RDC : dans l’enfer de la prison de Kinshasa

Condamné à mort pour l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, Marc Antoine Vumilia a passé dix ans en détention à la prison centrale de Kinshasa avant de s’évader. Il raconte son calvaire dans un documentaire-réquisitoire, diffusé sur Arte le 13 octobre, avec des images prises à l’intérieur de l’établissement pénitenciaire de Makala en caméra cachée.

Marc Antoine Vumilia a finalement obtenu l’asile politique en Suède. © espritlibreproduction.com

Marc Antoine Vumilia a finalement obtenu l’asile politique en Suède. © espritlibreproduction.com

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 12 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

À la veille du sommet de la Francophonie de Kinshasa, qui s’ouvre vendredi 12 octobre, les droits et libertés en RDC sont devenus un sujet de controverse entre le gouvernement congolais et le président français. En jugeant, le 9 octobre, « inacceptable » le manque de démocratie et de respect des droits de l’homme dans le pays, François Hollande (qui a décidé de s’y rendre après avoir longuement hésité, justement à cause de ce dossier) s’est immédiatement attiré les foudres du volubile ministre des Médias, Lambert Mende.

Marc Antoine Vumilia a lui un avis bien tranché sur la question. Cet ex-agent de renseignement de la présidence de Laurent-Désiré Kabila fait partie des 30 condamnés à mort pour l’assassinat de l’ancien nzee, le 16 janvier 2001. Mais, contrairement à ses compagnons d’infortune, il dispose d’une tribune pendant le séjour de Hollande à Kinshasa avec la diffusion sur Arte, le 13 octobre*, d’Adieu l’Enfer, un documentaire de 26 minutes consacré à son incroyable histoire.

La prison centrale est organisée comme le pays est organisé; C’est-à-dire sur la base de la corruption et de la violence.

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L’homme, qui a passé près d’une décennie à Makala, la prison centrale de Kinshasa, n’y va pas par quatre chemins : « la prison centrale est organisée comme le pays est organisé. C’est-à-dire sur la base de la corruption, sur la base de l’hypocrisie et sur la base de la violence », affirme-t-il.

Témoignage exceptionnel

Bien plus qu’un simple pamphlet politique, Adieu l’enfer est surtout un témoignage exceptionnel, celui d’un homme qui a pu, à l’aide d’une petite caméra introduite frauduleusement, filmer le quotidien de cette prison de l’intérieur. Il y raconte, face caméra, sa vie dans sa petite cellule aux murs verts il se réfugie dans l’écriture, et qu’il doit louer au prix fort au « comité d’encadrement », sorte de mafia dirigée par les prisonniers de droits commun, qui règne en maître dans ces murs. Il montre les terribles sévices infligés par les membres de ce « comité » à d’autres détenus, la nourriture infecte qui est servie, ou encore le pavillon des « moribonds », sorte de mouroir où s’entasse, à même le sol, les prisonniers les plus mal en point.

Marc Antoine Vumilia a survécu ainsi pendant dix ans jusqu’au jour de son évasion (elle aussi filmée). Dissimulé derrière une épaisse couche de maquillage et un déguisement de femme, il a réussi à se faire passer pour une visiteuse et sortir, incognito, par la grande porte, avant de passer clandestinement à Brazzaville, de l’autre côté du fleuve.

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C’est là qu’il se confie aux réalisateurs, Arnaud Zajtman (ancien correspondant de la BBC à Kinshasa) et Marlène Rabaud, alors qu’il monte une pièce de théâtre et avant de gagner la Suède, où il a, depuis, obtenu l’asile politique. Les deux auteurs, avaient déjà utilisé les images de sa détention (le vrai trésor du film) dans un précédent documentaire, Meurtre à Kinshasa. Qui a tué Laurent-Désiré Kabila ?, une enquête sur les commanditaires de l’assassinat (perpétré par Rachidi Kasereka, un garde du corps du « Mzee ») que la justice congolaise n’est jamais parvenue à identifier véritablement.

Sans doute ont-ils alors estimé que l’histoire de Marc Antoine Vumilia valait, en elle-même, un documentaire. Cela donne un film sobre, éclairant sur la face cachée de Kinshasa, et servi par un personnage dont la sensibilité crève l’écran.

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*Adieu l’Enfer de Marlène Rabaud et Arnaud Zajtman, diffusion sur Arte le 13 octobre à 16h35 GMT (18h35 à Paris) puis pendant une semaine en ligne sur videos.arte.tv
 

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