Maroc : rentrée de tous les dangers pour le gouvernement Benkirane
Grogne sociale, indicateurs économiques en berne et fortes dissensions au sein de la coalition au pouvoir… Alors que le gouvernement de Abdelilah Benkirane effectue sa première rentrée politique, les défis auxquels il doit faire face se multiplient.
Moins d’un an après leur succès historique aux législatives, dans la foulée de l’adoption d’une nouvelle Constitution sous l’impulsion du roi Mohammed VI, les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD), doivent composer avec un contexte économique peu favorable.
Le temps semble désormais révolu où le Maroc bénéficiait d’une croissance de son PIB relativement forte. Ces dernières années, elle oscillait entre 4 et 5%. En début d’année encore, dans son discours de politique générale, le Premier ministre misait sur un taux de l’ordre de 5,5% pour 2012.
Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts. Au printemps dernier, le Haut-commissariat au Plan (HCP) avait déjà divisé par plus de deux la prévision de M. Benkirane. L’instance tablait sur une croissance de 2,4%.
Lutte contre les déficits
Cette faible croissance ne fait que nourrir les spéculations sur l’ampleur du déficit public du royaume chérifien. Vendredi dernier, le ministre de l’Économie et des Finances, Nizar Baraka, s’est attelé à nier catégoriquement les rumeurs sur l’existence d’un déficit abyssal à 9%. Il en a profité pour répéter à qui voulait l’entendre que son objectif était de ramener le déficit à 5% (il était supérieur à 6% en 2011).
Pour s’attaquer à ces défis économiques, la coalition au pouvoir a organisé, vendredi dernier, une réunion sur la « rentrée politique et sociale ». L’agence de presse MAP précise que les secrétaires généraux des quatre partis de la majorité – dont le PJD et l’Istiqlal (du courant nationaliste) – ont principalement abordé la question de la « maîtrise du déficit budgétaire ».
Dans ses lettres de cadrage budgétaire, adressées fin août aux différents ministères, M. Benkirane a mis l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre une « gestion vigilante de la dette ». Soulignant que la préparation du budget 2013 prenait place « dans un contexte difficile », le Premier ministre a évoqué deux réformes importantes et douloureuses pour l’année à venir. D’une part, le gouvernement doit procéder à une réforme des retraites. En second lieu, le système de la « caisse de compensation », qui assure à grands frais la subvention des produits de première nécessité, devra lui aussi être revu.
Le FMI en soutien
Dans ce contexte pour le moins maussade, le Fonds monétaire international (FMI) a préféré joué la prudence, procédant à l’ouverture d’une ligne de crédit « de précaution » en faveur du Maroc. Dotée de 6,2 milliards de dollars, elle visera essentiellement à protéger le royaume contre les « chocs extérieurs », c’est à dire contre les possibles répercussions du ralentissement de l’économie mondiale sur celle du royaume.
À Rabat, les manifestations de diplômés qui n’arrivent pas à trouver un emploi se succèdent, presque jour après jour.
Le chômage des jeunes, qui s’élèverait à 30%, représente un autre problème majeur au Maroc. À Rabat par exemple, les manifestations de diplômés qui n’arrivent pas à trouver un emploi se succèdent, presque jour après jour.
Mais la grogne sociale n’est pas l’apanage de ces jeunes chômeurs. À preuve, un appel à manifester a été lancé cet été avec comme revendication-phare la dénonciation de « la cherté de la vie ». Le prix de l’essence avait augmenté de 20% dans les semaines précédents le mouvement.
Alors qu’il a d’autres dossiers brûlants (tourisme, éducation nationale, régionalisation) entre les mains, le gouvernement Benkirane place beaucoup d’espoirs dans le dialogue social. À ce titre, plusieurs rencontres sont prévues cette semaine entre le chef du gouvernement et les organisations syndicales du royaume. Le Premier ministre a également prévu de s’exprimer devant la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM).
Lutte de pouvoir
Jusque-là, Benkirane a réussi à surmonter provisoirement la plupart des difficultés. Un diplomate confie ainsi à l’AFP que, « depuis son entrée en fonctions, le Premier ministre a bien occupé l’espace médiatique, et il a plutôt bien manœuvré jusque-là malgré quelques sujets épineux ».
Cependant, comme si les chantiers mentionnés plus hauts ne suffisaient pas, il est également confronté à d’importantes dissensions politiques internes. L’interdiction, fin août, d’une cérémonie de clôture du congrès de la jeunesse du PJD sur une place de Tanger a marqué le début du refroidissement des relations entre Benkirane et le ministre de l’Intérieur, Mohand Laenser (qui n’est pas issu du PJD mais du Mouvement populaire, un parti de centre droit). Les luttes de pouvoir au sein et hors du gouvernement n’ont fait qu’exacerber ces tensions.
(Avec AFP)
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