Les 20 idées qui vont faire bouger l’Afrique
Quels sont les nouveaux concepts et les dernières technologies qui peuvent créer davantage de richesses et améliorer le quotidien des populations ? Télécoms, énergie, finance… Les domaines d’innovation ne manquent pas, la matière grise non plus.
C’est incontestable, l’Afrique innove, elle crée, elle entreprend… Notamment dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), un domaine où les jeunes talents foisonnent. Des réseaux de développeurs de logiciels et d’applications tels que AfriLabs (qui dispose de hubs à Nairobi, Lagos et Dakar) sont ainsi pris d’assaut par les géants de la Silicon Valley et les fabricants de téléphones mobiles en quête de nouvelles idées. Et au-delà des télécoms, que ce soit dans la finance, dans l’agriculture ou l’énergie, les jeunes Africains tentent de trouver, souvent en utilisant des matériaux de tous les jours, des solutions africaines aux problèmes africains. Mais il est aussi vrai que les obstacles empêchant une véritable émergence des inventions capables de créer davantage de richesses et d’améliorer le quotidien des populations sont multiples. Ils vont de la faiblesse des lois sur la propriété intellectuelle au manque d’appuis financiers aux porteurs de projets.
Inventeurs bien inspirés
En Tunisie, au Cameroun et en Égypte, gros plan sur ces Géo Trouvetou qui font avancer la science.
Faustinus Njokikang : des briques à la chaîne
Ce Camerounais a mis au point un prototype de presse manuelle capable de produire 1 000 briques par jour. Le rendement d’un maçon est souvent limité par l’utilisation de boîtes en bois ou en métal peu productives. Cette innovation permet de fabriquer des briques à partir de terre, avec un traitement au ciment qui leur permet de sécher en trois semaines. Après des études en Italie, Faustinus Njokikang est revenu au Cameroun pour fonder sa société, Novatech Construction Systems.
Ahmed al-Wakeel : conduire à distance
En 2011, Ahmed al-Wakeel et ses camarades de l’Université du Caire, Ahmed Swelam, Mazen Shawky et Omar al-Masry, ont inventé un moyen de conduire une voiture à distance. Ce système baptisé Drive fonctionne avec Internet Protocol (IP) et utilise le réseau mobile 3G ainsi qu’un logiciel créé par les quatre étudiants. Il nécessite une installation amovible qui doit être fixée dans le véhicule. Ahmed al-Wakeel a annoncé que son invention pourrait être utilisée par les pompiers, les démineurs ou encore les personnes victimes d’un handicap.
La liste que nous vous proposons dans les pages qui suivent est uneadaptation de l’enquête « Les 30 idées qui font bouger l’Afrique » – nous en avons sélectionné 20 – que vient de publier notre confrère The Africa Report, mensuel anglophone du Groupe Jeune Afrique.
Formation
Des compétences sur commande
Sur un continent où les taux de chômage restent élevés, c’est un véritable paradoxe : de nombreux postes s’ouvrent pour des techniciens, des ingénieurs, des plombiers ou encore des électriciens, mais le nombre de personnes qualifiées est ridiculement faible. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), moins de 5 % des Africains s’inscrivent à des programmes de formation technique ou professionnelle. Résultat : soit des étrangers qualifiés viennent occuper ces fonctions, soit les entreprises limitent leurs activités. Il s’agit là d’un sérieux obstacle au développement de l’Afrique. Mais certains pays commencent à prendre les choses en mains. Le Maroc, par exemple, tente de lancer un plan d’industrialisation dans les secteurs automobile et aéronautique. Pour contourner le problème des compétences, le gouvernement a demandé au constructeur français Renault de créer une école professionnelle, l’Institut de formation aux métiers de l’industrie automobile de Tanger Med, qui a ouvert ses portes en avril 2011. Trois autres centres de ce type suivront, et la même stratégie est appliquée dans divers secteurs. Enfin, la principale innovation du gouvernement marocain a été de permettre au secteur privé, grâce à un financement, de former et de délivrer des diplômes à ceux qui ont acquis une expérience en usine.
Logement
Fabuleux préfabriqué
Organisé en 2011 par le magazine américain Harvard Business Review, le concours Une maison à 300 dollars a présenté des solutions innovantes – et très bon marché – à un problème de logement aujourd’hui mondial. La révolution de l’habitat n’a pas encore suivi, mais plusieurs prototypes issus de ce concours ont pu voir le jour en Haïti, en Inde et en Indonésie. Quelques groupes sud-africains cherchent leurs propres solutions, alors que Pretoria se débat pour répondre à la demande de maisons et d’appartements bon marché. Ainsi, Vela Steel Building Systems a connu un tel succès avec ses maisons préfabriquées qu’il a dû doubler ses capacités de production en 2012. De son côté, Moladi permet de monter des maisons en ciment très rapidement et pour des coûts réduits, en utilisant des composants prémoulés posés par une main-d’oeuvre non qualifiée. De quoi inspirer le Rwanda, qui doit construire au moins 350 000 logements au cours des dix prochaines années pour faire face à la croissance démographique.
