Plongée au coeur du Nord-Congo

Longtemps resté en marge des programmes d’aménagement, le nord du Congo se modernise. Avec des succès inégaux. Voyage d’Oyo à Ouesso.

Depuis Brazza, la RN2 traverse les départements de la Cuvette et de la Sangha. © Vincent Fournier/J.A.

Depuis Brazza, la RN2 traverse les départements de la Cuvette et de la Sangha. © Vincent Fournier/J.A.

Publié le 28 septembre 2012 Lecture : 5 minutes.

À l’entrée d’Oyo, à environ 400 km de Brazzaville, sur les rives de l’Alima, les ouvriers sont encore à pied d’œuvre malgré l’heure tardive. Dans quelques mois, un palace cinq étoiles surplombant la rivière ouvrira ses portes. Parviendra-t-il à attirer les touristes, encore trop peu nombreux à s’aventurer dans cette petite ville du nord du Congo, située à l’entrée du département de la Cuvette ? Gymnase, hôpital, mairie, sous-préfecture… De part et d’autre de la grande route goudronnée des infrastructures sortent de terre.

Oyo est le fief du chef de l’État, Denis Sassou Nguesso. Et bien qu’elle n’entre pas officiellement dans le programme de « municipalisation accélérée » – la politique de développement des territoires lancée en 2004 –, la commune prend petit à petit des allures de ville moderne tant elle est choyée par le président. Celui-ci n’est pas né ici, mais à quelques kilomètres, à Edou, un petit village où il a fait ses études primaires et où repose sa fille, Édith Lucie Bongo Ondimba, inhumée en 2009 dans la tradition mbochie. Denis Sassou Nguesso séjourne régulièrement à Oyo, où il possède plusieurs vastes propriétés. Comme lui, deux de ses prédécesseurs, Joachim Yhombi-Opango et Marien Ngouabi, sont originaires du nord du pays.

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S’ils ne sont pas les plus nombreux à avoir accédé au pouvoir (Pascal Lissouba, Alfred Raoul, Alphonse Massamba-Débat, Augustin Poignet et Fulbert Youlou sont des « Sudistes »), les « Nordistes » sont ceux qui y sont restés le plus longtemps. Dans l’imaginaire populaire, la région septentrionale du pays est un « réservoir » de présidents.
Ce qui ne l’a pas empêchée de rester un temps laissée pour compte, la politique de modernisation ayant d’abord été expérimentée dans le Sud, autour de Pointe-Noire. C’est dans cette métropole, capitale économique du pays, qu’a débuté l’exploitation pétrolière ; la région septentrionale en est encore à la phase d’études, bien que les premières découvertes soient prometteuses. « Il est nécessaire de sortir cette partie du pays de son isolement », insiste Prosper Abbas Ickoula, sénateur (Parti congolais du travail, au pouvoir) du département de la Sangha.

Désenclavement

« Grâce à la politique de rééquilibrage actuellement mise en œuvre, nous espérons pouvoir rattraper notre retard. » Peu équipée en infrastructures de base, la région souffre aussi de la mauvaise qualité de ses routes, qui la rendent difficile d’accès. Presque une malédiction pour les habitants, qui vivent comme enclavés. Et des milliers de Congolais ont afflué ces dernières années vers Brazzaville, Dolisie ou Pointe-Noire, dans l’espoir surtout d’y trouver un emploi.

Plus l’on se dirige vers le Nord, moins il y a d’infrastructures.

« Le chef de l’État met tout en oeuvre pour désenclaver l’arrière-pays afin d’éviter l’exode rural, dit Jean-Jacques Bouya, délégué général aux Grands Travaux. En installant l’électricité et en développant notamment les industries du bois et des mines, nous réussirons à rééquilibrer le pays. » Le gouvernement a identifié quatre zones économiques spéciales, qu’il souhaite développer en attirant les investisseurs : Oyo-Ollombo (activités vertes telles que l’agro-industrie et l’écotourisme) ; Pointe-Noire (pétrole, mines et manufacture) ; Brazzaville (tourisme et finance) ; Ouesso (activités forestières, minières et agricoles).

