France – Afrique : le texte du discours de Dakar prononcé par François Hollande
Discours du Président de la République française François Hollande devant l’Assemblée nationale sénégalaise, le 12 octobre 2012.
Discours du Président de la République
Dakar, Assemblée nationale
12 octobre 2012
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les membres du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les membres du corps diplomatique,
Mesdames et Messieurs,
C’est un honneur que vous me faites en m’invitant à m’exprimer au sein de votre Assemblée nationale. J’y vois un double symbole. Le premier, c’est le symbole de la vitalité de votre démocratie. Le second, c’est la singularité du lien qui unit nos deux pays.
J’effectue ici, à Dakar, mon premier déplacement en Afrique depuis mon élection à la Présidence de la République française. Ce choix est celui de l’Histoire. Mais il est surtout et avant tout le choix de l’avenir.
L’histoire que nous avons en commun, elle est belle, elle est rebelle, elle est cruelle. Une histoire qui nous lègue une langue en partage, mais aussi une culture politique en commun : la démocratie.
Je pense en cet instant à Blaise DIAGNE, et à ses successeurs, qui ont activement participé aux travaux du Parlement français après la guerre. Je pense à Léopold SEDAR-SENGHOR qui fit partie, non seulement du gouvernement de la République française, mais du Comité qui fut chargé en 1958 de réfléchir et d’élaborer la Constitution de la Vème République. Je suis donc doublement en dette devant vous. Avec vos représentants Sénégalais, vous avez contribué à la République française et même à la Constitution qui me permet d’être aujourd’hui, Chef de l’Etat. Notre histoire est aussi celle d’une fraternité. Celle de combats menés ensemble.
La France se souvient qu’en 1914 et 1940, elle a pu compter sur le concours de nombreux sénégalais enrôlés de gré ou de force sous le drapeau tricolore et dont le courage a permis à notre pays d’être celui qu’il est aujourd’hui. Par deux fois au cours du dernier siècle dernier, le sang africain a été versé pour la liberté du monde. Je ne l’oublierai jamais.
Cette histoire, notre histoire, a aussi sa part d’ombre. Comme toute Nation, la France se grandit lorsqu’elle regarde lucidement son passé.
Je serai cet après-midi avec le Président Macky SALL sur l’Ile de Gorée pour rendre hommage à la mémoire des victimes de l’esclavage et de la traite négrière, en présence d’élus des Outre-mer français dont j’ai souhaité la présence à mes côtés. L’histoire de l’esclavage, nous devons la connaître, l’enseigner et en tirer toutes les leçons pour que l’exploitation des êtres humains puisse être combattue avec la plus grande énergie, parce que c’est l’idée même de l’humanité que nous avons en partage. A la Maison des esclaves, qui fait face à l’océan Atlantique, je ne m’inclinerai pas seulement devant l’histoire, devant ces hommes, ces femmes, ces enfants emmenés de force pour être esclaves : mais je m’engagerai aussi pour la dignité humaine partout où elle est blessée et vous serez avec moi dans ce combat.
La part d’ombre de notre histoire, c’est aussi la répression sanglante qui en 1944 au camp de Thiaroye provoqua la mort de 35 soldats africains qui s’étaient pourtant battus pour la France. J’ai donc décidé de donner au Sénégal toutes les archives dont la France dispose sur ce drame afin qu’elles puissent être exposées au musée du mémorial.
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Mais la meilleure raison, la plus sûre raison même de ma présence ici, c’est que je veux vous parler de l’avenir. L’avenir du Sénégal, l’avenir de l’Afrique.
Le Sénégal, votre pays, votre République est un exemple.
Les trois premiers présidents sénégalais ont su, dans leurs diversités, transmettre, tous, le flambeau à leur successeur, permettant à votre pays, et soyez en fiers, de réussir des alternances sans déchirement. Votre Assemblée, ici, devant laquelle je m’exprime, est l’une des seules du continent à avoir exercé la totalité de ses droits, sans interruption, depuis l’indépendance.
