Cameroun : le leader des eaux minérales en difficulté

La Société des eaux minérales du Cameroun (Semc), leader du marché, a enregistré des résultats négatifs. Une première en vingt ans, due à la percée de Source du pays, son rival.

Chaîne d’embouteillage de Source Tangui, l’unique marque de la Semc. © Semc

Chaîne d’embouteillage de Source Tangui, l’unique marque de la Semc. © Semc

OMER-MBADI2_2024

Publié le 30 août 2013 Lecture : 4 minutes.

La grimace est de mise au siège de la Société des eaux minérales du Cameroun (Semc), à Douala. Pour son exercice 2012, la filiale des Brasseries du Cameroun (groupe Castel) a enregistré une baisse de 11 % des ventes de Source Tangui, son unique marque. Cette contre-performance se traduit par une perte de 51 millions de F CFA (77 750 euros). Une première depuis le début de ses activités, en 1983. Et les prévisions pour 2013 ne sont guère optimistes. L’entreprise table sur un résultat net déficitaire de 436 millions de F CFA, avec un recul des ventes de 10,2 %. Face à d’aussi sombres perspectives, le bénéfice de 540 millions de F CFA réalisé il y a deux ans n’est plus qu’un lointain rayon de soleil. Au Douala Stock Exchange, où est coté 20 % du capital de la Semc, l’action résiste néanmoins. Le 5 août, elle était à 118 000 F CFA. « Le titre est stable depuis le début de l’année, avec un cours moyen pondéré à 116 000 F CFA », observe Willy Delort Heubo, analyste financier chez BMCE Capital Cameroun. En fait de stabilité, il faut plutôt voir une stagnation, au regard des bonds en avant enregistrés ces dernières années. Sa valeur a progressé d’au moins 300 % depuis son introduction à la Bourse de Douala, en 2006, surtout sur les quatre derniers exercices. Une période faste qui semble toucher à son terme.

Qu’est-ce qui explique la bonne tenue du titre sur la place financière nationale ? « La politique de rémunération généreuse de l’entreprise », répond Willy Delort Heubo. Malgré ses mauvais résultats, le leader des eaux minérales a récemment annoncé une distribution de 200 millions de F CFA de dividendes à ses actionnaires, parmi lesquels les Brasseries du Cameroun (56,8 %), la Société nationale d’investissement du Cameroun (18 %) et Nestlé Waters France (5 %). Soit 2 180 F CFA par action (contre 4 950 F CFA en 2011). Un geste consenti en puisant dans les réserves.

la suite après cette publicité

Résurrection

À l’origine du ralentissement des activités de la Semc, la montée en force d’un nouvel acteur sur un marché hautement concurrentiel qui pèse 12 milliards de F CFA. L’entreprise Source du pays a raflé en une année 20 % de part de marché avec sa marque Supermont, pour se hisser à la deuxième place. Certes, la Semc domine toujours, avec 72 % de part de marché. Mais jusque-là c’est l’entreprise Semme Mineral Water (5 %) qui était considérée comme l’adversaire le plus sérieux parmi la dizaine d’opérateurs présents au Cameroun.

Il faut dire que Source du pays, une société privée créée en 2005 par feu Thomas Fodouop, est une résurrection. Avant sa reprise en 2011 par ABN, un groupe détenu par le Libanais Nessrallah el-Sahely, elle était à la peine. Supermont avait du mal à s’imposer dans les rayons des supermarchés. À son arrivée, Nessrallah el-Sahely, également présent dans le bois (avec Sefca) et le transport (Solet), s’est montré agressif. « Nous avons tout restructuré : la chaîne de production, la logistique, les produits. Nous devions nous assurer que nous avions un niveau de qualité permettant de répondre à la norme ISO 9001 », explique Ali Awada, directeur marketing et communication de Source du pays.

Lire aussi :

la suite après cette publicité

Cameroun : bras de fer chez les brasseurs
Les 50 premières entreprises de boissons
Eau : Yaoundé à l’heure du système D

Pour la Semc, la menace a été perceptible dès la mise en vente des premiers packs de la nouvelle génération de Supermont. « Au début du premier trimestre 2012, les attaques, pour la plupart déloyales, se sont multipliées aussi bien au niveau des prix que sur le plan qualitatif », notait déjà, en mai 2012, un rapport destiné aux actionnaires des Brasseries du Cameroun. Serge Njapoum, directeur commercial et marketing du brasseur, résume la recette du concurrent : « Une baisse des prix, une bonne distribution et une communication agressive. »

la suite après cette publicité

En tirant les tarifs vers le bas et en diversifiant le format des bouteilles, Source du pays a contraint les autres acteurs à s’aligner. « Tant que les écarts ne se resserrent pas dans une fourchette de 20 à 30 F CFA par bouteille, la guerre des prix se poursuivra », prédit Willy Delort Heubo, qui estime que la marque Source Tangui reste trop chère. La bouteille de 1,5 l coûte 400 F CFA, contre 300 F CFA et parfois même moins chez les concurrents.

Haut de gamme

Pour répondre à cette concurrence, la Semc a décidé de jouer la carte du haut de gamme. « Il n’est pas question de toucher au prix de Source Tangui, qui doit demeurer un produit d’élite, déclare Serge Njapoum. Par contre, nous avons décidé de distribuer l’eau de table Aqua Belle [une marque produite par les Brasseries du Cameroun], jusque-là cantonnée au nord du pays, sur tout le territoire au prix de 200 F CFA. Économiquement, il est difficile de descendre en dessous de ce seuil. »

Pour sa part, Willy Delort Heubo estime que la Semc, la plus ancienne des entreprises du secteur, devrait repenser son modèle : « Son outil industriel ne lui offre pas la flexibilité dont dispose la concurrence pour se diversifier et s’adapter, en produisant par exemple d’autres boissons hygiéniques. » La société compte justement lancer, en septembre, deux nouveaux formats de Source Tangui. Autres ruses : s’appuyer sur le réseau de distribution des Brasseries du Cameroun et, surtout, verrouiller sa présence auprès des clients majeurs que sont les grandes surfaces.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image

Contenus partenaires