mené à bien, avec toutefois une interrogation : tous les contingents seront-ils alors prêts au moment voulu ? Probablement pour des pays comme le Nigeria, voire l’Afrique du Sud si elle s’implique, mais quid des autres ? En outre, le Mali sera-t-il en mesure de les accueillir dans de bonnes conditions, avec des infrastructures et un réseau logistique en état, susceptibles de répondre aux besoins quotidiens des unités de cette coalition ?

Enfin, il faudra assembler les différentes troupes combattantes autour d’une chaîne de commandement dans laquelle seront probablement représentés chacun des États participant. Si par exemple une résolution était votée le vendredi 14 décembre, l’ensemble de la Micema serait-elle sur le terrain le lundi 17, pour une intervention le mardi 18 ? Non ; difficile d’imaginer que tout sera alors parfaitement en place et qu’aucun délai supplémentaire ne viendra s’ajouter aux deux mois de planification…

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Déploiement et formation

Il faudra encore plusieurs semaines pour déployer les forces qui sécuriseront les installations, si elles existent : aéroports, camps, parcs de matériels, dépôt de vivres, de carburant, de munitions, pour éventuellement reconditionner les véhicules débarqués des avions-cargos. Enfin, qu’en sera-t-il de l’armée malienne ? La débandade du début de l’année implique de ré-entraîner et ré-équiper les unités, de former les nouvelles recrues qui, sans cela, ne seront rien de plus que de la « chair à mitrailleuses » pour les « combattants d’Allah ». Cette tache exige beaucoup de temps, ainsi que la présence de nombreux instructeurs…

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Alors, quelques semaines et non des mois comme l’affirme Jean-Yves le Drian ? Même avec un soutien massif des Européens, et plus spécifiquement des Français, cela paraît inenvisageable. Ou alors, il reviendra à la France de pallier en partie les carences de la Micema, pour une action avant que cette dernière ne soit opérationnelle. Nul besoin d’avoir des troupes (visibles) au sol pour mener une campagne exclusivement aérienne, du moins au début, et donner ainsi l’impression que ce sont les unités au sol qui fournissent l’essentiel de l’effort.

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