Et quand je vois, sous mes yeux, le nombre de femmes, présentes ici comme représentantes du peuple sénégalais –un rapport qui a doublé par rapport aux dernières élections- cela m’inspire beaucoup de modestie, parce qu’en France nous ne sommes pas encore à votre niveau, même s’il y a eu quelques progrès. Voilà ce qui nous rassemble, Mesdames et Messieurs les députés.
Le respect des droits de l’Homme, l’égalité devant la loi, la garantie de l’alternance, les droits des minorités, la dignité de la femme, la liberté religieuse : autant de valeurs universelles ancrées chez vous et qui doivent s’épanouir dans toute l’Afrique.
Je ne suis pas venu ici, à Dakar pour montrer un exemple, pour imposer un modèle, ni pour délivrer une leçon.
Je ne suis pas venu ici, à Dakar pour montrer un exemple, pour imposer un modèle, ni pour délivrer une leçon. Je considère les Africains comme des partenaires, comme des amis. L’amitié crée des devoirs : le premier d’entre eux est la sincérité. Je veux leur parler librement, directement, le faire sans ingérence, mais avec exigence.
La démocratie vaut pour elle-même, partout. Aucun pays, aucun continent, ne peut en être privé. Mais elle vaut aussi pour ce qu’elle permet, pour ce qu’elle apporte. Il n’y a pas de vrai développement économique, ni de vrai progrès social sans démocratie.
J’ai une conviction profonde : si l’Afrique, berceau de l’humanité, parvient à vivre et à faire vivre pleinement la démocratie, partout et pour tous, si elle réussit à vaincre ses divisions, alors l’Afrique sera le continent où se jouera l’avenir même de la planète.
L’Afrique est portée par une dynamique démographique sans précédent : la population au sud du Sahara doublera en l’espace de quarante ans –pour atteindre près de 2 milliards de femmes et d’hommes en 2050. Le nombre d’habitants aura été multiplié par dix en un siècle : c’est un changement sans équivalent dans l’histoire même de l’humanité. L’Afrique est la jeunesse du monde.
Elle est aussi une terre d’avenir pour l’économie mondiale. La croissance y est supérieure à beaucoup de croissances des pays dits développés, cette croissance a été ces dernières années toujours à un rythme plus important et elle vous permet, même si c’est difficile, d’accéder à de nouveaux marchés, à de nouveaux produits. Les besoins d’infrastructures sont considérables. La qualité de son agriculture, ses ressources naturelles, ses richesses minières, ce continent a tous les atouts pour être demain le continent de la croissance, du développement et du progrès. Il y a en Afrique un potentiel exceptionnel. Les paysans, les artisans, les étudiants, les entrepreneurs, les savants constituent une ressource formidable pour votre avenir.
Les grands pays se tournent vers l’Afrique et investissent massivement. Vous n’avez pas à avoir peur de cet intérêt nouveau. Vous pouvez vous en méfier, il peut y avoir des prédateurs. Vous devez être conscients que vos institutions, vos pratiques, vos capacités vous permettront de guider, d’orienter ces capitaux dans votre propre intérêt.
Permettez-moi le discours de la franchise. Votre défi, c’est de renforcer la place de votre continent dans la mondialisation. C’est de donner une finalité plus humaine à ce monde, de prendre votre place, d’assumer votre responsabilité. Aucun enjeu planétaire ne pourra se faire sans l’Afrique. Toutes les réponses essentielles passent déjà par votre continent : l’économie, les matières premières, l’environnement, l’énergie, la gouvernance mondiale. Dans toutes les grandes négociations internationales, sur ces sujets, la France et l’Europe mais aussi l’Afrique partagent la même vision de l’avenir.
Je vous fais, ici, une promesse, dans ces grandes négociations qui ont lieu aujourd’hui sur le commerce, sur le climat, sur les questions économiques, vous êtes notre premier partenaire et la France sera votre premier allié. Le devoir d’un pays comme le mien, c’est de vous accompagner dans les domaines d’avenir, pas simplement les ressources naturelles mais aussi l’agro-alimentaire, les télécommunications, les services.