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Plus l’on se dirige vers le nord, moins il y a d’infrastructures. Pour rejoindre Owando, à une centaine de kilomètres au nord d’Oyo, les voitures filent à vive allure sur le tronçon bitumé de la route nationale n° 2 (la bretelle de la Transafricaine Lagos-Mombasa reliant Brazzaville à Ouesso). Le chef-lieu du département de la Cuvette a été relié, fin 2011, au barrage d’Imboulou. Mais bien qu’il connaisse les joies de la modernisation depuis 2008, le département n’en perçoit pas encore les bienfaits… Les équipements sont d’un autre âge, les ordures jonchent les rues, et rechercher un hôtel ou un restaurant est un véritable parcours du combattant.

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L’aéroport a beau être flambant neuf, quasiment aucun avion n’y atterrit. Les chantiers engagés dans le cadre de la « municipalisation accélérée » – financés à 100 % par l’État congolais – n’étant pas toujours achevés, les succès sont inégaux. En parallèle, de gros ouvrages, réalisés dans le cadre d’appels d’offres et lancés en coopération avec la Chine ou la France, se multiplient. Et les résultats sont éloquents : l’axe routier Owando-Makoua-Mambili (126 km) et le pont sur la rivière Mambili, permettant de fluidifier le trafic, ont été inaugurés le 15 mai dernier. La piste en terre rouge-ocre et argileuse reliant Mambili à Ouesso (199 km) sera elle aussi bientôt goudronnée. Aux commandes, la société chinoise China Road and Bridge Corporation, qui réalise la quasi-totalité des grands travaux congolais.

« Si notre collaboration avec les Chinois est très importante, c’est simplement parce qu’ils présentent les meilleurs dossiers, explique Jean-Jacques Bouya. Cela dit, nous avons un brassage d’ingénierie puisque les contrôleurs de chantiers sont le plus souvent allemands ou français. » À terme, l’amélioration du réseau routier va surtout inciter les habitants à produire localement – la région importe plus qu’elle n’exporte –, car les marchandises pourront enfin être évacuées.

Black out

Le Congo-Brazzaville tente de concrétiser son vieux rêve : redevenir la voie de transit privilégiée entre ses voisins enclavés d’Afrique centrale et le golfe de Guinée. Les travaux de la route Ketta-Djoum, qui reliera le pays au Cameroun, ont d’ailleurs enfin été lancés.

Dans les villages installés au cœur de la forêt équatoriale, à 900 km au nord-ouest de Brazzaville, il n’y a toujours pas d’électricité. Aussi la construction d’un barrage hydroélectrique de 19 MW à Liouesso, sur la rivière Lengoué, promet de révolutionner le quotidien des habitants. Réalisés par une autre entreprise chinoise, China Gezhouba Group Corporation, les travaux dureront quatre ans. Les villages voisins, dont Ouesso (chef-lieu du département de la Sangha), seront également alimentés. Présentée comme le futur deuxième pôle économique du pays, la ville est pourtant toujours dans le noir.

Plus de cent vingt ans après la fondation de Ouesso, il n’y a toujours ni lycée, ni stade municipal digne de ce nom, ni infrastructures culturelles et administratives.

Les groupes électrogènes sont capricieux, et l’eau de la Sangha n’arrive que ponctuellement dans les robinets. Plus de cent vingt ans après la fondation de la ville, il n’y a toujours ni lycée, ni stade municipal digne de ce nom, ni infrastructures culturelles et administratives. Seule l’avenue principale Marien-Ngouabi est goudronnée… L’exploitation du bois – sapelli et sipo – est la spécialité de la ville. Mais faute de routes praticables, il est exporté en quasi-totalité vers le Cameroun voisin. Ce qui pose des problèmes d’emplois locaux puisque les Camerounais viennent eux-mêmes s’approvisionner, sans passer par des transporteurs congolais.

« Les installations sommaires héritées de l’ère coloniale sont insuffisantes et dépassées, dit Isidore Mvouba, ministre d’État, ministre des Transports, de l’Aviation civile et de la Marine marchande. Le chantier politique d’ouverture que nous mettons en œuvre contribuera à faire de Ouesso l’une des villes les plus dynamiques du pays. » La quatrième ville congolaise vient en effet d’inaugurer son nouvel aéroport. Amorcés dans les années 1980, les travaux de construction, qui avaient abouti à l’aménagement d’une simple piste, étaient restés inachevés. Reste que les habitants devront encore patienter pour que soit lancée à Ouesso la « municipalisation accélérée ».

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Par Justine Spiegel, envoyée spéciale
 

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