Mali : une armée toujours minée par les divisions

Le camp des commandos parachutistes (Bérets rouges) de Djicoroni, à Bamako, a été mis à sac par les soldats de l’ex-junte après le contre-coup d’État manqué du 30 avril, mené par des supporteurs du président renversé, Amadou Toumani Touré (ATT). Cinq mois après ces violences, les tensions sont toujours vives et minent la cohésion de l’armée malienne, confrontée au défi de la reconquête du Nord. Reportage.

L’entrée du camp de parachutistes de Djicoroni, à Bamako. © Habibou Kouyaté/AFP

L’entrée du camp de parachutistes de Djicoroni, à Bamako. © Habibou Kouyaté/AFP

Publié le 27 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

C’est une impression tragique de naufrage qui saisit le visiteur à l’entrée du camp des commandos parachutistes de Djicoroni, à Bamako. L’ancienne direction du régiment a été saccagée, les portes et les fenêtres sont ouvertes aux quatre vents, laissant entrer la poussière, les papiers et les détritus jonchent le sol… Il n’y a plus le moindre véhicule à l’horizon, ni blindé léger type BRDM, ni jeep ou 4X4. Le magasin d’armes a été pillé, celui des stocks de rations alimentaires aussi…

Dans leur fureur, le 1er mai, les hommes du capitaine Sanogo, le leader de l’ex-junte, ont mis le camp à sac pour se venger du contre coup d’État manqué mené par des Bérets rouges – les paras et les membres de l’ex-Garde présidentielle de Amadou Toumani Touré (ATT, renversé le 22 mars). Au milieu des décombres, les femmes de militaire s’organisent pour tenter de faire vivre leurs familles.

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« Dans son discours à la télé [au journal de 20 heures du 10 septembre, NDLR], le capitaine Sanogo a dit qu’il n’y avait pas de problème dans les garnisons du Mali. Mais je voudrais lui dire que depuis trois mois, nos maris n’ont eu ni salaire, ni rations alimentaires pour leurs familles. C’est en vendant de l’eau fraîche et de la glace que nous trouvons de quoi survivre », explique Mme Sogodogo Fatoumata Samaké, une des porte-paroles des femmes du camp.

Au moindre soupçon de la présence d’un Béret vert, les femmes sifflent l’alerte générale.

Tours de garde

Une trentaine de militaires ont en outre été arrêtés par l’ex-junte. Le mari de Mme Sogodogo a été interpellé en mai et se trouve depuis détenu à la gendarmerie. Pour stopper les arrestations illégales, les femmes et les jeunes du camp ont mis au point un stratagème. À partir de 9 heures du matin, sifflet à la bouche, pierres et bâtons dans les mains, les femmes prennent position sur la place d’arme du camp, face à l’entrée principale. Au moindre soupçon de la présence d’un Béret vert, elles sifflent l’alerte générale.

Tout le camp se met alors sur pied, jusqu’à ce que l’identité du visiteur soit connue. Dès la tombée de la nuit, à partir de 18 heures, les jeunes prennent la relève jusqu’au lendemain. Ce sont pour la plupart des fils de Bérets rouges. « Pour empêcher les Bérets verts d’enlever nos tontons, nous formons quatre groupes de vingt, postés devant chaque entré du camp », explique Souleymane Mahalmadane. Nous avons des lance-pierres ainsi que des lanières de parachutes que nous utilisons comme fouet, mais aussi des cailloux bien aiguisés », explique-t-il.

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Une manifestation de femmes de Bérets rouges, à Bamako, en juillet 2012 :

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Les Bérets rouges sont quant à eux retranchés loin des regards, au fond du camp. Depuis cinq mois, plus de 500 soldats, commandos parachutistes, se sont refugiés là, entre le mur de clôture et les habitations. Ils passent toute la journée autour du thé. Parmi eux, on compte même plusieurs hauts gradés.

Derrière Sanogo

Dans les discussions, on parle beaucoup de ce qui se passe à Kati (le QG de Sanogo). Entre deux verres de thé, un haut gradé confie : « En ce moment, le problème, ce sont les deux cerveaux de la mutinerie du 21 mars [menant au coup d’États du 22 mars, NDLR] qui se sont cachés derrière le capitaine Sanogo. Il s’agit du major Djenan Fomba et de l’adjudant-chef Seyba Diarra. Ce dernier avait déjà comploté contre le président Alpha Oumar Konaré 1997 », accuse-t-il.

Le 26 septembre, les deux officiers en question ont d’ailleurs été nommés au grade de sous lieutenant. Une promotion pour leur faire accepter l’accord avec la Cedeao sur une intervention ouest-africaine au Mali ? « Ils gardent toujours la main sur les soldats avec lesquels ils font pression sur Sanogo et sur le ministre de la Défense, Yamoussa Camara, notamment en ce qui concerne la future Mission de la Cedeao au Mali » [Micema, NDLR], poursuit notre Béret rouge.

Autre sujet qui revient souvent dans les grins de Djicoroni : la réconciliation entre Béret rouges et Bérets verts. « Tant que nos salaires, nos rations alimentaires ne nous sont pas distribuées qu’on ne nous dit pas où sont passées les 21 soldats disparus, alors qu’ils étaient détenues à Kati, il n’y aura pas d’unité possible au sein de l’armée malienne et il n’y aura jamais de reconquête du Nord », prévient un commando parachutiste.

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Par Baba Ahmed, à Bamako
 

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