À lire aussi : le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar en 2007.
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C’est vers cette Afrique de demain que je suis tourné, c’est vers cette Afrique de demain que je viens ici au Sénégal. Le changement viendra d’abord et avant tout des peuples. Les africains ont pris leur destin en main et ce mouvement ne s’arrêtera pas.
Chaque pays en Afrique connait son propre dynamisme et parfois connait des rechutes. Chaque pays adapte ses institutions à ses réalités. Chaque pays est chahuté par des mouvements qui contestent les frontières issues de la colonisation. Mais au-delà de toutes ces turbulences, j’ai confiance. L’Afrique est en marche et les principes sur lesquels elle peut fonder son développement sont ceux-là même que vous portez ici au Sénégal.
Le premier de ces principes auxquels j’adhère, c’est la transparence. Vous avez raison d’exiger de toutes les entreprises qui viennent ici investir chez vous ou occuper des positions d’être transparentes et de pouvoir rendre des comptes chaque fois qu’il est nécessaire.
Le second principe c’est la bonne gouvernance. C’est une condition de la stabilité, de la sécurité et de la probité. C’est pourquoi je salue ici l’initiative du Président Macky SALL de lancer une opération de récupération des biens mal acquis. La France n’y fera pas obstacle, jamais. La lutte contre la corruption, les abus financiers, contre l’impunité est l’affaire, non pas de l’Afrique, c’est l’affaire de tous. Nous devons être intraitables face à ceux qui pourraient se croire autorisés à voler les deniers de leur propre pays, mais aussi être implacables face à ceux qui viennent chercher des contrats en ne négligeant aucun moyen de pression ou d’influence.
Le troisième principe c’est l’égalité. Car si l’Afrique se développe à un bon rythme, si sa croissance est particulièrement dynamique, le nombre de pauvres, lui, ne cesse de progresser à mesure que la population elle-même augmente. Près de la moitié des pays du continent sont en passe d’atteindre, et c’est votre fierté, les objectifs du Millénaire. Mais trop nombreux sont ceux qui restent au bord du chemin. La question des inégalités, est, pour vous comme pour nous, pour le Sénégal comme pour la France, au cœur du message que nos peuples attendent de nous.
Et notamment les femmes qui en Afrique constituent une formidable force de changement et de transformation. Plus nombreuses que par le passé à s’impliquer dans la vie économique et sociale, elles jouent un rôle majeur auprès de la jeunesse africaine qui représentera les deux tiers, bientôt, de la population du continent.
Voilà, ce que je voulais vous dire : confiance en vous, fierté de ce que vous avez déjà accompli, ouverture aux autres et certitude que vous êtes sur le bon chemin, que l’Afrique est un continent d’avenir. Mais en même temps je n’ignore rien des menaces auxquelles vous faites face et des périls qui sont autour de vous.
Je pense particulièrement au Mali, victime de groupes extrémistes qui font régner la terreur dans le Nord. C’est votre sécurité qui est en jeu, c’est aussi la nôtre, celle de l’Europe qui connait la valeur inestimable de la paix pour laquelle elle a obtenu aujourd’hui même le Prix Nobel.
Cette Europe qui a fait la paix, qui fait la paix, cette Europe, elle doit aussi faire la paix et vouloir la paix en Afrique chaque fois qu’il y a un conflit et du terrorisme. Elle sera derrière vous. Mais c’est vous, les Africains, qui aurez la responsabilité de décider ce qui est bon pour votre propre sécurité.
Le futur de l’Afrique se bâtira par le renforcement de la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises que le continent traverse.
Le futur de l’Afrique se bâtira par le renforcement de la capacité des Africains à gérer eux-mêmes les crises que le continent traverse.
Les organisations telles que la CEDEAO et l’Union africaine se sont imposées dans le traitement d’un certain nombre de conflits.