Banque mobile
Sans frontières
C’est une première. Avec Orange Money Transfert International, le français Orange lance un service de transfert d’argent mobile entre le Mali, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. « Chaque année, 200 millions d’euros transitent entre ces trois pays sous forme de flux de transferts d’argent », constate l’opérateur. Le nouveau service permet à un client en Côte d’Ivoire d’envoyer « en toute sécurité et à un prix compétitif » de l’argent à ses proches ou à ses fournisseurs au Mali ou au Sénégal. Il suffit à l’expéditeur de se connecter depuis son mobile puis d’indiquer le montant à envoyer et le numéro de téléphone Orange du destinataire, lequel reçoit immédiatement l’argent sur son compte. Cet argent peut être utilisé pour des paiements, achats ou transferts, ou bien être retiré auprès de n’importe quel distributeur Orange Money. Étendu à treize pays d’Afrique et du Moyen-Orient, Orange Money compte désormais plus de 7 millions de clients.
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Mines
Sachez ce que vous achetez
Pointés comme l’une des causes des violations des droits de l’homme dans des pays comme la RD Congo, les minerais font à présent l’objet de nouvelles régulations en matière de traçabilité. La loi américaine Dodd-Frank fait peser sur les compagnies extractives basées aux États-Unis de nouvelles obligations – elles doivent désormais s’assurer que leurs fournisseurs ne favorisent pas les conflits liés aux minerais -, et l’Union européenne a terminé les préparatifs d’une législation similaire. Certains groupes tentent eux aussi de mettre en place leur propre programme de traçabilité, à l’instar de l’américain Motorola, qui a lancé en 2011 Solutions for Hope, un projet qui vise à garantir que la production du tantale utilisé dans la fabrication de ses téléphones portables est exempte de toute activité criminelle. Le finlandais Nokia et le canadien BlackBerry se sont associés à cette initiative.
Décentralisation
Tirelires locales
Attendue depuis longtemps, la décentralisation financière continue de se faire désirer sur un continent où les États restent réticents à partager les ressources publiques, notamment dans le domaine fiscal, empêchant toute autonomie des collectivités sur la gestion des affaires locales. Les Nations unies viennent de lancer un programme qui pourrait contribuer à changer la donne. Il s’agit de financer les autorités locales, à hauteur de 150 000 euros, pour qu’elles construisent des bâtiments qu’elles pourront ensuite louer aux opérateurs privés, afin de disposer de leurs propres fonds. En Sierra Leone, l’expérience a permis la création d’un marché dans la ville de Sembehun. Des projets similaires sont en cours au Sénégal, en Guinée et en Tanzanie.
Local content
Des retombées à domicile
La préférence nationale est à l’ordre du jour en Afrique. Défini depuis vingt ans par les institutions financières internationales, le local content doit assurer un rééquilibrage des richesses en faveur des États, avec l’objectif de faire émerger une main-d’oeuvre qualifiée et de constituer un tissu de sous-traitance digne de ce nom. Ainsi, alors que le Cameroun réserve depuis 2012 la moitié des emplois d’encadrement à des nationaux, le Ghana veut introduire une loi obligeant les investisseurs étrangers à ouvrir leur capital à hauteur de 30 % à des entreprises du pays. Quant à la Côte d’Ivoire, elle réfléchit à la mise en place de quotas réservés à la sous-traitance locale. Le Nigeria est aujourd’hui le pays subsaharien le plus avancé en la matière. Pour maximiser les retombées de sa filière extractive, Abuja a promulgué en 2010 une loi qui encadre au plus près l’emploi, la sous-traitance, la fiscalité ou encore l’actionnariat.
Bourse
Tous à la cote !