C’est très encourageant. L’engagement des armées africaines dans le maintien de la paix, au sein des Casques Bleus en est la preuve. Je pense au courage des Burundais, des Djiboutiens, des Ethiopiens, des Kényans et des Ougandais qui payent un lourd tribut pour libérer la Somalie. Je salue ici les soldats sénégalais engagés dans des opérations de maintien de la paix difficiles, en Côte d’Ivoire, en Guinée-Bissau, en RDC et au Soudan. Merci au Sénégal.
Aujourd’hui, c’est la crise que connaît le Nord du Mali, occupé et violenté, qui doit nous fédérer. On en connaît les causes, elles sont multiples. Les pratiques maffieuses des groupes terroristes, les erreurs qui ont marqué la fin de l’intervention en Libye, et notamment le manque de contrôle des armes, les trafics de drogue qui ont corrompu une partie de l’économie malienne, mais qui menacent, on le sait bien, une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest. Il y a aussi une insuffisance du développement économique au Sahel, qui a nourri le désespoir. Je connais tout ça. Y compris l’absence de mise en œuvre effective des accords passés qui auraient dû conduire à une coexistence harmonieuse entre les communautés du Mali.
Mais sommes-nous là pour faire des analyses, pour essayer de comprendre, ou pour prendre nos responsabilités ? Les horreurs actuelles ne peuvent plus se poursuivre. Comment accepter ces mausolées profanés, ces mains coupées, ces femmes violées ? Comment tolérer que des enfants puissent être enrôlés de force par des milices, que des terroristes viennent dans cette région pour ensuite semer la terreur ailleurs ? La France, je l’ai dit aussi, à travers ses ressortissants dans cette région, a été attaquée et agressée.
Le Mali a fait appel à la communauté internationale et demande un soutien. Nous devons le lui apporter, avec la CEDEAO, avec l’Union africaine. L’Organisation des Nations Unies, à notre initiative mais aussi à l’initiative de bien des pays européens, est désormais prête à apporter aussi une base légale. Au moment même où je m’exprime, une résolution au Conseil de sécurité est en train d’être délibérée. Elle permettra de donner un cadre légal à ce que les Africains décideront eux-mêmes d’engager.
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Chers amis,
Je vous ai parlé de votre avenir, de vos capacités, de vos atouts. Des menaces aussi. Des responsabilités qui sont les vôtres.
Mais je veux, maintenant, vous dire ma volonté de renouveler la relation entre la France et l’Afrique.
Le temps de ce qu’on appelait autrefois « la Françafrique » est révolu. Il y a la France et il y a l’Afrique. Il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, sur la clarté et sur la solidarité.
Le temps de ce qu’on appelait autrefois « la Françafrique » est révolu. Il y a la France et il y a l’Afrique. Il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, sur la clarté et sur la solidarité.
La clarté, c’est la simplicité dans nos rapports d’Etat à Etat.
Les émissaires, les intermédiaires, les officines trouvent désormais porte close à la Présidence de la République française comme dans tous les Ministères.
La clarté, c’est dans la constitution du Gouvernement, que j’ai décidé de former, la décision que j’ai prise de remplacer le Ministère de la Coopération par celui du Développement placé auprès du Quai d’Orsay, indiquant ma conviction que nous devons gérer ensemble les grands défis de l’humanité, les changements climatiques, la question des maladies, le développement solidaire. Bref, ce qui compte aujourd’hui, ce qui est espéré de la France ce n’est pas une coopération, c’est un développement.
Le respect, c’est aussi la franchise. Elle doit être réciproque. Je ne cèderai pas à la tentation de la complaisance, et je n’en attends pas non plus en retour de la part de l’Afrique. Nous devons tout nous dire. Ce que nous pensons, ce que nous croyons, ce qui est utile.
Cette sincérité, elle vaut en particulier pour le respect des valeurs fondamentales : la liberté des médias, l’indépendance de la justice, la protection des minorités. Car, sans Etat de droit il ne peut y avoir de fonctionnement normal de l’Etat, ni d’investissement durable des entreprises, ni de société en paix. Nous devons être particulièrement engagés dans la lutte contre les violences. Violences faites aux enfants, violences faites aux femmes, violences faites aux personnes déplacées. Voilà le message que nous devons faire passer ensemble, français et africains.
Le respect, c’est une définition parfaitement claire de la présence militaire française en Afrique. Celle-ci ne pourra se poursuivre que dans un cadre légal et transparent. Ainsi, l’accord de défense entre la France et le Sénégal a récemment été revu. Il sera rapidement ratifié dans nos deux pays, dans nos deux Parlements. Il en sera de même partout, et ces accords de défense ne contiendront plus de clauses secrètes. J’irai au bout de cette démarche, car je veux aussi tirer tous les enseignements des crises que nous devons affronter ou que nous avons traversées. Nous n’avons pas besoin de forces statiques en Afrique, nous avons besoin de forces réactives, capables de s’adapter et de privilégier une réponse plutôt que simplement une présence. C’est dans cet esprit que sera définie la nouvelle politique de défense de la France.
Je vous ai parlé de clarté, je vous ai parlé de respect. Je veux vous parler de solidarité.
La solidarité, c’est le développement.
L’Afrique sub-saharienne est la première priorité de la politique de la France, puisqu’elle concentre plus de la moitié de notre effort budgétaire. Mon pays est particulièrement actif pour défendre les intérêts de l’Afrique dans les institutions multilatérales. Mais le partenariat franco-africain ne peut pas, ne doit pas se limiter aux seuls Etats.
Il associera donc les ONG davantage qu’aujourd’hui, les collectivités locales. Et puis aussi tous ceux qui, entrepreneurs, veulent participer avec les sociétés civiles à ce que nous avons à faire ensemble. Il faut en terminer avec ces relations d’Etats à Etats qui ignorent les peuples et les sociétés.
La solidarité, c’est aussi d’aller chercher de nouveaux financements, ce que j’appelle les financements innovants, pour trouver de nouvelles ressources et les mettre au service de projets futurs.
Au niveau européen, une taxe sur les transactions financières sera bientôt en place dans onze pays. Pour la France, 10 pour cent du produit de cette taxe ira au développement et à la lutte contre les pandémies qui meurtrissent votre continent. Je pense au paludisme, à la tuberculose, au Sida. Nous allons avec cette taxe sur les transactions financières montrer une nouvelle fois l’exemple. L’exemple de ce que nous pouvons faire pour limiter l’influence de la finance. L’exemple de ce que nous devons faire pour utiliser les ressources au service du développement.
La solidarité, elle ne peut être simplement qu’une affaire de finance et d’échange de moyens matériels ! La solidarité, c’est aussi l’échange entre des hommes et des femmes qui veulent circuler. J’entends mettre fin à ce paradoxe absurde, qui fait que la France dans un passé récent, ait trop souvent fermé la porte à ceux-là même qui voulaient y créer des emplois, y développer des échanges, participer à l’effort de recherche ou de création artistique ! Je souhaite donc que les procédures administratives soient simplifiées pour les étudiants, dès lors qu’ils sont motivés, talentueux, capables de subvenir à une grande part de leurs besoins.
Je veux aussi que les artistes, les créateurs ne soient pas contraints de renoncer à un déplacement en France faute d’obtenir un visa. J’ai entendu le message de votre Ministre de la Culture, Youssou N’DOUR. C’est parce que j’ai entendu ce message que nous allons améliorer nos procédures, tout en étant responsables sur la maîtrise de notre immigration.
La solidarité, c’est, aussi, la consolidation de la zone franc. Vous êtes attachés à cette zone de stabilité monétaire. Vous savez ce que vous lui devez, c’est-à-dire d’avoir été capables de créer, vous aussi, une union de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale, qui a permis une intégration et une stabilité. Mais, en même temps, est-ce que nous ne pourrions pas réfléchir ensemble, pays de la zone franc et la France, à assurer de manière plus active la gestion des réserves, des monnaies, de façon à ce que nous puissions les utiliser pour la croissance et pour l’emploi ? Voilà l’enjeu de la relation entre la France et l’Afrique : développement des économies, un niveau supérieur dans nos échanges, une conception commune de nos responsabilités, des valeurs que nous portons, des exigences que nous posons.