Le secteur pétrolier représente 15 % du PIB du Nigeria… mais seulement 3 % de la capitalisation du Nigerian Stock Exchange (NSE). Et alors que les autorités tentent de retenir une plus grande part des profits issus de l’exploitation de cette ressource, le directeur exécutif du NSE, Oscar Onyema, a proposé au gouvernement d’accorder des avantages fiscaux aux multinationales qui s’introduisent sur le marché local… Cherchez l’erreur. La Tanzanie, elle, a adopté une position plus ferme. En juin, le ministère des Finances a indiqué que les groupes miniers et télécoms installés sur le territoire seraient obligés de s’introduire sur la Bourse locale. Certains l’ont déjà fait. Coté à Londres, African Barrick Gold est ainsi entré sur la Place de Dar es-Salaam en 2011. Il s’agit sans doute là d’une piste que la Bourse régionale des valeurs mobilières, à Abidjan, peut explorer.
Énergie
Solaire pas cher
Dans l’Amérique des années 1920, la mise en place de systèmes de paiement échelonné avait contribué à alimenter la révolution du petit électroménager. Le futur de l’énergie dans les zones rurales d’Afrique pourrait bien passer par une méthode de financement similaire. Par exemple, dans l’ouest du Kenya, les foyers abandonnent la paraffine pour l’énergie solaire. La start-up M-Kopa propose des kits prépayés comprenant un panneau solaire de 4 watts, un boîtier de contrôle mural, trois lampes et un chargeur de téléphone. Selon le plan de paiement de M-Kopa, qui utilise la plateforme de paiement mobile M-Pesa (de l’opérateur Safaricom), les usagers réalisent un premier paiement de 2 500 shillings (21 euros), puis payent 40 shillings par jour pour couvrir progressivement le coût total de 17 000 shillings. Jess Moore, directeur de M-Kopa, affirme que 22 000 foyers sont déjà équipés de kits solaires.
Télécoms
Le web même au village
Ensemble, l’américain Microsoft et le kényan Indigo Telecom développent un projet dans la vallée du Rift pour rendre internet accessible dans les zones rurales. Pour ce faire, les techniciens des deux groupes utilisent la télévision White Space, une technologie qui s’appuie sur les bandes de fréquences non utilisées par l’audiovisuel analogique. Leurs stations-relais, qui fonctionnent à l’énergie solaire, peuvent diffuser des signaux wifi dans un rayon de plus de 10 km. Le projet permet également aux entrepreneurs de faire baisser les coûts de connexion grâce à une box conçue spécialement pour faciliter l’accès bon marché à internet et aux réseaux de téléphonie mobile dans des endroits non encore connectés.
Infrastructures
Ensemble pour dépenser
Notre continent dispose de plus d’argent qu’on ne le pense. Il n’y a qu’à voir les dotations des fonds de pension qui voient le jour sur le continent et l’immensité des réserves de change de certains pays. Celles de l’Algérie sont estimées à plus de 150 milliards d’euros, celles du Nigeria dépassent les 37 milliards. Mais le continent est toujours aussi mal doté en infrastructures. Pour pouvoir mettre celles-ci au niveau des besoins, il faudrait dépenser 75 milliards d’euros par an pendant la prochaine décennie. La Banque africaine de développement (BAD) a proposé un plan pour remédier à cela : utiliser les réserves africaines pour garantir les investissements privés dans les infrastructures africaines. L’institution vient de créer un fonds baptisé Africa50, qu’elle gérera elle-même et qui disposera de 38 milliards d’euros pour faire avancer les chantiers les plus importants et les plus complexes. Le tout en tenant compte de la dimension régionale de ces infrastructures. Travaillant avec l’Union africaine (UA) et la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la BAD entend proposer un plan d’action et un calendrier dès que possible.
Statistiques
L’Afrique répond par SMS
Première du genre, l’expérience s’est déroulée en RD Congo. En 2011, la société américaine GeoPoll s’est associée à la Banque mondiale pour convaincre les opérateurs mobiles d’envoyer dix SMS à 150 000 téléphones d’usagers en leur permettant d’y répondre gratuitement. Cette opération a été le premier grand sondage national utilisant la technologie SMS. Les réponses collectées ont permis de se faire une idée du niveau de vie et des préoccupations de la population vivant dans l’est du pays. Une telle initiative ouvre une nouvelle ère dans la collecte de l’information en Afrique. Bénéficiant de réponses en temps réel et d’une géolocalisation précise des sondés, ce genre d’enquête présente des possibilités illimitées. Surtout sur un continent où plus de 80 % de la population est connectée à un réseau de téléphonie mobile. En mai, la BAD a utilisé GeoPoll afin de veiller aux perspectives d’avenir des jeunes Tunisiens depuis le Printemps arabe. Les entreprises peuvent également utiliser cette technique pour évaluer les besoins de leurs clients afin de développer de nouveaux plans marketing.