Pour amplifier encore la croissance et le développement, je veux établir entre l’Europe et l’Afrique des relations économiques et commerciales plus équitables. Je considère que la position des pays africains dans la négociation des Accords de partenariat économique n’a pas été assez prise en compte. Cette discussion s’est enlisée. Je suis favorable à ce que nous la relancions sur de nouvelles bases, avec des conditions de calendrier et de contenu plus favorables pour les pays africains. Vous devez prendre votre part, dans les échanges, dans les négociations internationales. La France vous y aidera !
Nous voulons permettre aux Etats africains de négocier de meilleurs contrats avec les multinationales étrangères, et notamment dans le secteur minier. C’est la raison pour laquelle mon pays a mis en place, avec la Banque mondiale, une facilité financière pour renforcer l’assistance juridique aux pays africains dans la négociation de leurs contrats. Il s’agit de permettre aux pays d’Afrique de percevoir un juste prix pour les ressources qui sont prélevées sur leur territoire.
Ici au Sénégal, mes chers amis, ces principes se traduisent par la volonté de la France d’être toujours à vos côtés. C’est la raison pour laquelle j’ai accordé en juillet dernier à votre pays une aide budgétaire exceptionnelle de 130 millions d’euros, pour répondre aux urgences que je connaissais et qui obligeaient la France. Il ne s’agissait pas de générosité, il s’agissait de solidarité, il s’agissait de compréhension. Vous savez l’importance que j’accorde à la relation entre nos deux pays.
Je salue ce que vous avez voulu faire avec le Président Macky SALL en donnant la priorité à la jeunesse. Priorité à la jeunesse, ce fut aussi le thème de ma campagne présidentielle en France. Je sais ce qu’elle représente ici au Sénégal et partout en Afrique. Je comprends donc votre exigence, votre impatience. Tout à l’heure, nous visiterons avec le Président SALL, l’un des 3 centres de formation professionnelle que l’Agence Française de Développement a récemment financé à Dakar. La France continuera d’agir dans cette direction pour renforcer votre potentiel en matière d’éducation, de qualification. Nous agirons pour la rénovation de collèges publics dans l’académie de Dakar. Nous sommes conscients aussi que les jeunes africains veulent être mieux formés, ici dans leur propre pays, avec de grandes universités parce qu’il y a besoin de grandes universités africaines avec des centres de recherches pour que vous puissiez faire étudier, ici, vos enfants. Ce qui n’empêchera pas qu’ils puissent se déplacer pour nous apporter leurs concours et le produit de leur travail. Mais c’est ici que leur formation doit être faite et c’est ici que les jeunes qui sortiront de vos écoles, de vos universités, partout en Afrique et au Sénégal, devront trouver l’emploi qu’ils recherchent.
Nous développer ? Oui, sans doute, mais également partager. Partager une culture, partager une langue.
A travers l’éducation, à travers une conception de la santé, à travers les transports, les infrastructures que nous voulons développer, bref tout ce qui permet la mobilité, l’échange, la communication — qu’est-ce que nous voulons faire ? Nous développer ? Oui, sans doute, mais également partager. Partager une culture, partager une langue.
Parce que, ce qui nous unit aussi, c’est la francophonie, cette communauté qui permet de mieux se comprendre, mais aussi de mieux agir, cette communauté vers laquelle j’irai avec le Président Macky SALL demain, à Kinshasa, pour la convaincre de s’élargir encore, de prendre toutes les initiatives et de porter des valeurs. Parce que parler une langue, parler la langue française, qui est ici une langue africaine, c’est aussi transmettre des valeurs, porter des messages, inspirer des peuples ; parler la langue française, c’est parler la langue de la liberté, c’est parler la langue de la dignité, c’est parler la langue de la diversité culturelle. C’est votre langue, c’est notre langue, nous l’avons en commun. Diffusons-la, portons-la et faisons en sorte que ceux qui la parlent aient une chance de plus que les autres.
Nous ne demandons pas d’écraser d’autres langues. Ici la langue française ne chasse aucune autre langue. Elle n’écrase rien, elle permet tout. Voilà pourquoi nous voulons partager ce bel idéal de la francophonie.
Vous avez aussi besoin, non seulement d’échanges humains, culturels, linguistiques ; vous avez besoin aussi d’échanges — je l’ai dit — d’infrastructures, de transports. Vos villes sont en train d’être transformées en Afrique. De très grandes villes mondiales seront en Afrique avec ce que cela génère comme complexité d’urbanisme, comme exigence de logements.
Je suis arrivé à l’aéroport — j’ai mis un certain temps avec le Président Macky SALL car les Sénégalais étaient venus nombreux nous accueillir et nous circulions au ralenti. J’ai eu le temps d’observer ce que je découvrais. Je voyais ces immeubles qui sortaient de terre, je vois bien les besoins. Voilà pourquoi la France est prête à prendre toute sa part à cette construction, à cette invention.
Je parle des villes et je n’oublie pas les campagnes. L’Afrique a aussi un atout formidable avec la ruralité. Ne croyez pas que c’est une charge ou un poids ; ne pensez pas qu’il y aurait un exode rural qui serait irréversible, parce que ce serait ce qui vaudrait pour tous les développements. Non, votre agriculture doit être développée, vos produits peuvent être plus nombreux qu’aujourd’hui et mieux mis en valeur. Vous devez assurer votre sécurité alimentaire, la productivité en matière agricole peut connaitre, en Afrique, un développement considérable. Nous serons avec vous parce que l’Afrique a besoin de se nourrir par elle-même et d’assurer sa sécurité et son indépendance alimentaire.
***
Mesdames et messieurs, chers amis,
Je ne voudrais pas m’installer trop longtemps à cette tribune, c’est la vôtre. Vous m’avez fait grand honneur — je le disais — de m’accueillir ici. J’ai ressenti une grande émotion.
Nous sommes dans un lieu que le colonisateur avait lui-même bâti. Vous vous en êtes libérés, vous avez été capables de trouver votre voie. Vous êtes une grande Nation et vous m’accueillez aujourd’hui comme un ami.
Nous sommes à la fois liés par l’Histoire et en même temps tellement conscients de ce que nous avons à faire ensemble, les uns avec les autres. Vous attendez de la France, non pas des mots, non pas des principes, même si les principes conduisent à l’action. Vous attendez qu’elle pose des actes, montre des preuves qu’elle est à vos côtés. Je veux essayer de vous convaincre que vous devez être fiers de vous-mêmes, fiers de votre avenir, conscients de votre présent et que vous avez à faire, finalement, le plus beau chemin possible, celui de votre développement. Vous avez une jeunesse qui, je le sais, attend beaucoup et parfois attend trop longtemps. Elle s’impatiente. Nous avons le devoir, les uns et les autres, de lui répondre.
Je remercie le Sénégal, ses honorables députés, son Président de l’Assemblée, le Président de la République, son Gouvernement. Je remercie le Sénégal et le peuple sénégalais de m’avoir attendu, accueilli et accompagné, je ne l’oublierai jamais.
Je me souviendrai longtemps de la chaleur de son accueil. Mais nous avons encore tant à faire ensemble.
Une grande histoire commune nous lie. Il nous revient maintenant d’écrire, ensemble, un nouveau récit, de tracer l’avenir. J’ai retrouvé une belle phrase qui se trouve dans votre hymne national que le Président SENGHOR vous a laissé. Elle témoigne de ce que jeux faire avec vous. « Epaule contre épaule », faire avancer la France et l’Afrique ensemble.
Vive le Sénégal.
Vive la France.
Vive l’amitié entre le Sénégal et la France.
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