Culture
Écrire et lire en « africain »
Alors que les États-Unis veulent désormais intégrer la production intellectuelle (livres, films, photos…) dans le calcul de leur PIB, les pays africains pourraient leur emboîter le pas dans quelques années. Car si de Dakar à Niamey en passant par Abidjan, plusieurs générations ont grandi en lisant Corneille, Victor Hugo ou Voltaire, les initiatives se multiplient pour soutenir la production de contenus locaux. Au Togo, les éditions Ago publient des bandes dessinées avec des superhéros africains, tandis qu’au Rwanda, Bakame se concentre sur des publications en langue kinyarwanda pour les plus jeunes. En Afrique du Sud, le FunDza Literacy Trust propose aux jeunes de 13 à 25 ans issus de milieux défavorisés, via les téléphones portables et internet, des livres et des articles de presse qui reflètent leur vie et créent des personnages auxquels ils peuvent s’identifier. Quant à la télévision ougandaise, elle vient de connaître une évolution majeure : une directive lui impose de programmer 70 % de contenu local sur ses antennes à partir de janvier 2014.
Assainissement
Quand les déchets valent de l’or
Les autorités ont longtemps perçu la voirie et le traitement des déchets comme des activités qui coûtent plus qu’elles ne rapportent. Mais un certain nombre d’opérateurs privés plus inventifs les uns que les autres ont décidé de mettre à mal cette idée reçue. À Accra, Waste Entreprisers a construit cette année un centre pilote de retraitement des eaux usées, qui transforme les boues en un combustible très efficace pouvant être utilisé dans des chaudières industrielles. Toujours au Ghana, la multinationale Unilever et l’association à but non lucratif Water & Sanitation for the Urban Poor ont développé Uniloo : un concept de toilettes portables pouvant être installées dans les ménages non connectés aux égouts ou qui ne disposent pas d’une fosse septique. Son succès est tel qu’il faut désormais attendre plusieurs mois avant de pouvoir être équipé.
Intégration
Un visa pour tous
Une simple demande de visa peut parfois se transformer en véritable chemin de croix. Certains pays du continent ont instauré une politique drastique de contrôle des frontières. En dehors de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et, plus récemment, de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), une majorité d’États exigent un visa de la part de leurs visiteurs africains. Ainsi la décision prise par le Rwanda, le 1er janvier, d’autoriser tous les ressortissants africains à entrer sur son territoire pourrait bien changer la donne et ouvrir la voie à plus d’échanges commerciaux et de migrations. En Afrique centrale, les pays de la Cemac entendent aussi mettre en place un visa unique. L’UA réfléchit également à cette possibilité à l’échelle du continent. Ouvrons les frontières et, par là même, les esprits.
Révolutions vertes
L’agriculture s’impose comme un terrain fertile de recherche et développement. Quand on connaît ses impacts économiques, sociaux et sanitaires, on ne peut que s’en féliciter.
Des mouches pour le bétail
En Afrique du Sud, Jason Drew a découvert une nouvelle méthode aussi efficace que bon marché pour produire de l’alimentation animale. Nourries de déchets alimentaires, les mouches pondent des oeufs : 1 kg se métamorphose en 380 kg de larves, prêtes à être consommées par le bétail en soixante-douze heures. Sa firme, AgriProtein, construit sa première unité de production, dont la capacité quotidienne devrait atteindre très vite les 100 t. Il prévoit de réaliser à terme onze usines en Afrique, en Europe et en Amérique.
Riz survitaminé
Deux Maliens viennent de mettre au point une nouvelle variété de riz, Ultra Rice, enrichie en vitamines A et en fer. « Notre but est de faire de notre riz fortifié un standard », déclare Salif Romano Niang, qui a fondé Malô avec son frère Mohamed Ali en 2010. La société construit un entrepôt de stockage à Bamako, et le riz devrait être sur tous les étalages de la capitale en octobre. Les grains Ultra Rice sont aujourd’hui importés d’Inde, mais seront à moyen terme transformés et conditionnés au Mali.
Fonio express
Le Sénégalais Sanoussi Diakité a été récompensé par le prix de l’innovation pour l’Afrique pour l’impact social de son invention. Une machine électrique et thermique qui décortique cinq kilos de fonio en huit minutes – auparavant il fallait deux heures pour en piler 2 kg. Désormais utilisée dans toute l’Afrique de l’Ouest, elle a contribué à relancer le fonio dans la région de Kolda (sud du Sénégal). Chercheur à l’Institut de technologie alimentaire, à Dakar, Sanoussi Diakité travaille aujourd’hui sur la création d’une moissonneuse de criquets : une machine qui aspirera ces insectes ravageurs de cultures.
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